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Les deux présidents des Commissions, Elke Sleurs (N-VA) et Alain Courtois (MR), se verront demain jeudi pour s'accorder sur une proposition de calendrier en ce qui concerne la suite des travaux. Les débats politiques pourraient démarrer d'ici une dizaine de jours. Un des problèmes soulevés ces derniers mois au Sénat concerne le refus de certains médecins mais surtout de certaines institutions, de pratiquer l'euthanasie, une prise de position qui rentre potentiellement en conflit avec le droit du patient d'y avoir recours. Le professeur Herman Nys (KUL), grand spécialiste de l'euthanasie, a suggéré de rendre obligatoire la nécessité pour un médecin refusant l'euthanasie de renvoyer le patient vers un confrère, sous peine de "sanctions disciplinaires".En vertu de la loi actuelle, un médecin peut refuser l'acte; il revient alors au patient de consulter un confrère, le prestataire précédent devant alors communiquer son dossier, ce qu'il ne fait pas systématiquement. Jacqueline Herremans, présidente de l'Association pour le Droit de Mourir dans la Dignité, a pour sa part estimé que le renvoi obligatoire suffirait à susciter un "mouvement" favorable, de même que l'inscription dans la loi de l'interdiction pour une institution de faire valoir une clause de conscience. La dernière séance d'auditions a permis de souligner la difficulté à faire évoluer l'euthanasie en ce qui concerne les pathologies en milieu psychiatrique, d'origine psychique ou cérébrale. Alors que la sénatrice CD&V Els Van Hoof avait indiqué, à rebours des auditions tenues jusqu'ici, qu'elle ne connaissait pas un seul hôpital refusant d'exécuter l'actuelle loi sur l'euthanasie, la psychiatre Lieve Thienpont lui a rétorqué qu'elle n'intégrait certainement pas les hôpitaux psychiatriques dans ses statistiques, aucun de ceux-ci n'exécutant ce type de pratique.Evoquant la nécessité de prendre en compte la souffrance psychique des patients, celle-ci a fait référence à un cas dramatique, celui d'Edith Vincke qui, découragée par les refus du corps médical d'accéder à ses demandes d'euthanasie, a fini par se suicider après des années de combats contre la maladie.Le père de la victime était venu mercredi, parmi le public, assister aux auditions. Ce dernier a créé un blog rassemblant des témoignages.La souffrance psychique doit être prise en compte, a insisté Lieve Thienpont, appuyant une prise de position de Jacques Brotchi (MR). Parfois, "on vit encore mais on n'a plus de vie", a-t-elle précisé, souignant qu'elle n'évoquait pas de simples dépressions mais bien des pathologies importantes. Professeur à la VUB et président de la Commission fédérale de contrôle et d'évaluation de l'euthanasie, Wim Distelmans a plaidé mercredi en faveur d'une amélioration de la loi actuelle, tout en se disant opposé, par crainte de s'y perdre, à une "codification" des textes sur la fin de vie, comme le suggère Groen.L'information doit être renforcée, ont plaidé l'ensemble des spécialistes entendus, alors que Wim Distelmans et Jacqueline Herremans ont défendu, plus avant, l'idée d'une déclaration anticipée permettant de se prémunir d'un éventuel état de démence. Les idées progressent, a fait observer Wim Distelmans. "Il y a dix ans, des hôpitaux indiquaient qu'il n'y avait pas besoin de soins palliatifs car chez eux, on soignait, on ne préparait pas à la mort. Aujourd'hui, on y dit qu'il n'y a pas besoin d'euthanasie car des équipes de soins palliatifs ont été mises en place. Les esprits évoluent", a-t-il ironisé. Les spécialistes sont également revenus sur le fait que les pratiques d'euthanasie étaient fort différenciées au nord et au sud du pays, Wim Distelmans soulignant que la sédation palliative, qu'il voit comme une euthanasie déguisée, était deux fois plus pratiquée dans la partie francophone du pays.Alors que certains y voient un clivage culturel - les médecins francophones se retrancheraient plus volontiers derrière le colloque singulier - Jacqueline Herremans y voit d'autres raisons potentiellement changeantes. Ces statistiques pourraient évoluer car la formation des médecins aux pratiques de fin de vie, dont l'euthanasie, est aujourd'hui une réalité, il y a un intérêt croissant pour ce type d'approche tandis que le nombre de demandes moins important pourrait être corrigé moyennant un accroissement de l'intérêt médiatique francophone pour ce genre de problématique.A la suite des auditions, un certain nombre d'éléments semblent recueillir une majorité d'échos favorables en Commission, notamment la suppression du délai de cinq ans pour la déclaration anticipée, ou l'ouverture de l'euthanasie aux mineurs d'âge capables de discernement. Le débat politique va pouvoir s'engager, à une dizaine de mois de la fin de la législature, un calendrier relativement serré pour un parcours parlementaire dans deux assemblées.En marge des auditions, Jacqueline Herremans a appelé à avancer au plus vite sur ce qui pouvait faire consensus, en s'appuyant pour ce faire sur la plus large majorité possible, cela alors que certains semblent vouloir isoler la N-VA, qui copréside la Commission.