Médecins, patients, journalistes : nous sommes bombardés d'infos sur le Covid19. Difficile d'avoir une vision globale sur la crise sanitaire majeure que nous vivons...

Dr Paul De Munck : C'est impossible d'avoir une vision globale. C'est le premier problème à identifier. Personne n'a une vision panoramique, d'hélicoptère sur la situation.

On a cru comprendre que les MG n'auraient plus de contact physique avec les malades Covid19 et utilisent les consultations téléphoniques...

Plus de contacts physiques, ce n'est pas exact. La stratégie est d'éviter les contacts physiques avec des patients suspects d'être positifs avec des symptômes tels que décrits par Sciensano. Mais le médecin ne peut jamais savoir si le patient est contagieux ou pas. Il y a des contacts qui s'ignorent. Il y a également des contacts avec des Covid19 avérés ou hautement suspects dans les centres de tri. Tant qu'on ne connaîtra pas le statut immunitaire des citoyens examinés, on n'échappera jamais à un risque de contagion pour un malade qui est déjà porteur mais asymptomatique ou bien qui est guéri mais qui est encore potentiellement contagieux.

Ces contacts dont vous parlez ne se font-ils pas avec masque de protection ?

Oui et non. La grande question, ce sont les équipements de protection individuelle. Il y masque et masque. Je rappelle que les masques chirurgicaux dont tout le personnel médical et soignant ne dispose d'ailleurs toujours pas en totalité (certains, oui ; beaucoup d'autres non) protègent la personne qui se trouve en face du médecin. Si ce dernier est contagieux, le masque protège le patient du médecin. Mais pas l'inverse. Les masques FFP2, dont on manque CRUELLEMENT au niveau des soignants, que ce soit en hospitalier ou en ambulatoire, protègent le médecin (ou le soignant) lui-même de la contagion éventuelle du patient.

Le manque de masques de protection reste la plus grande faiblesse dans notre guerre contre le coronavirus

Dans les deux sens d'ailleurs...

Pour le coup, oui. Dans les deux sens. Donc la réponse à la question " Tout le monde qui devrait bénéficier de cette protection, l'a-t-elle ", la réponse est " non " une nouvelle fois. Ça reste le plus grand problème et la plus grande faiblesse de toutes les stratégies mises au point pour l'instant. La 1ère ligne fait preuve d'une grande créativité collective pour mettre au point des stratégies qui s'adaptent à cette insuffisance de protection individuelle. C'est pourquoi le Collège de médecine générale a dit immédiatement : " On ferme les cabinets aux contacts physiques. On n'ouvre que pour des cas non-Covid où le médecin peut se protéger. On fait un maximum à distance par téléphone." L'Inami a identifié un code de nomenclature spécifique, etc.

Ceci conditionne-t-il la suite des événements ?

Absolument : on attend la deuxième vague et les retours à domicile des personnes guéries qui ont été soignées à l'hôpital. Elles pourraient encore être contagieuses. Nous devrons encore nous occuper de ces gens qui rentrent.

Nous avons une armée sans fusils ?

Absolument. Non seulement on envoie au front des gens sans les armes suffisantes. Mais en arrière du front de la 2e ligne hospitalière, on n'a pas non plus complètement tout ce qu'il faut. Peut-on nous certifier que les vieilles personnes que vous nous renvoyez sont négatives ? "

Concrètement, que fait-on avec les guéris qui reviennent à domicile ou dans leur maison de repos ?

Nous sommes très créatifs. En étroite collaboration avec les maisons de repos et de soins (MRS) et avec les médecins coordinateurs en MRS qui font face déjà à des patients positifs, nous essayons de pallier le problème des deux filières : Covid et non-Covid. Les maisons de repos ne peuvent pas se permettre de faire une aile avec les Covid et une aile avec les non-Covid qui reviennent guéris et a priori immunisés. Certains MR(S) disent : " Vous pouvez nous certifier que les vieilles personnes que vous nous envoyer sont négatives ? " Ils n'ont pas toujours la réponse.

Vous pouvez nous certifier que les vieilles personnes que vous nous envoyez sont négatives ?

Que faire ?

-Nous réfléchissons - je vous le livre à chaud - à l'idée de créer entre la 1ère ligne et la 2e ligne hospitalière, une ligne " 1,5 ", pont entre l'hôpital et l'ambulatoire. Cette ligne tampon pourrait accueillir ces personnes post-hospitalisées dont le degré résiduel de contagion reste inconnu. On pourrait les suivre avec du personnel équipé correctement en protection individuelle. On aurait des tests qui prouveraient qu'ils sont négatifs. Cela vaut autant pour une MRS que pour le retour à domicile. Rentrer à domicile et contaminer le reste du ménage n'est pas non plus une solution. Nous réfléchissons avec les autorités pour identifier des espaces, des locaux. Comme des hôtels, des lieux de vacances, vides de toute façon qui pourraient être mis à contribution. Des lieux de convalescence post-hospitalisation. Pour ces lieux-là, on va privilégier les tests. Une fois testés négatifs, ils pourraient rentrer du lieu d'où ils viennent. Des casernes sont aussi disponibles. Mais ces patients ont souvent des comorbidités, donc ils doivent être suivis.

Kinés et dentistes en renfort.

Comment faire alors ? A-t-on assez de personnel ?

-Je suis en contact avec les kinés, avec Bernard Laplanche (ndlr : président d'Axxon). Il me rappelait que 2.600 kinés sont prêts à participer à un effort collectif. Ils sont formés à traiter un patient, à la contagion, prendre la tension... On parle également de réserves de dentistes. Michel Devries (ndlr: président de la Société de médecine dentaire) me dit que des dentistes sont prêts à donner un coup de main. Le dentiste est particulièrement sensibilisé aux problèmes de contagion. Toutes les professions paramédicales sont en inactivité partielle aujourd'hui et pourraient être mises à contribution. Plus les étudiants en kiné, en sciences infirmières. La ligne 1,5 aura besoin de ces personnes. Le gros problème est qu'ils ne travaillent pas dans des structures comme des unités de soins intensifs ou de réanimation ou de services spécialisés, on expose tout ce personnel aux risques de contagion. Ces gens devraient devenir une nouvelle priorité pour les équipements de protection individuelle.

Belgaimage
© Belgaimage

Avez-vous des infos up to date sur les commandes et les livraisons de masques, tests, vêtements de protection, etc. ? En France, on parle d'un milliard de masques commandé ; en Belgique, 30 millions. Quand arriveront-ils ? 165 pays sont touchés et chacun cherche à se procurer ce précieux matériel...

On ne sait pas quel matériel on va recevoir et quand ! On a établi des priorités au niveau du Risk Management Group. Au Collège de médecine générale (qui en passant fait un travail absolument remarquable et inédit ! C'est une nouvelle page écrite dans l'histoire de la médecine générale), je discute avec d'autres collègues. Certains n'ont pour l'instant rien vu venir. A Bruxelles, la FAMGB me disait ce matin (ndlr : lundi 30 mars) qu'ils n'avaient encore rien reçu. Au niveau wallon, non plus ils ne sont pas livrés. Encore une fois, le fait que des masques arrive ne résout pas tout !

L'arme fatale ce serait le traitement... Suivez-vous la controverse au sujet de l'association proposée par le désormais célèbre infectiologue Didier Raoult de Marseille : Hydroxychloriquine+azithromycine ?

Je vais être très clair : je laisse la main aux scientifiques. Qui suis-je pour rajouter une couche à cette controverse ? Je ne suis pas compétent pour trancher sur le fait de l'administrer ou non... De ce que j'entends, c'est qu'on n'a pas de preuve irréfutable jusqu'ici de l'efficacité de ce traitement. Des études positives ont été faites en Chine. Mais c'est compliqué. Je me range derrière l'avis des scientifiques qui suivent le dossier pour nous. Je ne suis pas pro- ou contre Raoult. Dans les épidémies, il y a toujours des " précurseurs " qui essaient des traitements et qui ont de bonnes raisons de croire que cela pourrait être efficace sans études en double aveugle.

Toutefois, peut-t-on, comme dans le cadre d'une étude clinique, le proposer au patient dans l'optique du consentement éclairé ? A lui de choisir, en définitive...

Bien évidemment. Mais encore faut-il en disposer, de ce traitement... Pour l'instant, c'est réservé aux cas les plus graves...

Médecins, patients, journalistes : nous sommes bombardés d'infos sur le Covid19. Difficile d'avoir une vision globale sur la crise sanitaire majeure que nous vivons...Dr Paul De Munck : C'est impossible d'avoir une vision globale. C'est le premier problème à identifier. Personne n'a une vision panoramique, d'hélicoptère sur la situation.On a cru comprendre que les MG n'auraient plus de contact physique avec les malades Covid19 et utilisent les consultations téléphoniques...Plus de contacts physiques, ce n'est pas exact. La stratégie est d'éviter les contacts physiques avec des patients suspects d'être positifs avec des symptômes tels que décrits par Sciensano. Mais le médecin ne peut jamais savoir si le patient est contagieux ou pas. Il y a des contacts qui s'ignorent. Il y a également des contacts avec des Covid19 avérés ou hautement suspects dans les centres de tri. Tant qu'on ne connaîtra pas le statut immunitaire des citoyens examinés, on n'échappera jamais à un risque de contagion pour un malade qui est déjà porteur mais asymptomatique ou bien qui est guéri mais qui est encore potentiellement contagieux.Ces contacts dont vous parlez ne se font-ils pas avec masque de protection ?Oui et non. La grande question, ce sont les équipements de protection individuelle. Il y masque et masque. Je rappelle que les masques chirurgicaux dont tout le personnel médical et soignant ne dispose d'ailleurs toujours pas en totalité (certains, oui ; beaucoup d'autres non) protègent la personne qui se trouve en face du médecin. Si ce dernier est contagieux, le masque protège le patient du médecin. Mais pas l'inverse. Les masques FFP2, dont on manque CRUELLEMENT au niveau des soignants, que ce soit en hospitalier ou en ambulatoire, protègent le médecin (ou le soignant) lui-même de la contagion éventuelle du patient.Dans les deux sens d'ailleurs...Pour le coup, oui. Dans les deux sens. Donc la réponse à la question " Tout le monde qui devrait bénéficier de cette protection, l'a-t-elle ", la réponse est " non " une nouvelle fois. Ça reste le plus grand problème et la plus grande faiblesse de toutes les stratégies mises au point pour l'instant. La 1ère ligne fait preuve d'une grande créativité collective pour mettre au point des stratégies qui s'adaptent à cette insuffisance de protection individuelle. C'est pourquoi le Collège de médecine générale a dit immédiatement : " On ferme les cabinets aux contacts physiques. On n'ouvre que pour des cas non-Covid où le médecin peut se protéger. On fait un maximum à distance par téléphone." L'Inami a identifié un code de nomenclature spécifique, etc.Ceci conditionne-t-il la suite des événements ?Absolument : on attend la deuxième vague et les retours à domicile des personnes guéries qui ont été soignées à l'hôpital. Elles pourraient encore être contagieuses. Nous devrons encore nous occuper de ces gens qui rentrent.Nous avons une armée sans fusils ?Absolument. Non seulement on envoie au front des gens sans les armes suffisantes. Mais en arrière du front de la 2e ligne hospitalière, on n'a pas non plus complètement tout ce qu'il faut. Peut-on nous certifier que les vieilles personnes que vous nous renvoyez sont négatives ? "Concrètement, que fait-on avec les guéris qui reviennent à domicile ou dans leur maison de repos ?Nous sommes très créatifs. En étroite collaboration avec les maisons de repos et de soins (MRS) et avec les médecins coordinateurs en MRS qui font face déjà à des patients positifs, nous essayons de pallier le problème des deux filières : Covid et non-Covid. Les maisons de repos ne peuvent pas se permettre de faire une aile avec les Covid et une aile avec les non-Covid qui reviennent guéris et a priori immunisés. Certains MR(S) disent : " Vous pouvez nous certifier que les vieilles personnes que vous nous envoyer sont négatives ? " Ils n'ont pas toujours la réponse. Que faire ?-Nous réfléchissons - je vous le livre à chaud - à l'idée de créer entre la 1ère ligne et la 2e ligne hospitalière, une ligne " 1,5 ", pont entre l'hôpital et l'ambulatoire. Cette ligne tampon pourrait accueillir ces personnes post-hospitalisées dont le degré résiduel de contagion reste inconnu. On pourrait les suivre avec du personnel équipé correctement en protection individuelle. On aurait des tests qui prouveraient qu'ils sont négatifs. Cela vaut autant pour une MRS que pour le retour à domicile. Rentrer à domicile et contaminer le reste du ménage n'est pas non plus une solution. Nous réfléchissons avec les autorités pour identifier des espaces, des locaux. Comme des hôtels, des lieux de vacances, vides de toute façon qui pourraient être mis à contribution. Des lieux de convalescence post-hospitalisation. Pour ces lieux-là, on va privilégier les tests. Une fois testés négatifs, ils pourraient rentrer du lieu d'où ils viennent. Des casernes sont aussi disponibles. Mais ces patients ont souvent des comorbidités, donc ils doivent être suivis.Comment faire alors ? A-t-on assez de personnel ?-Je suis en contact avec les kinés, avec Bernard Laplanche (ndlr : président d'Axxon). Il me rappelait que 2.600 kinés sont prêts à participer à un effort collectif. Ils sont formés à traiter un patient, à la contagion, prendre la tension... On parle également de réserves de dentistes. Michel Devries (ndlr: président de la Société de médecine dentaire) me dit que des dentistes sont prêts à donner un coup de main. Le dentiste est particulièrement sensibilisé aux problèmes de contagion. Toutes les professions paramédicales sont en inactivité partielle aujourd'hui et pourraient être mises à contribution. Plus les étudiants en kiné, en sciences infirmières. La ligne 1,5 aura besoin de ces personnes. Le gros problème est qu'ils ne travaillent pas dans des structures comme des unités de soins intensifs ou de réanimation ou de services spécialisés, on expose tout ce personnel aux risques de contagion. Ces gens devraient devenir une nouvelle priorité pour les équipements de protection individuelle.Avez-vous des infos up to date sur les commandes et les livraisons de masques, tests, vêtements de protection, etc. ? En France, on parle d'un milliard de masques commandé ; en Belgique, 30 millions. Quand arriveront-ils ? 165 pays sont touchés et chacun cherche à se procurer ce précieux matériel...On ne sait pas quel matériel on va recevoir et quand ! On a établi des priorités au niveau du Risk Management Group. Au Collège de médecine générale (qui en passant fait un travail absolument remarquable et inédit ! C'est une nouvelle page écrite dans l'histoire de la médecine générale), je discute avec d'autres collègues. Certains n'ont pour l'instant rien vu venir. A Bruxelles, la FAMGB me disait ce matin (ndlr : lundi 30 mars) qu'ils n'avaient encore rien reçu. Au niveau wallon, non plus ils ne sont pas livrés. Encore une fois, le fait que des masques arrive ne résout pas tout !L'arme fatale ce serait le traitement... Suivez-vous la controverse au sujet de l'association proposée par le désormais célèbre infectiologue Didier Raoult de Marseille : Hydroxychloriquine+azithromycine ?Je vais être très clair : je laisse la main aux scientifiques. Qui suis-je pour rajouter une couche à cette controverse ? Je ne suis pas compétent pour trancher sur le fait de l'administrer ou non... De ce que j'entends, c'est qu'on n'a pas de preuve irréfutable jusqu'ici de l'efficacité de ce traitement. Des études positives ont été faites en Chine. Mais c'est compliqué. Je me range derrière l'avis des scientifiques qui suivent le dossier pour nous. Je ne suis pas pro- ou contre Raoult. Dans les épidémies, il y a toujours des " précurseurs " qui essaient des traitements et qui ont de bonnes raisons de croire que cela pourrait être efficace sans études en double aveugle.Toutefois, peut-t-on, comme dans le cadre d'une étude clinique, le proposer au patient dans l'optique du consentement éclairé ? A lui de choisir, en définitive...Bien évidemment. Mais encore faut-il en disposer, de ce traitement... Pour l'instant, c'est réservé aux cas les plus graves...