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Ce qui frappe, c'est l'impact des prestations hospitalières (8 milliards) et pharmaceutiques (7,6 milliards). Les hôpitaux, avec une hausse de 10,15 % et les médicaments, en augmentation de 12,12 %, affichent des chiffres qui interpellent la Cour. Les honoraires des médecins n'échappent pas à la règle : avec 10 milliards d'euros, ils bondissent de 10,34 %. Derrière ces chiffres, on retrouve la reprise des consultations en clinique et la forte demande de spécialités, consultations et examens, le tout saupoudré d'indexations.Mais les dépenses ont été impactées par un " effet volume " découlant de la reprise des soins non urgents, suspendus durant la crise sanitaire covid. Cela se traduit par un retour aux niveaux de soins pré-pandémiques, avec une forte demande pour des consultations médicales et des traitements hospitaliers.Il faut dire aussi que l'Inami/soins de santé a perdu entre 2021 et 2023 les dotations Covid-19 (757,2 millions d'euros en 2022 et de 994,2 millions d'euros en 2021). Il a toutefois touché en 2023, une dotation de 455,9 millions d'euros pour la couverture des besoins en matière de soins de santé et une dotation de 346,4 millions pour le Fonds Blouses Blanches." Les dépenses pour les soins dentaires ont augmenté de 13,62 %, atteignant 1,3 milliard d'euros. Cette augmentation s'explique par la généralisation de l'e-attest pour les soins dentaires et la reprise des soins reportés pendant la pandémie. Les honoraires infirmiers et les frais de kinésithérapie ont augmenté respectivement de 7,89 % et 11,13 %, en raison de l'indexation et de la hausse de la demande pour ces services. La baisse du nombre de prestations infirmières est attribuée au rétablissement des procédures d'identification des patients par carte d'identité, suspendues pendant la pandémie. "Les soins de santé représentent aujourd'hui plus du quart du budget de la sécurité sociale, soit 26,4 % des dépenses totales. Cette part croissante n'est pas sans poser des questions. La Cour met en garde : si cette trajectoire n'est pas maîtrisée, les comptes sociaux risquent de se retrouver sous pression. Bien que 2023 affiche un excédent budgétaire de 940,4 millions d'euros, cette dynamique risque de compromettre l'équilibre de long terme si les correctifs ne sont pas mis en place.La Cour n'est pas tendre. Première cible : les prévisions budgétaires. Si certaines dépenses sont sous-utilisées, comme les soins infirmiers, d'autres catégories -- en particulier les médicaments et les soins dentaires -- explosent littéralement les comptes. Le mécanisme de " clawback ", cette taxe prélevée sur le chiffre d'affaires des labos pharmaceutiques, se met en marche pour freiner la machine. Mais cela reste une emplâtre sur une jambe de bois, à en croite la Cour.Deuxième critique : le coût croissant des médicaments. Les fameuses conventions " article 81/111 " qui permettent aux labos de verser une compensation si les dépenses réelles dépassent les prévisions montrent des limites. En 2022, ces médicaments représentaient déjà près de 40 % des dépenses pharmaceutiques, et aucune transparence réelle n'est disponible sur les économies générées. La Cour demande donc des éclaircissements et plaide pour une surveillance accrue.Enfin, les mutualités ne sont pas épargnées. La Cour souligne que ces dernières n'arrivent pas à tenir leurs objectifs budgétaires. En 2023, elles ont ainsi dépassé leur enveloppe de 33,1 millions d'euros, ce qui ne sera compensé qu'en partie par les fonds de réserve. La Cour recommande un renforcement du mécanisme de responsabilité financière pour freiner les excès.Ce rapport propose quelques remèdes. Il y a d'abord la nécessité d'un ajustement rigoureux des objectifs budgétaires pour mieux aligner les dépenses hospitalières et pharmaceutiques avec les réalités. La Cour recommande aussi des rapports détaillés sur les médicaments sous convention pour une transparence totale.Dernier point, mais non le moindre : La Cour des comptes suggère de renforcer le mécanisme de responsabilité financière des mutualités en augmentant le pourcentage de pénalités pour les mutualités qui dépassent leurs objectifs, afin de les inciter à une gestion plus rigoureuse.Sans être alarmiste, la Cour des Comptes appellent à lutter contre les dérapages. Les dépenses de soins de santé, en hausse perpétuelle, menacent la stabilité budgétaire de la sécurité sociale. La maîtrise des coûts médicaux, en particulier des médicaments, doit devenir une priorité. Sans une réforme en profondeur, les comptes de la sécurité sociale en général risquent fort de se retrouver sur la corde raide dans un avenir proche, prévient la Cour.