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Le ton a changé au sommet de l'Europe face à la menace que représente la deuxième vague du virus en Europe. Il ne s'agit plus d'inviter les pays à davantage d'actions, mais d'une menace à peine voilée de désigner les mauvais élèves qui n'ont pas rempli leurs devoirs de lutte contre le virus. "Dans de nombreux pays, la situation est aujourd'hui, 24 septembre 2020, pire qu'en mars dernier, à la veille d'imposer un large lockdown dans toute l'Europe. En retardant la prise de mesures contre la contamination, certains pays prennent le risque d'un gel général du continent au tournant de la fin de l'année. Nous savons que la grippe va apparaître dans quelques semaines, il y a un risque de saturation des structures hospitalières. Il n'est pas normal, dans ce contexte, que certains pays en soient toujours à commencer à mettre en oeuvre les décisions prises en juillet dernier, comme la capacité de soins intensifs dans les hôpitaux. Ou un système de tracing-tracking suffisamment efficient. Nous, commission, nous avons rempli notre contrat. Nous avons passé des appels d'offre avec les producteurs de vaccins pour disposer de suffisamment de doses quand ceux-ci seront suffisamment sûrs et efficaces (NDLR: avec Astra Zeneca et Novartis). Nous l'avons fait pour les fournitures indispensables à la détection et aux soins du Covid, même si nous ne disposons pas encore de médicament spécifique contre cette maladie. Nous l'avons fait pour les masques. Nous attendons la même efficacité chez nos 28 pays membres". Pour changer la tendance de la courbe, avant qu'elle ne finisse en Big Two, qui "pourrait mener à un lockdown global (entreprises et écoles comprises) au tournant du début de l'année", sous peine de dizaines de milliers de morts supplémentaires, la Commission se base sur deux rapports rédigés par les experts européens du Centre européen de surveillance des maladies contagieuses, publiés ce 24 septembre. Sa directrice, Andrea Ammon insiste sur la "simplicité" des gestes les plus efficaces, en l'attente d'un vaccin ou d'un médicament efficace: "la distanciation sociale, le port du masque, le lavage régulier des mains, les gestes barrières, la protection des aînés et des plus faibles". Au passage, elle n'hésite pas à jeter un pavé dans le jardin des pays européens, dont certains continuent à avoir des échanges aériens importants vers des pays dont la situation épidémiologique interdit par principe que l'on voyage vers ses contrées. On sait combien la situation en Italie (en février) puis en Turquie (à Pâques) ont pesé dans l'intensité de la contagion en Belgique. "Chaque pays continue à décider de ses échanges aériens sur base de recommandations locales. Il faudrait unifier cela d'urgence." Faut-il généraliser la vaccination contre la grippe dans toute l'Europe ? "Nous promouvons la vaccination les plus faibles et des groupes prioritaires (malades chroniques de 50 ans avec comorbidités, plus de 65 ans, femmes enceintes) avant celle de la population générale". C'est qu'en Europe, l'offre en vaccin est toujours inférieure à la demande, depuis des dizaines d'années. Mais si le chiffre continue à grimper, la directrice de l'ECDC n'hésite pas à proposer aux Etats membres des mesures ciblées face aux "jeunes" (compris ici comme la tranche 15-49 ans) pour identifier leurs lieux de rencontres, y compris clandestins, afin de "fermer ces endroits ou au moins d'en limiter drastiquement l'accès afin que les mesures sanitaires soient respectées". Mais elle précise: "Il faut accompagner ces mesures d'une communication intense ciblées sur ce groupe. Ils savent que le virus existe, mais ils n'ont pas peur, ils ne se sentent pas concernés. Il faut leur passer le message que les jeunes aussi peuvent contracter une forme grave et le communiquer à des personnes âgées, ce qui peut les tuer". Pour la Commissaire européenne Stella Kyriakides, "il est important de souligner que nous ne voulons pas montrer les jeunes du doigt, mais adapter notre communication à leurs valeurs, leur faire comprendre qu'en se protégeant eux, ils protègent des proches auxquels ils tiennent beaucoup. Ou qu'ils mettent en danger des pans entiers de la société qui leur sont chers. Car les conséquences économiques et sociales d'un lockdown de plusieurs semaines seraient catastrophiques". Pour Andrea Ammon, "le tracing et le tracking n'ont pas été assez efficaces malgré leur implantation. Les applications sur smartphones non plus. Nous apprenons de cette première, mais l'outil n'est pas opérationnel pour surveiller les clusters. Ce que nous faisons aujourd'hui, c'est conseiller urgemment de prendre des mesures qui puissent éviter de prendre des mesures aussi intenses qu'au printemps. Nous publions dans nos documents de référence un tableau des mesures et recommandations, ainsi que l'évaluation de leur impact social. Quand elles sont appliquées en bloc, leur impact est net. Si elles sont dissociées, leur impact est compromis. Il faut une surveillance et un suivi serré pour évaluer l'impact et cela manque dans l'écrasante majorité des pays, notamment ceux qui testent beaucoup trop peu. Si l'efficacité des mesures est moindre, il faut que les pays envisagent des sanctions pénales ou judiciaires, ou l'exécution obligatoire de ces mesures. Regardez l'exemple des masques. Leur port n'est pas imposé partout. Et de juin à septembre, moins de pays l'imposent. C'est anormal". Frédéric Soumois