Il m'a toujours semblé que les grands changements dans l'organisation d'un système économique et social survenaient après une catastrophe majeure. Je me réfère à ce qui s'est passé après la Deuxième Guerre mondiale, entre autres, pour l'organisation de la médecine et de la sécurité sociale en Europe. Ce que nous vivons aujourd'hui est certainement de l'ordre de la catastrophe et débouchera sur des changements majeurs. Je pense à de nouveaux modèles d'accès aux soins fondés sur la télémédecine, de nouvelles modalités de prise en charge des malades, une meilleure circulation entre les plateformes hospitalières, la mise en place de stratégies pour les grands problèmes de santé publique. Toutes ces approches que personne n'aurait osé implémenter s'imposent d'elles-mêmes, forcées par les circonstances, un test grandeur nature qui se révèle finalement d'une efficacité redoutable puisqu'elle semble vaincre la pandémie.

Je ne sais pas s'il faudra effacer l'ardoise et faire comme si les décisions d'hier n'avaient pas impacté la situation actuelle. Je suis bouleversé d'entendre que chaque jour des femmes et des hommes qui soignent les malades contractent le covid-19 et meurent! Médecins, personnel infirmier, soignants, brancardiers, administratifs, personnel d'entretien... Certains d'entre eux payent de leur vie, l'incurie d'un état qui n'a pas su protéger ceux à qui il demande d'aller au feu. C'est vrai pour beaucoup de pays en Europe. Si on appelle volontiers les uns, héros, on pourrait qualifier de criminelle l'attitude des autres. Il y a là, me semble-t-il, matière à reconnaissance et dédommagement. Mais rendre des comptes n'est pas dans la culture politique de la plupart des pays européens. Peut-être faudrait-il prendre exemple sur les modèles développés par les pays nordiques. J'imagine une de ces fictions américaines où un avocat attaquerait l'état et les ministres responsables de cette situation. Tant qu'on est dans la fiction pourquoi ne pas aussi engager une action pour gestion désastreuse de la santé et mise à danger de la population en limitant, sans évaluation et d'une manière obsessionnelle, le nombre de médecins et en négligeant des investissements essentiels. Mais on n'en est pas là. On verra ce qu'il restera de cette colère, que j'imagine partagée par beaucoup, une fois le covid-19 passé.

Rendre des comptes n'est pas dans la culture politique de la plupart des pays européens.

Mais la pandémie est loin d'être terminée. Il reste encore beaucoup de morts à entasser avant d'en voir la fin. Pourtant, partout on entend les experts tenter de dessiner la sortie de la pandémie. Le confinement ne réduit pas, dit-on, le nombre de personnes qui sera contaminé mais l'étale sur une plus longue période. Ce scénario devrait réduire le nombre de malades nécessitant des soins intensifs et le nombre de morts mais l'épidémie, elle, ne s'arrêtera définitivement que lorsque suffisamment de personnes seront immunisées après guérison de l'infection par le virus du Covid-19, ou avoir été vaccinées.

Finalement, peut-on s'attendre à un happy end? On en oublierait presque le calvaire de tous ceux morts d'un SRAS. Il n'est rien de plus difficile que d'imaginer quand on vit, probablement un peu euphorique de ne pas en être, le basculement quand le souffle vient à manquer : l'hôpital, l'agitation de la garde, les visages masqués, le scanner, le cliché flou qui montre la grisaille envahissant les deux poumons, et, avec un peu de chance, l'anesthésiste qui vous dit "je vais devoir vous endormir pour vous intuber et vous placer sous respiration assistée". Le néant. Un no man's land dont très peu reviendront. Non, on ne peut imaginer. Il faut espérer que les autorités, dont j'ai envie de souligner l'action, ne se laisseront pas balayer par les pressions économiques qui ne manqueront pas de surgir.

Il m'a toujours semblé que les grands changements dans l'organisation d'un système économique et social survenaient après une catastrophe majeure. Je me réfère à ce qui s'est passé après la Deuxième Guerre mondiale, entre autres, pour l'organisation de la médecine et de la sécurité sociale en Europe. Ce que nous vivons aujourd'hui est certainement de l'ordre de la catastrophe et débouchera sur des changements majeurs. Je pense à de nouveaux modèles d'accès aux soins fondés sur la télémédecine, de nouvelles modalités de prise en charge des malades, une meilleure circulation entre les plateformes hospitalières, la mise en place de stratégies pour les grands problèmes de santé publique. Toutes ces approches que personne n'aurait osé implémenter s'imposent d'elles-mêmes, forcées par les circonstances, un test grandeur nature qui se révèle finalement d'une efficacité redoutable puisqu'elle semble vaincre la pandémie.Je ne sais pas s'il faudra effacer l'ardoise et faire comme si les décisions d'hier n'avaient pas impacté la situation actuelle. Je suis bouleversé d'entendre que chaque jour des femmes et des hommes qui soignent les malades contractent le covid-19 et meurent! Médecins, personnel infirmier, soignants, brancardiers, administratifs, personnel d'entretien... Certains d'entre eux payent de leur vie, l'incurie d'un état qui n'a pas su protéger ceux à qui il demande d'aller au feu. C'est vrai pour beaucoup de pays en Europe. Si on appelle volontiers les uns, héros, on pourrait qualifier de criminelle l'attitude des autres. Il y a là, me semble-t-il, matière à reconnaissance et dédommagement. Mais rendre des comptes n'est pas dans la culture politique de la plupart des pays européens. Peut-être faudrait-il prendre exemple sur les modèles développés par les pays nordiques. J'imagine une de ces fictions américaines où un avocat attaquerait l'état et les ministres responsables de cette situation. Tant qu'on est dans la fiction pourquoi ne pas aussi engager une action pour gestion désastreuse de la santé et mise à danger de la population en limitant, sans évaluation et d'une manière obsessionnelle, le nombre de médecins et en négligeant des investissements essentiels. Mais on n'en est pas là. On verra ce qu'il restera de cette colère, que j'imagine partagée par beaucoup, une fois le covid-19 passé.Mais la pandémie est loin d'être terminée. Il reste encore beaucoup de morts à entasser avant d'en voir la fin. Pourtant, partout on entend les experts tenter de dessiner la sortie de la pandémie. Le confinement ne réduit pas, dit-on, le nombre de personnes qui sera contaminé mais l'étale sur une plus longue période. Ce scénario devrait réduire le nombre de malades nécessitant des soins intensifs et le nombre de morts mais l'épidémie, elle, ne s'arrêtera définitivement que lorsque suffisamment de personnes seront immunisées après guérison de l'infection par le virus du Covid-19, ou avoir été vaccinées.Finalement, peut-on s'attendre à un happy end? On en oublierait presque le calvaire de tous ceux morts d'un SRAS. Il n'est rien de plus difficile que d'imaginer quand on vit, probablement un peu euphorique de ne pas en être, le basculement quand le souffle vient à manquer : l'hôpital, l'agitation de la garde, les visages masqués, le scanner, le cliché flou qui montre la grisaille envahissant les deux poumons, et, avec un peu de chance, l'anesthésiste qui vous dit "je vais devoir vous endormir pour vous intuber et vous placer sous respiration assistée". Le néant. Un no man's land dont très peu reviendront. Non, on ne peut imaginer. Il faut espérer que les autorités, dont j'ai envie de souligner l'action, ne se laisseront pas balayer par les pressions économiques qui ne manqueront pas de surgir.