Le covid 19, comme un ouragan, balaye tout sur son passage, met à mal une façon de fonctionner en médecine qui a mis près d'un siècle à trouver une voie raisonnable. Pour avoir été en contact avec des projets d'études liés au covid j'ai été surpris par la légèreté et la pauvreté du contenu des protocoles. L'urgence semble justifier la mise au rancart totale de toute méthodologie comme si, dans cette situation d'urgence, la croyance l'emportait sur la science.

Cette absence de rigueur dans certaines études est illustrée, entre autre, par les propos de Didier Raoult. Parlant de la randomisation il dit ne pas pouvoir faire cela à ses malades. Il est à ce point convaincu de l'activité de la combinaison hydroxychloroquine-azithromycine qu'il l'administre à tous ses malades. Ses convictions sont respectables et les bases rationnelles qu'il avance sont attrayantes mais en matière de médecine, la croyance n'a pas de place et il faut apporter la confirmation scientifique de son hypothèse par une étude clinique. Depuis quand est-ce ainsi ? " L'utilisation des statistiquespour montrer l'efficacité d'un traitement remonte au XIXe siècle : le physicien Pierre-Charles Alexandre Louis montra que le traitement de la pneumonie par des sangsues n'était pas bénéfique, mais délétère. Les premières études en "simple aveugle", le patient ignorant s'il reçoit le vrai traitement ou un placebo, apparaissent dès la fin du XIXe siècle pour prouver la supercherie du magnétisme animal développé par Franz-Anton Mesmer, ainsi que d'autres techniques "magnétiques"1.

Retour du religieux

L'idée est de réduire l'influence du hasard dans la sélection des malades et de la subjectivité des intervenants. En cancérologie des progrès majeurs ont été faits en démontrant des gains de survies de quelques pour cent qui ne sont détectables que par des études randomisées menées scrupuleusement jusqu'à leur terme. On pense volontiers que les vitamines protègent toujours contre la maladie. Cela peut être faux. Plusieurs études montrent même un risque accru de développer certains cancers suite à la prise de compléments multivitaminés et/ou d'antioxydants en grande quantité. Panique ! L'épidémie est là, " je ne peux pas faire cela à mes malades, il faut traiter ". Et si la combinaison était délétère, quelques morts par trouble du rythme cardiaque. " On le saurait, des millions de personnes, de par le monde, en consomme depuis des décennies ", dit celui qui sait. On ne s'en rendrait peut-être même pas compte. Je rêve. Au bout d'une longue carrière à essayer de faire progresser ma discipline, je vois resurgir les croyances. Fini la médecine fondée sur des faits et retour à la parole de celui qui sait... On n'est pas loin du religieux. Normal en des temps d'épidémie.

Toutes les études testant l'hydroxychloroquine sont négatives. Une des dernières publiées ayant randomisés plus de huit-cents malades dans les quatre jours qui ont suivi le contact infectant, montre 2,4 % moins de covid déclarés dans le bras hydroxychloroquine par rapport au bras placebo soit 11,8 % et 14,3 % une différence qui peut être due au hasard2. Mais l'azithromycine ne faisait pas partie du traitement... et tous les malades n'étaient pas testés pour le covid... He oui ! L'étude clinique parfaite n'existe pas et, pour le croyant, il peut toujours avancer que la bonne étude n'a pas été réalisée et affirmer avec force que cela fonctionne.

Placer la barre trop haut

La panique saisit, semble-t-il, les plus hautes instances, même la Food and Drug administration. Un article du 15 septembre 2020 du NEJM, intitulé Up is down..., révèle que neuf dirigeants de sociétés pharmaceutiques, face à l'inquiétude croissante du public quant au fait que le gouvernement fédéral pourrait accélérer la libération d'un vaccin Covid-19 malgré des preuves insuffisantes, ont pris une initiative sans précédent le 8 septembre 2020, en déclarant qu'ils refuseraient de postuler pour l'approbation d'un vaccin Covid-19 jusqu'à ce que les données d'essai soient disponibles. Les rôles semblent s'être inversés. Ils considèrent qu'une approbation précipitée des vaccins, suivie de toxicités imprévues, pourrait gravement nuire à la fois à leur crédibilité et à la confiance de la population dans la vaccination... sans parler des ventes d'un Covid-19 et d'autres vaccins. Ils ont évidemment peur que sous la pression de l'administration Trump, la FDA accorde l'utilisation en urgence de vaccins. Tout pourrait se jouer sur la définition de l'objectif à atteindre et la statistique.

Cherche désespérément hommes politiques et médecins experts libres et résistants à la panique

Les directives de la FDA publiées le 30 juin dernier indiquent que pour une approbation, un vaccin doit démontrer une réduction de 50 % ou plus de l'incidence ou de la gravité de l'infection à Covid-19 par rapport au placebo. C'est placer la barre haut. Le document d'orientation de la FDA autorise également une approbation accélérée si l'efficacité est suggérée par des changements dans une mesure de substitution qui est "raisonnablement susceptible de prédire" la protection contre le Sras-Cov-2. Cette mesure pourrait être un changement des niveaux d'anticorps. En cas d'urgence de santé publique, la décision peut être prise par un commissaire qui doit simplement être convaincu, que " le bénéfice connu et potentiel d'un produit [...] l'emporte sur [ses] risques connus et potentiels ". Il est probable que le public accueillerait avec enthousiasme un tel vaccin. Impossible de déterminer les problèmes en cascades qui surviendraient si une telle stratégie était appliquée et s'avérait inefficace et/ou entraînait des toxicités inattendues.

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Références

1. https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tude_randomis%C3%A9e

2. Boulware DR, et al. N Engl J Med 2020 Aug 6;383(6):517-525.

3. Avorn J at al. Up Is Down -- Pharmaceutical Industry Caution vs. Federal Acceleration of Covid-19 Vaccine Approval. N Engl J Med 2020 Sept15.

Le covid 19, comme un ouragan, balaye tout sur son passage, met à mal une façon de fonctionner en médecine qui a mis près d'un siècle à trouver une voie raisonnable. Pour avoir été en contact avec des projets d'études liés au covid j'ai été surpris par la légèreté et la pauvreté du contenu des protocoles. L'urgence semble justifier la mise au rancart totale de toute méthodologie comme si, dans cette situation d'urgence, la croyance l'emportait sur la science.Cette absence de rigueur dans certaines études est illustrée, entre autre, par les propos de Didier Raoult. Parlant de la randomisation il dit ne pas pouvoir faire cela à ses malades. Il est à ce point convaincu de l'activité de la combinaison hydroxychloroquine-azithromycine qu'il l'administre à tous ses malades. Ses convictions sont respectables et les bases rationnelles qu'il avance sont attrayantes mais en matière de médecine, la croyance n'a pas de place et il faut apporter la confirmation scientifique de son hypothèse par une étude clinique. Depuis quand est-ce ainsi ? " L'utilisation des statistiquespour montrer l'efficacité d'un traitement remonte au XIXe siècle : le physicien Pierre-Charles Alexandre Louis montra que le traitement de la pneumonie par des sangsues n'était pas bénéfique, mais délétère. Les premières études en "simple aveugle", le patient ignorant s'il reçoit le vrai traitement ou un placebo, apparaissent dès la fin du XIXe siècle pour prouver la supercherie du magnétisme animal développé par Franz-Anton Mesmer, ainsi que d'autres techniques "magnétiques"1. L'idée est de réduire l'influence du hasard dans la sélection des malades et de la subjectivité des intervenants. En cancérologie des progrès majeurs ont été faits en démontrant des gains de survies de quelques pour cent qui ne sont détectables que par des études randomisées menées scrupuleusement jusqu'à leur terme. On pense volontiers que les vitamines protègent toujours contre la maladie. Cela peut être faux. Plusieurs études montrent même un risque accru de développer certains cancers suite à la prise de compléments multivitaminés et/ou d'antioxydants en grande quantité. Panique ! L'épidémie est là, " je ne peux pas faire cela à mes malades, il faut traiter ". Et si la combinaison était délétère, quelques morts par trouble du rythme cardiaque. " On le saurait, des millions de personnes, de par le monde, en consomme depuis des décennies ", dit celui qui sait. On ne s'en rendrait peut-être même pas compte. Je rêve. Au bout d'une longue carrière à essayer de faire progresser ma discipline, je vois resurgir les croyances. Fini la médecine fondée sur des faits et retour à la parole de celui qui sait... On n'est pas loin du religieux. Normal en des temps d'épidémie.Toutes les études testant l'hydroxychloroquine sont négatives. Une des dernières publiées ayant randomisés plus de huit-cents malades dans les quatre jours qui ont suivi le contact infectant, montre 2,4 % moins de covid déclarés dans le bras hydroxychloroquine par rapport au bras placebo soit 11,8 % et 14,3 % une différence qui peut être due au hasard2. Mais l'azithromycine ne faisait pas partie du traitement... et tous les malades n'étaient pas testés pour le covid... He oui ! L'étude clinique parfaite n'existe pas et, pour le croyant, il peut toujours avancer que la bonne étude n'a pas été réalisée et affirmer avec force que cela fonctionne.La panique saisit, semble-t-il, les plus hautes instances, même la Food and Drug administration. Un article du 15 septembre 2020 du NEJM, intitulé Up is down..., révèle que neuf dirigeants de sociétés pharmaceutiques, face à l'inquiétude croissante du public quant au fait que le gouvernement fédéral pourrait accélérer la libération d'un vaccin Covid-19 malgré des preuves insuffisantes, ont pris une initiative sans précédent le 8 septembre 2020, en déclarant qu'ils refuseraient de postuler pour l'approbation d'un vaccin Covid-19 jusqu'à ce que les données d'essai soient disponibles. Les rôles semblent s'être inversés. Ils considèrent qu'une approbation précipitée des vaccins, suivie de toxicités imprévues, pourrait gravement nuire à la fois à leur crédibilité et à la confiance de la population dans la vaccination... sans parler des ventes d'un Covid-19 et d'autres vaccins. Ils ont évidemment peur que sous la pression de l'administration Trump, la FDA accorde l'utilisation en urgence de vaccins. Tout pourrait se jouer sur la définition de l'objectif à atteindre et la statistique.Les directives de la FDA publiées le 30 juin dernier indiquent que pour une approbation, un vaccin doit démontrer une réduction de 50 % ou plus de l'incidence ou de la gravité de l'infection à Covid-19 par rapport au placebo. C'est placer la barre haut. Le document d'orientation de la FDA autorise également une approbation accélérée si l'efficacité est suggérée par des changements dans une mesure de substitution qui est "raisonnablement susceptible de prédire" la protection contre le Sras-Cov-2. Cette mesure pourrait être un changement des niveaux d'anticorps. En cas d'urgence de santé publique, la décision peut être prise par un commissaire qui doit simplement être convaincu, que " le bénéfice connu et potentiel d'un produit [...] l'emporte sur [ses] risques connus et potentiels ". Il est probable que le public accueillerait avec enthousiasme un tel vaccin. Impossible de déterminer les problèmes en cascades qui surviendraient si une telle stratégie était appliquée et s'avérait inefficace et/ou entraînait des toxicités inattendues.Cherche désespérément hommes politiques et médecins experts libres et résistants à la panique...Références1. https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89tude_randomis%C3%A9e2. Boulware DR, et al. N Engl J Med 2020 Aug 6;383(6):517-525.3. Avorn J at al. Up Is Down -- Pharmaceutical Industry Caution vs. Federal Acceleration of Covid-19 Vaccine Approval. N Engl J Med 2020 Sept15.