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"D ès que nous avons été confrontés à la pandémie, très vite, des hypothèses ont été émises sur la contribution possible de certains nutriments, et en particulier de la vitamine D et du zinc, pour la prévention et le traitement du Covid-19. Quelques études ont paru mais avec peu de résultats probants. Dès qu'une étude montre que cela pourrait fonctionner, c'est monté en épingle et, tout de suite, certains ont dit qu' il fallait prendre de la vitamine D et du zinc pour 'booster' l' immunité", explique le Pr Jean Nève, président du Conseil supérieur de la santé. Le CSS s'est donc saisi de cette question et a analysé les 200 publications scientifiques qui ont paru sur ce thème en 2020. "Nous avons eu la volonté de faire une mise au point après une petite année de publication d'études largement évoquées dans la presse. Nous sommes arrivés à la conclusion que rien n'est vraiment démontré, ni sur la prévention, ni sur le traitement ou l'évolution vers des formes plus graves du Covid-19.""On sait depuis longtemps que la vitamine D, le zinc, mais aussi le sélénium, la vitamine C, la vitamines A, sont des immunostimulants", continue-t-il. "Et on sait depuis longtemps que la population belge est carencée en vitamine D: environ 80% auraient des teneurs corporelles modérément à assez fortement insuffisantes en vitamine D (cc sanguine < à 30µg/l) et 40-50%, si on met la limite à <20µg/l. Pour le zinc, environ 10 à 20% ont des apports insuffisants."L'intérêt pour ces nutriments est donc revenu sur le devant de la scène, mais il n'y a rien de nouveau par rapport à la façon d'aborder le problème, ajoute-t-il: le CSS recommande la consommation d'aliments riches en vitamine D (poissons gras, oeufs, formages, viande) et d'aliments enrichis (lait, produits laitiers, céréales...). "Les aliments enrichis sont une contribution très importante: l'alimentation apporte 5 à 10% maximum de vitamine D et, si on ajoute les aliments enrichis, on peut facilement doubler ces valeurs. Ensuite, on oublie souvent l'exposition au soleil, se promener sans couvre-chef avec les bras dégagés (on ne sait cependant pas quelle quantité on fabrique en été via la synthèse endogène)."Pour les sujets à risque et dont le statut en vitamine D est souvent faible (femmes enceintes, personnes âgées institutionnalisées, végétariens, personnes à peau foncée), le CSS conseille, après évaluation des apports et dosage sanguin, la prise régulière de 10 à 20 µg (400 à 800UI) de vitamine D par jour. " Nous conseillons des quantités sages et modérées, on peut aller jusqu'à 30µg (1200 UI), mais ne pas les dépasser, cela ne sert à rien (même si les intoxications à la vitamine D sont assez rares et souvent dues à une erreur de posologie). Nous sommes donc ouverts à cette complémentation, mais nous insistons: n'exagérons pas dans les doses! La législation a été mal faite, elle autorise jusqu'à 75µg de vitamine D par jour, ce qui est trop. Chez les patients dont le taux de vitamine D s' est écroulé, on peut faire une dose de charge pendant quelques semaines, sous contrôle médical", précise le Pr Nève. Pour le zinc (qui est un immunostimulant plus puissant que la vitamine D), le CSS recommande la consommation d'aliments riches en ce minéral (viande, oeufs, poisson, céréales, légumineuses, lait...). Et pour les groupes à risque de déficience (femmes enceintes, personnes âgées et personnes sous régime non équilibré), il conseille la prise de compléments de zinc de l'ordre de 10mg/j. Ici, non plus, aucun effet n'a pu être objectivé pour lutter contre les symptômes du Covid-19. Le CSS indique néanmoins que "pour les personnes à haut risque d'infection qui ne présentent pas encore de symptômes, un traitement préventif au zinc de 10mg/j pendant trois ou quatre semaines est approprié"."Il y a encore pas mal d'études en cours mais elles utilisent souvent des maxidoses de vitamine D (20.000 à 80.000 UI), ce qui n' est pas transposable dans la vie courante. Il ne faut surtout pas se baser sur les quantités utilisées dans ces études qui se font sous contrôle médical à l'hôpital. Les médecins, pharmaciens et diététiciens ont un rôle crucial à jouer dans le suivi des sujets à risque et pour décourager les patients de prendre des doses exagérées. Sinon, notre porte reste ouverte et nous espérons pouvoir refaire notre rapport dans six mois pour dire où on en est", conclut Jean Nève.