"N ous sentons bien que les constats des rapports mondiaux et européens de l'OMS sur l'impact du Covid sur les soins de santé se vérifient chaque jour dans notre pays. On a détourné les patients en leur disant de ne pas venir à l'hôpital ou chez le généraliste en cas de maladie non urgente. Puis il y a eu la peur de se rendre là où la maladie tue, alors qu'il y avait une incertitude sur la contagion. Mais le résultat est que certains ont suspendu un traitement essentiel, comme des cures de chimiothérapie. Ce qui est dramatique, puisque cela fait perdre définitivement une partie des chances de faire reculer le cancer. C'est aussi le cas pour les hypertensions graves, qui ne sont plus traitées. Les médecins sont inquiets ", témoigne le Dr Michel Roland, directeur de la santé au sein de Médecins du monde. L'association, outre son action internationale, mène différentes missions en Belgique auprès des plus démunis, notamment en faisant circuler deux bus (un à Bruxelles et l'autre dans le Hainaut), pour aller à la rencontre des personnes les plus isolées, celles qui ne se déplacent plus pour recevoir des soins.

" Nous faisons aussi le constat que l'essentiel des démarches de soins palliatifs a été suspendu. Il faut dire qu'il y a même eu une période de rupture de stock de morphine au plus fort de l'épidémie, une situation inimaginable il y a peu. Il y a clairement eu une période où la continuité des soins n'a pas été assurée partout. L'essentiel du dépistage, qu'il s'agisse du sida ou du cancer du sein, a également été suspendu, suite notamment à la réaffectation du personnel. Les patients chroniques ont clairement été les parents pauvres de ces trois derniers mois. "

Une surmortalité difficile à estimer

Aucun chiffre n'est disponible en Belgique sur l'ampleur du phénomène. Mais l'OMS-Europe souligne dans son récent rapport que dans notre pays, " il a été observé que d'autres patients (ceux non affectés par le Covid) ne se présentaient plus aux urgences (pour crises cardiaques, AVC, etc.). Plusieurs appels ont été passés par les médias pour rassurer les gens et confirmer que toutes les urgences médicales étaient prises en charge en toute sécurité. Il reste à voir s'il y aura une surmortalité due à d'autres causes de décès ". Au niveau mondial, l'OMS souligne que " les services de prévention et de traitement des maladies non transmissibles (MNT) ont été gravement perturbés depuis le début de la pandémie de Covid-19. Cette situation est très préoccupante car les personnes vivant avec les MNT sont plus exposées à des maladies graves liées au Covid-19 et à des décès ".

Comment estimer l'ampleur du phénomène ? Dans l'étude publiée ce 28 mai dans The Lancet Public Health sous la direction du Pr Eloi Marijon, professeur de cardiologie et codirecteur du Centre d'expertise mort subite (Inserm, université de Paris, AP-HP) et du Dr Daniel Jost, de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, on constate que " dès la fin du mois de mars, alors que la vague pandémique frappait de plein fouet, des cardiologues s'étonnaient de voir beaucoup moins d'infarctus qu'auparavant... mais d'en voir de plus graves ". Dans le Figaro, le Pr Michel Komajda, cardiologue et membre de l'Académie de médecine, souligne que " la cause principale est le retard qu'ont pris les patients avant de faire appel aux professionnels de santé en cas de symptômes d'alerte (douleur thoracique, essoufflement anormal...) par crainte d'être contaminés ".

" Les résultats de notre enquête mondiale confirment ce que les pays nous disent depuis plusieurs semaines maintenant ", déclare le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). " De nombreuses personnes qui ont besoin d'un traitement pour des maladies comme le cancer, les maladies cardiovasculaires et le diabète ne reçoivent pas les services de santé et les médicaments dont elles ont besoin depuis le début de la pandémie de Covid-19 ", a-t-il ajouté. Le chef de l'agence onusienne juge donc vital que les pays trouvent des moyens innovants pour garantir la continuité des services essentiels aux maladies non transmissibles, même s'ils luttent contre la pandémie de Covid-19. L'enquête, réalisée par 155 pays sur une période de trois semaines en mai, a confirmé que l'impact du coronavirus est mondial, mais que les pays à faible revenu sont les plus touchés.

La principale conclusion est que les services de santé ont été partiellement ou totalement perturbés dans de nombreux pays. Plus de la moitié (53 %) des pays étudiés ont partiellement ou complètement interrompu les services de traitement de l'hypertension, 49% ceux du diabète et des complications liées au diabète, 42% ceux du traitement du cancer et 31% ceux des urgences cardiovasculaires.

" Il faudra un certain temps avant de connaître toute l'ampleur de l'impact des perturbations des soins de santé pendant la période Covid-19 sur les personnes atteintes de maladies non transmissibles ", a déclaré le Dr Bente Mikkelsen, directrice du département des maladies non transmissibles de l'OMS. " Ce que nous savons maintenant, cependant, c'est que non seulement les personnes atteintes de maladies non transmissibles sont plus susceptibles de tomber gravement malades du virus, mais que beaucoup d'entre elles ne peuvent pas accéder au traitement dont elles ont besoin pour gérer leur maladie ", a-t-elle ajouté.

Selon l'OMS, les résultats de l'enquête sont encourageants car des stratégies alternatives ont été mises en place dans la plupart des pays pour aider les personnes les plus à risque à continuer de recevoir un traitement pour les maladies non transmissibles. Parmi les pays ayant signalé des interruptions de service, 58% des pays utilisent désormais la télémédecine (conseils par téléphone ou en ligne) pour remplacer les consultations en personne ; dans les pays à faible revenu, ce chiffre est de 42 %. Le triage pour déterminer les priorités a également été largement utilisé, dans les deux tiers des pays ayant fait rapport. Il est également encourageant de constater que plus de 70% des pays ont déclaré avoir recueilli des données sur le nombre de patients atteints par le Covid-19 qui ont également une MNT.

Des tumeurs plus grosses que d'habitude

Selon Jean-Yves Blay, président d'Unicancer, qui fédère les centres français de lutte contre le cancer, cité par le Parisien, " les diagnostics plus tardifs chez des patients qui n'ont pas consulté lors du confinement risquent d'avoir de graves conséquences. Je vois déjà des patients arriver avec des tumeurs plus grosses que ce qu'elles devraient. Il y aura un excès de mortalité par cancer. Nous craignons 5.000 à 10.000 morts supplémentaires. Ces chiffres sont l'hypothèse optimiste : les Anglais ont des projections allant jusqu'à 40.000 décès en excès ".

"N ous sentons bien que les constats des rapports mondiaux et européens de l'OMS sur l'impact du Covid sur les soins de santé se vérifient chaque jour dans notre pays. On a détourné les patients en leur disant de ne pas venir à l'hôpital ou chez le généraliste en cas de maladie non urgente. Puis il y a eu la peur de se rendre là où la maladie tue, alors qu'il y avait une incertitude sur la contagion. Mais le résultat est que certains ont suspendu un traitement essentiel, comme des cures de chimiothérapie. Ce qui est dramatique, puisque cela fait perdre définitivement une partie des chances de faire reculer le cancer. C'est aussi le cas pour les hypertensions graves, qui ne sont plus traitées. Les médecins sont inquiets ", témoigne le Dr Michel Roland, directeur de la santé au sein de Médecins du monde. L'association, outre son action internationale, mène différentes missions en Belgique auprès des plus démunis, notamment en faisant circuler deux bus (un à Bruxelles et l'autre dans le Hainaut), pour aller à la rencontre des personnes les plus isolées, celles qui ne se déplacent plus pour recevoir des soins. " Nous faisons aussi le constat que l'essentiel des démarches de soins palliatifs a été suspendu. Il faut dire qu'il y a même eu une période de rupture de stock de morphine au plus fort de l'épidémie, une situation inimaginable il y a peu. Il y a clairement eu une période où la continuité des soins n'a pas été assurée partout. L'essentiel du dépistage, qu'il s'agisse du sida ou du cancer du sein, a également été suspendu, suite notamment à la réaffectation du personnel. Les patients chroniques ont clairement été les parents pauvres de ces trois derniers mois. "Aucun chiffre n'est disponible en Belgique sur l'ampleur du phénomène. Mais l'OMS-Europe souligne dans son récent rapport que dans notre pays, " il a été observé que d'autres patients (ceux non affectés par le Covid) ne se présentaient plus aux urgences (pour crises cardiaques, AVC, etc.). Plusieurs appels ont été passés par les médias pour rassurer les gens et confirmer que toutes les urgences médicales étaient prises en charge en toute sécurité. Il reste à voir s'il y aura une surmortalité due à d'autres causes de décès ". Au niveau mondial, l'OMS souligne que " les services de prévention et de traitement des maladies non transmissibles (MNT) ont été gravement perturbés depuis le début de la pandémie de Covid-19. Cette situation est très préoccupante car les personnes vivant avec les MNT sont plus exposées à des maladies graves liées au Covid-19 et à des décès ".Comment estimer l'ampleur du phénomène ? Dans l'étude publiée ce 28 mai dans The Lancet Public Health sous la direction du Pr Eloi Marijon, professeur de cardiologie et codirecteur du Centre d'expertise mort subite (Inserm, université de Paris, AP-HP) et du Dr Daniel Jost, de la brigade des sapeurs-pompiers de Paris, on constate que " dès la fin du mois de mars, alors que la vague pandémique frappait de plein fouet, des cardiologues s'étonnaient de voir beaucoup moins d'infarctus qu'auparavant... mais d'en voir de plus graves ". Dans le Figaro, le Pr Michel Komajda, cardiologue et membre de l'Académie de médecine, souligne que " la cause principale est le retard qu'ont pris les patients avant de faire appel aux professionnels de santé en cas de symptômes d'alerte (douleur thoracique, essoufflement anormal...) par crainte d'être contaminés ". " Les résultats de notre enquête mondiale confirment ce que les pays nous disent depuis plusieurs semaines maintenant ", déclare le Dr Tedros Adhanom Ghebreyesus, directeur général de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). " De nombreuses personnes qui ont besoin d'un traitement pour des maladies comme le cancer, les maladies cardiovasculaires et le diabète ne reçoivent pas les services de santé et les médicaments dont elles ont besoin depuis le début de la pandémie de Covid-19 ", a-t-il ajouté. Le chef de l'agence onusienne juge donc vital que les pays trouvent des moyens innovants pour garantir la continuité des services essentiels aux maladies non transmissibles, même s'ils luttent contre la pandémie de Covid-19. L'enquête, réalisée par 155 pays sur une période de trois semaines en mai, a confirmé que l'impact du coronavirus est mondial, mais que les pays à faible revenu sont les plus touchés. La principale conclusion est que les services de santé ont été partiellement ou totalement perturbés dans de nombreux pays. Plus de la moitié (53 %) des pays étudiés ont partiellement ou complètement interrompu les services de traitement de l'hypertension, 49% ceux du diabète et des complications liées au diabète, 42% ceux du traitement du cancer et 31% ceux des urgences cardiovasculaires. " Il faudra un certain temps avant de connaître toute l'ampleur de l'impact des perturbations des soins de santé pendant la période Covid-19 sur les personnes atteintes de maladies non transmissibles ", a déclaré le Dr Bente Mikkelsen, directrice du département des maladies non transmissibles de l'OMS. " Ce que nous savons maintenant, cependant, c'est que non seulement les personnes atteintes de maladies non transmissibles sont plus susceptibles de tomber gravement malades du virus, mais que beaucoup d'entre elles ne peuvent pas accéder au traitement dont elles ont besoin pour gérer leur maladie ", a-t-elle ajouté. Selon l'OMS, les résultats de l'enquête sont encourageants car des stratégies alternatives ont été mises en place dans la plupart des pays pour aider les personnes les plus à risque à continuer de recevoir un traitement pour les maladies non transmissibles. Parmi les pays ayant signalé des interruptions de service, 58% des pays utilisent désormais la télémédecine (conseils par téléphone ou en ligne) pour remplacer les consultations en personne ; dans les pays à faible revenu, ce chiffre est de 42 %. Le triage pour déterminer les priorités a également été largement utilisé, dans les deux tiers des pays ayant fait rapport. Il est également encourageant de constater que plus de 70% des pays ont déclaré avoir recueilli des données sur le nombre de patients atteints par le Covid-19 qui ont également une MNT.