Je sors de cet épisode, heureux d'être à flot. L'avenir m'est inaccessible et même si le passé s'estompe déjà, ce qui me reste en mémoire est un curieux sentiment de force et de fragilité. Force lorsque je vois la façon dont les autorités ont géré la crise et pris des mesures pour tenter de protéger les citoyens de la débâcle économique, la capacité de notre système hospitalier à s'organiser devant l'afflux de malades, l'extraordinaire courage des soignants et de tous ceux qui ont assuré la logistique et le surprenant souffle de solidarité qui s'est manifesté partout. Mais aussi fragilité en voyant se fissurer en quelques jours notre économie mondialisée et en constatant les tensions entre grands pays pour quelques tonnes de masques et de médicaments. Que dire de ces corps balayés par le virus qui, après des semaines de réanimation, mouraient par milliers ou, qui, chez eux ou dans une maison de repos percevaient que l'air venait à leur manquer. Pour beaucoup d'entre nous, ils ne se manifestaient que par des chiffres qui s'alignaient jour après jour et nourrissaient nos craintes.

Depuis que le nombre de sorties de réanimation dépasse celui des entrées, depuis que les confinés peuvent se dire que l'apocalypse n'est pas pour demain, on entend des réflexions discordantes fusant dans tous les sens. Elles mettent en doute l'origine naturelle de la pandémie, la nécessité du confinement, cherchent à en minimiser les conséquences... au fond ça ne touche que les vieux... d'ailleurs le nombre de morts n'est pas si élevé... la grippe espagnole en a tué bien plus. Je vois aussi circuler sur les réseaux des réflexions plus que désobligeantes sur les experts qui s'embrouillent, se contredisent, s'écharpent Ÿ non, pas besoin de masque... Ÿ oui, ils sont essentiels... obligatoires. L'hydroxy chloroquine... oui... non... tout cela profite finalement à l'industrie pharmaceutique...

Raison et fantasmes

J'ai du mal à ne pas répondre. J'aimerais tenter d'instiller de la raison entre les fantasmes, enfoncer un coin dans la masse des stupidités qui circulent en réseau.

L'annonce que lecoronavirus a été fabriqué est très probablement fausse. En comparant la séquence du génome du SARS-CoV-2 et celles disponibles pour des souches de coronavirus connues, il ne fait aucun doute que le coronavirus, responsable de la pandémie de Covid-19, provient d'un processus naturel à partir de la chauve-souris. Cette pandémie met surtout en cause le rapprochement inconséquent des territoires de l'homme et de l'animal et l'émergence du sida avait déjà identifié ce problème.

Comment on a fustigé les autorités de santé à l'époque de la grippe H1N1 pour des dépenses inconsidérées !

La grippe espagnole était plus meurtrière. La peste noire aussi. Le contexte était totalement différent. Un monde ancien, sans aucune connaissance sur les virus et rien pour les combattre. Aujourd'hui le cadre a radicalement changé. Outre les avancées scientifiques phénoménales réalisées, les massacres de la Deuxième Guerre mondiale sont passés par là. Face à l'épidémie, la plupart des pays, le Brésil et l'Amérique de Trump exceptés, refusent de voir mourir leurs concitoyens, même les plus vieux et mettent tout en oeuvre pour atteindre cet objectif. Chaque individu compte. Même sur le terrain des guerres conventionnelles on n'accepte que difficilement les morts au combat dans ses propres rangs. Mais qui est vieux? Au 12 mai 2020, en France, l'âge moyen des cas graves était de 63 ans et 'seulement' 18 % étaient âgés de 75 ans et plus, même s'ils représentaient 39 % des décès. Sans parler de l'émergence d'une maladie inflammatoire systémique aiguë chez les enfants de moins de 5 ans pouvant entraîner de graves séquelles cardiaques et la mort. Tout le monde est concerné. Plus de 300.000 morts de par le monde. Morts tangibles, palpables, bien réels. Même si la mortalité globale ne sera, dit-on, que peu affectée, ceux-là ne devaient pas mourir.

Le pouvoir aux scientifiques

Un autre aspect de la maladie qui rend insupportable la minimisation du nombre de décès par comparaison avec le virus de la grippe saisonnière, c'est l'agressivité de la maladie, la sévérité des symptômes, sa capacité à cibler tous les organes, délabrant tout sur son passage et laissant les patients dévastés par une atteinte multifonctionnelle. Il faut lire ce que racontent les malades qui en sortent.

Finalement les experts, épidémiologistes et spécialistes des maladies infectieuses sont montés sur la scène. Les scientifiques ! Comme des augures, des nouveaux Newton, on attendait d'eux qu'ils énoncent des vérités, des nouvelles lois universelles qui fassent reculer la pandémie. Surtout ne pas se tromper, ne pas jeter le doute. Pas de chance, les scientifiques, à ce stade des connaissances d'une maladie, ne peuvent travailler que sur des hypothèses et attendre confirmation ou infirmation de ce qu'ils avancent. Il n'y a pas de certitudes. Ils guident, corrigent, s'adaptent à chaque nouvelle donnée. C'est un travail laborieux, un no man's land où règne l'incertitude, où on trouve des fragments d'informations qu'il faut savoir interpréter, partager, discuter et qui ne se prêtent pas bien à la diffusion au grand public qui ne peut comprendre/accepter cette instabilité.

Le cas Raoult

Un expert s'est détaché du lot. Un look et un comportement de star, Didier Raoult a prôné un traitement dès les premiers signes de la maladie, combinant l'hydroxy-chloroquine un anti paludéen utilisé dans certaines maladies inflammatoires et l'azithromycine, un antibiotique dérivé de l'érythromycine. Ces médicaments interfèrent avec les voies utilisées par le coronavirus pour pénétrer dans une cellule et ils ont une activité antivirale démontrée in vitro. Paradoxalement les études réalisées, souvent chez des malades avancés, se sont révélées négatives et Raoult, lui-même, n'a montré aucune donnée convaincante sur ses propres patients. C'est très surprenant pour un chercheur qui a près de 3.000 articles publiés, référencés sur PubMed et qui utilise pour présenter ses données, un langage, un vocabulaire d'avant les années 60, incompréhensible pour les professionnels de la recherche clinique d'aujourd'hui.

Que tout ceci puisse finalement profiter à l'industrie pharmaceutique est probable. Mais l'industrie pharmaceutique n'existe pas. La Chine aussi est en lice. La course est ouverte et plusieurs vaccins seront vraisemblablement amenés à se concurrencer. Il pourrait y avoir un/des grand(s) gagnant(s), mais aussi de grands perdants. L'industrie pharmaceutique est le reflet de l'économie libérale dans laquelle nous vivons, mais les règles que les États ont mises en place pour contrôler la qualité des médicaments sont sévères et, en Europe, en tous cas, les prix de mise en vente sont âprement négociés sur base d'une preuve d'efficacité. Les lois de l'offre et de la demande pourraient être dévastatrices.

En 2009, la pandémie de grippe H1N1 a fait trembler le monde et des stocks importants de vaccins et de masques ont été constitués au prix fort. Pour une raison inconnue, l'épidémie s'est éteinte spontanément. Que n'a-t-on fustigé les autorités de santé de l'époque pour ces dépenses inconsidérées et inutiles. Nous payons peut-être, aujourd'hui, les conséquences de cette labilité de nos jugements. Le temps passant méfions-nous de ne pas retomber dans le même travers et laisser le système de santé et les hôpitaux en l'état, oublier que la santé à un prix et que ne pas investir se soldera toujours par une dégradation de notre niveau de santé, une médecine à plusieurs vitesses et nous condamnera à être submergé par la vague de la prochaine pandémie.

Je sors de cet épisode, heureux d'être à flot. L'avenir m'est inaccessible et même si le passé s'estompe déjà, ce qui me reste en mémoire est un curieux sentiment de force et de fragilité. Force lorsque je vois la façon dont les autorités ont géré la crise et pris des mesures pour tenter de protéger les citoyens de la débâcle économique, la capacité de notre système hospitalier à s'organiser devant l'afflux de malades, l'extraordinaire courage des soignants et de tous ceux qui ont assuré la logistique et le surprenant souffle de solidarité qui s'est manifesté partout. Mais aussi fragilité en voyant se fissurer en quelques jours notre économie mondialisée et en constatant les tensions entre grands pays pour quelques tonnes de masques et de médicaments. Que dire de ces corps balayés par le virus qui, après des semaines de réanimation, mouraient par milliers ou, qui, chez eux ou dans une maison de repos percevaient que l'air venait à leur manquer. Pour beaucoup d'entre nous, ils ne se manifestaient que par des chiffres qui s'alignaient jour après jour et nourrissaient nos craintes.Depuis que le nombre de sorties de réanimation dépasse celui des entrées, depuis que les confinés peuvent se dire que l'apocalypse n'est pas pour demain, on entend des réflexions discordantes fusant dans tous les sens. Elles mettent en doute l'origine naturelle de la pandémie, la nécessité du confinement, cherchent à en minimiser les conséquences... au fond ça ne touche que les vieux... d'ailleurs le nombre de morts n'est pas si élevé... la grippe espagnole en a tué bien plus. Je vois aussi circuler sur les réseaux des réflexions plus que désobligeantes sur les experts qui s'embrouillent, se contredisent, s'écharpent Ÿ non, pas besoin de masque... Ÿ oui, ils sont essentiels... obligatoires. L'hydroxy chloroquine... oui... non... tout cela profite finalement à l'industrie pharmaceutique...J'ai du mal à ne pas répondre. J'aimerais tenter d'instiller de la raison entre les fantasmes, enfoncer un coin dans la masse des stupidités qui circulent en réseau.L'annonce que lecoronavirus a été fabriqué est très probablement fausse. En comparant la séquence du génome du SARS-CoV-2 et celles disponibles pour des souches de coronavirus connues, il ne fait aucun doute que le coronavirus, responsable de la pandémie de Covid-19, provient d'un processus naturel à partir de la chauve-souris. Cette pandémie met surtout en cause le rapprochement inconséquent des territoires de l'homme et de l'animal et l'émergence du sida avait déjà identifié ce problème.La grippe espagnole était plus meurtrière. La peste noire aussi. Le contexte était totalement différent. Un monde ancien, sans aucune connaissance sur les virus et rien pour les combattre. Aujourd'hui le cadre a radicalement changé. Outre les avancées scientifiques phénoménales réalisées, les massacres de la Deuxième Guerre mondiale sont passés par là. Face à l'épidémie, la plupart des pays, le Brésil et l'Amérique de Trump exceptés, refusent de voir mourir leurs concitoyens, même les plus vieux et mettent tout en oeuvre pour atteindre cet objectif. Chaque individu compte. Même sur le terrain des guerres conventionnelles on n'accepte que difficilement les morts au combat dans ses propres rangs. Mais qui est vieux? Au 12 mai 2020, en France, l'âge moyen des cas graves était de 63 ans et 'seulement' 18 % étaient âgés de 75 ans et plus, même s'ils représentaient 39 % des décès. Sans parler de l'émergence d'une maladie inflammatoire systémique aiguë chez les enfants de moins de 5 ans pouvant entraîner de graves séquelles cardiaques et la mort. Tout le monde est concerné. Plus de 300.000 morts de par le monde. Morts tangibles, palpables, bien réels. Même si la mortalité globale ne sera, dit-on, que peu affectée, ceux-là ne devaient pas mourir.Un autre aspect de la maladie qui rend insupportable la minimisation du nombre de décès par comparaison avec le virus de la grippe saisonnière, c'est l'agressivité de la maladie, la sévérité des symptômes, sa capacité à cibler tous les organes, délabrant tout sur son passage et laissant les patients dévastés par une atteinte multifonctionnelle. Il faut lire ce que racontent les malades qui en sortent.Finalement les experts, épidémiologistes et spécialistes des maladies infectieuses sont montés sur la scène. Les scientifiques ! Comme des augures, des nouveaux Newton, on attendait d'eux qu'ils énoncent des vérités, des nouvelles lois universelles qui fassent reculer la pandémie. Surtout ne pas se tromper, ne pas jeter le doute. Pas de chance, les scientifiques, à ce stade des connaissances d'une maladie, ne peuvent travailler que sur des hypothèses et attendre confirmation ou infirmation de ce qu'ils avancent. Il n'y a pas de certitudes. Ils guident, corrigent, s'adaptent à chaque nouvelle donnée. C'est un travail laborieux, un no man's land où règne l'incertitude, où on trouve des fragments d'informations qu'il faut savoir interpréter, partager, discuter et qui ne se prêtent pas bien à la diffusion au grand public qui ne peut comprendre/accepter cette instabilité.Un expert s'est détaché du lot. Un look et un comportement de star, Didier Raoult a prôné un traitement dès les premiers signes de la maladie, combinant l'hydroxy-chloroquine un anti paludéen utilisé dans certaines maladies inflammatoires et l'azithromycine, un antibiotique dérivé de l'érythromycine. Ces médicaments interfèrent avec les voies utilisées par le coronavirus pour pénétrer dans une cellule et ils ont une activité antivirale démontrée in vitro. Paradoxalement les études réalisées, souvent chez des malades avancés, se sont révélées négatives et Raoult, lui-même, n'a montré aucune donnée convaincante sur ses propres patients. C'est très surprenant pour un chercheur qui a près de 3.000 articles publiés, référencés sur PubMed et qui utilise pour présenter ses données, un langage, un vocabulaire d'avant les années 60, incompréhensible pour les professionnels de la recherche clinique d'aujourd'hui.Que tout ceci puisse finalement profiter à l'industrie pharmaceutique est probable. Mais l'industrie pharmaceutique n'existe pas. La Chine aussi est en lice. La course est ouverte et plusieurs vaccins seront vraisemblablement amenés à se concurrencer. Il pourrait y avoir un/des grand(s) gagnant(s), mais aussi de grands perdants. L'industrie pharmaceutique est le reflet de l'économie libérale dans laquelle nous vivons, mais les règles que les États ont mises en place pour contrôler la qualité des médicaments sont sévères et, en Europe, en tous cas, les prix de mise en vente sont âprement négociés sur base d'une preuve d'efficacité. Les lois de l'offre et de la demande pourraient être dévastatrices.En 2009, la pandémie de grippe H1N1 a fait trembler le monde et des stocks importants de vaccins et de masques ont été constitués au prix fort. Pour une raison inconnue, l'épidémie s'est éteinte spontanément. Que n'a-t-on fustigé les autorités de santé de l'époque pour ces dépenses inconsidérées et inutiles. Nous payons peut-être, aujourd'hui, les conséquences de cette labilité de nos jugements. Le temps passant méfions-nous de ne pas retomber dans le même travers et laisser le système de santé et les hôpitaux en l'état, oublier que la santé à un prix et que ne pas investir se soldera toujours par une dégradation de notre niveau de santé, une médecine à plusieurs vitesses et nous condamnera à être submergé par la vague de la prochaine pandémie.