Parmi les mesures mises en place dans la lutte contre le COVID-19, plusieurs états ont opté pour le (back)tracking autrement dit la collecte et le traitement de données personnelles issues de la géolocalisation des téléphones, GPS et de connections internet.

Le 16 décembre 1966, l'assemblée générale de l'ONU votait le pacte international des droits civils et politiques qui prévoit, à l'article 4.1., la possibilité, pour les états signataires, de recourir à un renforcement du pouvoir central et à adopter des mesures de restriction exceptionnelles aux droits civiles et politiques, lorsque l'intérêt de la nation le justifie.

Chaque gouvernement bénéficie ainsi d'un levier juridique reconnu internationalement qui lui permet d'adopter toute mesure utile pour assurer la protection de l'état et de ses citoyens, à condition que ces mesures ne portent pas sur l'intégrité physique des individus ni ne conduisent à des discriminations " fondées uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale ".

Sur le principe, instaurer l'état d'urgence pour faire face à la menace du COVID-19 est parfaitement justifiable et justifiée dès lors que l'objectif premier est de garantir la vie des citoyens.

Néanmoins, l'état d'urgence ne permet pas pour autant d'adopter des mesures de privation de droits et de libertés qui seraient disproportionnées avec l'objectif recherché.

L'état d'urgence pour faire face à la menace du COVID-19 est parfaitement justifiable, mais...

La proportionnalité implique ainsi :

- Que la plus-value de la mesure soit effective et démontrable.

- Que la mesure soit limitée dans le temps et l'espace.

- Que l'objectif ne puisse pas être atteint, dans les mêmes conditions, avec des mesures moins restrictives des droits fondamentaux.

L'état d'urgence est donc bien conçu pour gérer une situation temporaire qui n'exonère pas le gouvernement de sa responsabilité première, portant sur la préservation des principes démocratiques et des droits fondamentaux, ni d'ailleurs ne l'exempte de son obligation de motivation.

Aussi, si chacun peut comprendre l'utilité d'un (back)traking dans la gestion de la crise actuelle, il serait incompréhensible que celui-ci se fasse sans que ne soient respectées les garanties élémentaires susvisées.

A moyen terme, il n'est pas plus acceptable que le COVID-19 devienne le prétexte à une utilisation généralisée des données personnelles au nom de l'efficience scientifique ou pour anticiper les mesures de santé et de sécurité publique en cas de nouvelle pandémie, sans passer par un débat de fond.

La question s'est, du reste, déjà posée en France suite aux attentats du 14 novembre 2015. La proposition de loi, déposée par le gouvernement Macron, visant à renforcer la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure, avait été largement censurée par le Conseil d'État français sur base du principe d'une " conciliation équilibrée " entre les objectifs constitutionnels de protection de libertés individuelles et la sauvegarde de l'ordre public[1].

L'urgence, une situation exceptionnelle

L'urgence est une situation exceptionnelle qui ne saurait motiver à elle seule et, sans que ne soit mené un débat démocratique sur le fond, le renforcement de mesures restrictives de nos droits fondamentaux inscrites dans le droit commun.

C'est donc au retour à la normal que les instances normalement compétentes (parlements) devront se pencher sur la question de savoir s'il ne serait pas opportun d'adapter les législations existantes en vue de faciliter l'utilisation de données personnelles dans certaines circonstances particulières et d'en déterminer, démocratiquement, les conditions.

Il y a ainsi une différence fondamentale entre la décision gouvernementale d'imposer aux personnes porteuses du virus un tracking personnel (mesure d'urgence) et l'utilisation, a posteriori, de ces données pour la recherche ou l'analyse de la propagation de la pandémie.

Dans le second cas, s'il ne fait aucun doute d'un point de vu scientifique et épidémiologique, que ces données sont capitales, sur le plan juridique et éthique, un débat de fond est nécessaire pour déterminer les conditions de droit commun qui présideraient, à l'avenir, à l'utilisation des données personnelles post-pandémie.

L'état de droit ne se résume pas à un simple calcul mathématique d'efficience ni économique, ni scientifique. Les soignants l'ont d'ailleurs et à suffisance reproché en dénonçant les politiques de restrictions budgétaires.

L'état de droit suppose de définir démocratiquement le juste équilibre entre intérêts individuels et publics, en fonction du modèle qu'il souhaite se donner. Parions sur " la redécouverte des vertus de l'état sociale "[2]

[1] Décision 2017-635 - 9.06.2017 sous https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2017/2017635QPC.htm

[2] Bruno Colmant, " Nous allons surmonter ce choque économique ", l'Echo du 16 mars 2020.

Parmi les mesures mises en place dans la lutte contre le COVID-19, plusieurs états ont opté pour le (back)tracking autrement dit la collecte et le traitement de données personnelles issues de la géolocalisation des téléphones, GPS et de connections internet.Le 16 décembre 1966, l'assemblée générale de l'ONU votait le pacte international des droits civils et politiques qui prévoit, à l'article 4.1., la possibilité, pour les états signataires, de recourir à un renforcement du pouvoir central et à adopter des mesures de restriction exceptionnelles aux droits civiles et politiques, lorsque l'intérêt de la nation le justifie.Chaque gouvernement bénéficie ainsi d'un levier juridique reconnu internationalement qui lui permet d'adopter toute mesure utile pour assurer la protection de l'état et de ses citoyens, à condition que ces mesures ne portent pas sur l'intégrité physique des individus ni ne conduisent à des discriminations " fondées uniquement sur la race, la couleur, le sexe, la langue, la religion ou l'origine sociale ".Sur le principe, instaurer l'état d'urgence pour faire face à la menace du COVID-19 est parfaitement justifiable et justifiée dès lors que l'objectif premier est de garantir la vie des citoyens.Néanmoins, l'état d'urgence ne permet pas pour autant d'adopter des mesures de privation de droits et de libertés qui seraient disproportionnées avec l'objectif recherché.La proportionnalité implique ainsi :- Que la plus-value de la mesure soit effective et démontrable.- Que la mesure soit limitée dans le temps et l'espace.- Que l'objectif ne puisse pas être atteint, dans les mêmes conditions, avec des mesures moins restrictives des droits fondamentaux.L'état d'urgence est donc bien conçu pour gérer une situation temporaire qui n'exonère pas le gouvernement de sa responsabilité première, portant sur la préservation des principes démocratiques et des droits fondamentaux, ni d'ailleurs ne l'exempte de son obligation de motivation.Aussi, si chacun peut comprendre l'utilité d'un (back)traking dans la gestion de la crise actuelle, il serait incompréhensible que celui-ci se fasse sans que ne soient respectées les garanties élémentaires susvisées.A moyen terme, il n'est pas plus acceptable que le COVID-19 devienne le prétexte à une utilisation généralisée des données personnelles au nom de l'efficience scientifique ou pour anticiper les mesures de santé et de sécurité publique en cas de nouvelle pandémie, sans passer par un débat de fond.La question s'est, du reste, déjà posée en France suite aux attentats du 14 novembre 2015. La proposition de loi, déposée par le gouvernement Macron, visant à renforcer la lutte contre le terrorisme et la sécurité intérieure, avait été largement censurée par le Conseil d'État français sur base du principe d'une " conciliation équilibrée " entre les objectifs constitutionnels de protection de libertés individuelles et la sauvegarde de l'ordre public[1].L'urgence est une situation exceptionnelle qui ne saurait motiver à elle seule et, sans que ne soit mené un débat démocratique sur le fond, le renforcement de mesures restrictives de nos droits fondamentaux inscrites dans le droit commun.C'est donc au retour à la normal que les instances normalement compétentes (parlements) devront se pencher sur la question de savoir s'il ne serait pas opportun d'adapter les législations existantes en vue de faciliter l'utilisation de données personnelles dans certaines circonstances particulières et d'en déterminer, démocratiquement, les conditions.Il y a ainsi une différence fondamentale entre la décision gouvernementale d'imposer aux personnes porteuses du virus un tracking personnel (mesure d'urgence) et l'utilisation, a posteriori, de ces données pour la recherche ou l'analyse de la propagation de la pandémie.Dans le second cas, s'il ne fait aucun doute d'un point de vu scientifique et épidémiologique, que ces données sont capitales, sur le plan juridique et éthique, un débat de fond est nécessaire pour déterminer les conditions de droit commun qui présideraient, à l'avenir, à l'utilisation des données personnelles post-pandémie.L'état de droit ne se résume pas à un simple calcul mathématique d'efficience ni économique, ni scientifique. Les soignants l'ont d'ailleurs et à suffisance reproché en dénonçant les politiques de restrictions budgétaires.L'état de droit suppose de définir démocratiquement le juste équilibre entre intérêts individuels et publics, en fonction du modèle qu'il souhaite se donner. Parions sur " la redécouverte des vertus de l'état sociale "[2][1] Décision 2017-635 - 9.06.2017 sous https://www.conseil-constitutionnel.fr/decision/2017/2017635QPC.htm[2] Bruno Colmant, " Nous allons surmonter ce choque économique ", l'Echo du 16 mars 2020.