Bon nombre de collègues et amis, certains que je n'avais même plus vus depuis longtemps, pensant avoir attrapé le COVID-19, m'ont demandé s'ils devaient prendre de l'hydroxychloroquine. Un ami m'a dit être prêt à prendre du lopinavir/ritonavir malgré qu'il n'ait pas l'HIV. Un malade hospitalisé exige l'administration de remdesivir, disant qu'il était prêt à payer la note.... Un autre malade va jusqu'à accepter son transfert vers un autre hôpital pour recevoir du tocizilumab que nous ne voulions pas lui donner, faute d'indication. Un autre a entendu parler de remèdes chinois traditionnels qui auraient contribué au contrôle du COVID-19 en Chine...

Chacun peut écouter les nouvelles, participer aux media sociaux, surfer sur internet, se renseigner et répercuter les recommandations glanées ici et là... On peut comprendre les frustrations de ne pas trouver un médicament efficace.

Le sujet de l'hydroxychloroquine est particulièrement chaud pour deux raisons : La première est que le médicament ne coûte pas cher et qu'il semble anodin : le Plaquenil a été largement pris dans la prévention de la malaria et il peut être prescrit par tout médecin sous pression de son patient... La deuxième raison est que son utilisation est promue par le Professeur Didier Raoult, reconnu sur le plan scientifique et très convaincant lorsqu'il apparaît à l'écran. Toutefois, ses données cliniques sur l'hydroxychloroquine sont loin de convaincre le monde scientifique : La fameuse étude publiée sans même recourir à un processus de peer-review complet, ne porte que sur 26 malades et présente des problèmes méthodologiques, le principal étant l'exclusion de certains malades ayant répondu défavorablement dans le groupe traité... Une autre étude chinoise de 30 malades est négative. Le bénéfice est donc très douteux... et le risque n'est pas nul. En particulier, la toxicité cardiaque ne peut pas être négligée, surtout si les doses sont augmentées pour augmenter ses chances. Un couple américain en a fait les frais, avec un mort et un autre en état critique. C'est pourquoi les pratiques belges, d'ailleurs en accord avec les recommandations du haut conseil de la santé publique en France, sont de réserver l'administration d'hydroxychloroquine aux malades hospitalisés, c'est-à-dire en état sévère et sous monitorage cardiaque.

Beaucoup d'études sont en cours, portant sur plus de 60 médicaments. Le Tableau ne présente qu'une liste partielle. Les résultats d'une étude sur le lopinavir/ritonavir sur 199 patients ont été récemment publiés dans le New England Journal of Medicine. L'interprétation est difficile : la conclusion de l'article est l'absence de différence significative, mais les données indiquent une diminution de mortalité dans le groupe traité de 25.0% à 19.2%, des différences au moins aussi convaincantes que dans l'étude de Didier Raoult sur l'hydroxychloroquine. Quoi qu'il en soit, nous donnons généralement aussi ce médicament aux malades graves. Le remdesivir, un antivriral développé pour Ebola, est prometteur. Il empêche en tous cas la réplication du RNA viral au laboratoire. Le remdesivir a été administré à certains croisiéristes américains au Japon avec peut-être un certain succès. La FDA vient d'autoriser la mise sur le marché aux États-Unis, mais dans la catégorie des médicaments pour maladies orphelines (tiens, le COVID-19 est-il si rare ?), à un prix qui sera certainement très élevé.

Quel produit choisir sur le Tableau ? Un ami m'a dit en souriant qu'il était prêt à sélectionner l'avant-dernier médicament de la liste... Des collègues chinois m'ont recommandé chaudement la dernière option, étant persuadés qu'il s'agit de traitements efficaces qui ont contribué à contrôler l'infection en Chine.

Outre les traitements médicamenteux, je ne parle pas de la place éventuelle des thérapies d'épuration extracorporelle par hémofiltration pour éliminer l'excès de cytokines : Une petite étude chinoise non encore publiée est prometteuse.

La recherche de nouveaux médicaments efficaces nécessite des études cliniques valables, c'est-à-dire prospectives, randomisées, contrôlées contre placebo. Une certaine organisation serait souhaitable. On ne peut qu'applaudir les initiatives internationales comme l'étude Discovery (France) et l'étude Solidarity (OMS) visant à randomiser les malades atteints de COVD-19 dans 4 bras : remdesivir, l'hydroxychloroquine, ou encore le lopinavir/ ritonavir seul ou avec interféron bêta. Ces initiatives permettront sans doute de proposer des traitements efficaces dans l'attente de vaccin. Soyons optimistes, mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs, sans quoi nous ne ferons aucun progrès notable. Il n'y aura pas de produit miracle mais il est raisonnable d'espérer l'un ou l'autre médicament efficace. Seules des études cliniques sérieuses nous permettront de faire des progrès qui pourront aider les prochains malades.

Bien sûr, il est difficile de ne pas prendre de medicament quand on est malade. A défaut d'autre chose, certains ont mesuré religieusement leur température, en prenant systématiquement du Dafalgan dès que celle-ci s'élevait (la limite variait d'un ami à l'autre...), tandis que je tentais de leur expliquer qu'il ne faut pas traiter la fièvre en tant que telle (en dehors du cas des bébés qui risquent des convulsions). Hippocrate disait déjà : 'Donnez-moi la fièvre et je guérirai la maladie', et Julius Wagner-Jauregg a reçu le prix Nobel en 1927 pour induire la fièvre afin de guérir de la syphilis.

Certains médecins à court de prescription ont même administré des antibiotiques aux malades fiévreux sans évidence d'infection bactérienne...

Personnellement si je sentais les symptômes arriver, surtout au niveau du nez ou de la gorge, j'essayerais de chauffer localement l'air inspiré par un sèche-cheveux, les coronavirus étant sensibles aux températures élevées (https://youtu.be/TfKmOeZbVV4). J'ai recommandé cette intervention à un ami qui présentait une anosmie et agueusie. Il s'est vite amélioré. Était-ce vraiment l'effet du sèche-cheveux ? Nous n'en savons rien.

Dr Jean-Louis Vincent, professeur à l'Université Libre de Bruxelles

Thérapeutiques possibles actuellement à l'essai

Lopinavir/ritonavir

Remdesivir

Chloroquine / hydroxychloroquine

Anti-JAK (baricitinib)

Tocizilumab

Methylprednisolone

Cellules-souches

Immunoglobulines

Plasma de convalescents

Favipiravir

Carrimycine

Bromhexine

Thalidomide

Favipiravir (Avigan)

Oseltamivir (Tamiflu)

Umifenovir (Arbidol)

Angiotensine

Thalidomide

Sildénafil

Medecine traditionnelle chinoises

yinhu qingwen, haaier...

Bon nombre de collègues et amis, certains que je n'avais même plus vus depuis longtemps, pensant avoir attrapé le COVID-19, m'ont demandé s'ils devaient prendre de l'hydroxychloroquine. Un ami m'a dit être prêt à prendre du lopinavir/ritonavir malgré qu'il n'ait pas l'HIV. Un malade hospitalisé exige l'administration de remdesivir, disant qu'il était prêt à payer la note.... Un autre malade va jusqu'à accepter son transfert vers un autre hôpital pour recevoir du tocizilumab que nous ne voulions pas lui donner, faute d'indication. Un autre a entendu parler de remèdes chinois traditionnels qui auraient contribué au contrôle du COVID-19 en Chine...Chacun peut écouter les nouvelles, participer aux media sociaux, surfer sur internet, se renseigner et répercuter les recommandations glanées ici et là... On peut comprendre les frustrations de ne pas trouver un médicament efficace.Le sujet de l'hydroxychloroquine est particulièrement chaud pour deux raisons : La première est que le médicament ne coûte pas cher et qu'il semble anodin : le Plaquenil a été largement pris dans la prévention de la malaria et il peut être prescrit par tout médecin sous pression de son patient... La deuxième raison est que son utilisation est promue par le Professeur Didier Raoult, reconnu sur le plan scientifique et très convaincant lorsqu'il apparaît à l'écran. Toutefois, ses données cliniques sur l'hydroxychloroquine sont loin de convaincre le monde scientifique : La fameuse étude publiée sans même recourir à un processus de peer-review complet, ne porte que sur 26 malades et présente des problèmes méthodologiques, le principal étant l'exclusion de certains malades ayant répondu défavorablement dans le groupe traité... Une autre étude chinoise de 30 malades est négative. Le bénéfice est donc très douteux... et le risque n'est pas nul. En particulier, la toxicité cardiaque ne peut pas être négligée, surtout si les doses sont augmentées pour augmenter ses chances. Un couple américain en a fait les frais, avec un mort et un autre en état critique. C'est pourquoi les pratiques belges, d'ailleurs en accord avec les recommandations du haut conseil de la santé publique en France, sont de réserver l'administration d'hydroxychloroquine aux malades hospitalisés, c'est-à-dire en état sévère et sous monitorage cardiaque.Beaucoup d'études sont en cours, portant sur plus de 60 médicaments. Le Tableau ne présente qu'une liste partielle. Les résultats d'une étude sur le lopinavir/ritonavir sur 199 patients ont été récemment publiés dans le New England Journal of Medicine. L'interprétation est difficile : la conclusion de l'article est l'absence de différence significative, mais les données indiquent une diminution de mortalité dans le groupe traité de 25.0% à 19.2%, des différences au moins aussi convaincantes que dans l'étude de Didier Raoult sur l'hydroxychloroquine. Quoi qu'il en soit, nous donnons généralement aussi ce médicament aux malades graves. Le remdesivir, un antivriral développé pour Ebola, est prometteur. Il empêche en tous cas la réplication du RNA viral au laboratoire. Le remdesivir a été administré à certains croisiéristes américains au Japon avec peut-être un certain succès. La FDA vient d'autoriser la mise sur le marché aux États-Unis, mais dans la catégorie des médicaments pour maladies orphelines (tiens, le COVID-19 est-il si rare ?), à un prix qui sera certainement très élevé. Quel produit choisir sur le Tableau ? Un ami m'a dit en souriant qu'il était prêt à sélectionner l'avant-dernier médicament de la liste... Des collègues chinois m'ont recommandé chaudement la dernière option, étant persuadés qu'il s'agit de traitements efficaces qui ont contribué à contrôler l'infection en Chine.Outre les traitements médicamenteux, je ne parle pas de la place éventuelle des thérapies d'épuration extracorporelle par hémofiltration pour éliminer l'excès de cytokines : Une petite étude chinoise non encore publiée est prometteuse.La recherche de nouveaux médicaments efficaces nécessite des études cliniques valables, c'est-à-dire prospectives, randomisées, contrôlées contre placebo. Une certaine organisation serait souhaitable. On ne peut qu'applaudir les initiatives internationales comme l'étude Discovery (France) et l'étude Solidarity (OMS) visant à randomiser les malades atteints de COVD-19 dans 4 bras : remdesivir, l'hydroxychloroquine, ou encore le lopinavir/ ritonavir seul ou avec interféron bêta. Ces initiatives permettront sans doute de proposer des traitements efficaces dans l'attente de vaccin. Soyons optimistes, mais ne mettons pas la charrue avant les boeufs, sans quoi nous ne ferons aucun progrès notable. Il n'y aura pas de produit miracle mais il est raisonnable d'espérer l'un ou l'autre médicament efficace. Seules des études cliniques sérieuses nous permettront de faire des progrès qui pourront aider les prochains malades.Bien sûr, il est difficile de ne pas prendre de medicament quand on est malade. A défaut d'autre chose, certains ont mesuré religieusement leur température, en prenant systématiquement du Dafalgan dès que celle-ci s'élevait (la limite variait d'un ami à l'autre...), tandis que je tentais de leur expliquer qu'il ne faut pas traiter la fièvre en tant que telle (en dehors du cas des bébés qui risquent des convulsions). Hippocrate disait déjà : 'Donnez-moi la fièvre et je guérirai la maladie', et Julius Wagner-Jauregg a reçu le prix Nobel en 1927 pour induire la fièvre afin de guérir de la syphilis. Certains médecins à court de prescription ont même administré des antibiotiques aux malades fiévreux sans évidence d'infection bactérienne...Personnellement si je sentais les symptômes arriver, surtout au niveau du nez ou de la gorge, j'essayerais de chauffer localement l'air inspiré par un sèche-cheveux, les coronavirus étant sensibles aux températures élevées (https://youtu.be/TfKmOeZbVV4). J'ai recommandé cette intervention à un ami qui présentait une anosmie et agueusie. Il s'est vite amélioré. Était-ce vraiment l'effet du sèche-cheveux ? Nous n'en savons rien. Dr Jean-Louis Vincent, professeur à l'Université Libre de Bruxelles