S'enquérir du plaisir procuré par le vol n'occupa que quelques secondes au terme de l'aventure et ne parut guère une priorité pour le pilote qui retourna rapidement à d'autres clients. Serions-nous devenus insensiblement ces pilotes lors de consultations médicales techniquement irréprochables ? L'attention à ce que tout fonctionne dans les règles, logiciel, connectivité, schéma de prise de données, démarche thérapeutique respectant la médecine factuelle (EBM), prescription adaptée aux impératifs économiques de la sécurité sociale, agenda de prévention, facturation en ligne, partage d'un résumé du dossier et du schéma thérapeutique sur un réseau de santé, ... ne modifie-t-elle pas insensiblement mais sûrement la nature même de la rencontre médicale ? " Quelle est votre souffrance ? ", question d'accueil préliminaire à toute consultation, se voit progressivement supplantée par " Puis-je avoir votre carte d'identité ? "

La maîtrise de l'outil informatique, sophistiqué et performant, n'est pas seule en cause. Un ami endocrinologue, titulaire d'une double fonction de médecine interne générale et de diabétologie, se décrivait comme complètement dédoublé selon la consultation assurée. L'interniste se vivait comme un être curieux de l'humain complexe qui lui faisait face, doublé d'un Conan Doyle traquant l'indice révélateur d'une affection rare. Le diabétologue, même praticien mais un autre jour dans un autre local, se révélait le gardien d'une procédure implacable, scrutant la bonne tenue de l'hémoglobine glycosylée, de la microalbuminurie, de la réalisation dans les délais du fond d'oeil, du renouvellement du trajet de soins, de la prise de rendez-vous auprès de la diététicienne. Le professionnalisme respectif de cette double démarche n'était guère en cause, mais bien le regard posé sur le patient. Dans le premier cas une inquiétude diagnostique débouchant sur un paysage ouvert, dans le second la satisfaction d'une liste de critères rencontrés dans une démarche balisée et close.

Souffririons-nous du syndrome du bon élève, à qui fut inculqué le respect de la bonne réponse et de la remise dans les temps d'une copie soigneusement complétée ? Démarche parfaitement valorisante le cas échéant, chaque étape franchie étant susceptible de procurer une satisfaction de type ludique comme se remplit une case de mots croisés, un sudoku ou une grille de combat naval. La connexion eHealth est-elle établie ? Les données administratives du patient sont-elles correctement complétées, son assurabilité a-t-elle été vérifiée, ses vaccinations sont-elles en ordre ? Les protocoles d'examens techniques sont-ils rangés à leur bonne place dans le dossier médical informatisé, le patient est-il compliant aux consignes thérapeutiques, les données biologiques sont-elles conformes à nos objectifs ? Le respect strict des procédures peut s'avérer confortable et valorisant pour un médecin consciencieux, mais pas pour tous, et pas tout le temps. Et pour le patient ?

S'enquérir du plaisir procuré par le vol n'occupa que quelques secondes au terme de l'aventure et ne parut guère une priorité pour le pilote qui retourna rapidement à d'autres clients. Serions-nous devenus insensiblement ces pilotes lors de consultations médicales techniquement irréprochables ? L'attention à ce que tout fonctionne dans les règles, logiciel, connectivité, schéma de prise de données, démarche thérapeutique respectant la médecine factuelle (EBM), prescription adaptée aux impératifs économiques de la sécurité sociale, agenda de prévention, facturation en ligne, partage d'un résumé du dossier et du schéma thérapeutique sur un réseau de santé, ... ne modifie-t-elle pas insensiblement mais sûrement la nature même de la rencontre médicale ? " Quelle est votre souffrance ? ", question d'accueil préliminaire à toute consultation, se voit progressivement supplantée par " Puis-je avoir votre carte d'identité ? "La maîtrise de l'outil informatique, sophistiqué et performant, n'est pas seule en cause. Un ami endocrinologue, titulaire d'une double fonction de médecine interne générale et de diabétologie, se décrivait comme complètement dédoublé selon la consultation assurée. L'interniste se vivait comme un être curieux de l'humain complexe qui lui faisait face, doublé d'un Conan Doyle traquant l'indice révélateur d'une affection rare. Le diabétologue, même praticien mais un autre jour dans un autre local, se révélait le gardien d'une procédure implacable, scrutant la bonne tenue de l'hémoglobine glycosylée, de la microalbuminurie, de la réalisation dans les délais du fond d'oeil, du renouvellement du trajet de soins, de la prise de rendez-vous auprès de la diététicienne. Le professionnalisme respectif de cette double démarche n'était guère en cause, mais bien le regard posé sur le patient. Dans le premier cas une inquiétude diagnostique débouchant sur un paysage ouvert, dans le second la satisfaction d'une liste de critères rencontrés dans une démarche balisée et close.Souffririons-nous du syndrome du bon élève, à qui fut inculqué le respect de la bonne réponse et de la remise dans les temps d'une copie soigneusement complétée ? Démarche parfaitement valorisante le cas échéant, chaque étape franchie étant susceptible de procurer une satisfaction de type ludique comme se remplit une case de mots croisés, un sudoku ou une grille de combat naval. La connexion eHealth est-elle établie ? Les données administratives du patient sont-elles correctement complétées, son assurabilité a-t-elle été vérifiée, ses vaccinations sont-elles en ordre ? Les protocoles d'examens techniques sont-ils rangés à leur bonne place dans le dossier médical informatisé, le patient est-il compliant aux consignes thérapeutiques, les données biologiques sont-elles conformes à nos objectifs ? Le respect strict des procédures peut s'avérer confortable et valorisant pour un médecin consciencieux, mais pas pour tous, et pas tout le temps. Et pour le patient ?