Le Conseil supérieur de la santé (CSS) est un organisme relativement discret - un peu moins depuis qu'il est présidé par le Pr Jean Nève - qui émet de nombreux avis scientifiques. Durant la crise, il a décidé de respecter strictement la consigne de laisser la cellule de crise fédérale communiquer afin " d'éviter d'ajouter de la confusion à toutes les informations qui circulent déjà ". Il n'est pas pour autant resté inactif.

Ces dernières années, le conseil a remis, entre autres, un avis confidentiel - classé secret défense - au SPF Santé publique sur les recommandations et stocks stratégiques en cas d'attaque terroriste chimique, biologique ou radionucléaire et un autre, en mai 2019, sur les stocks stratégiques en cas de pandémie influenza. " À l'époque, nous avions recommandé de prévoir différents types de masques pour cinq millions de malades dont 500.000 hospitalisations et 50.000 patients en soins intensifs, avec un roulement de huit masques par jour ", explique Jean Nève. Il fallait un budget de 100 millions d'euros pour suivre ces recommandations. Maggie De Block ne les avait pas. La dernière recommandation, émise en septembre 2019, de disposer d'au moins cinq millions de masques en stock roulant n'a pas non plus, comme tout le monde le sait désormais, été suivie par les autorités.

Question de températures

Un épisode de cette fameuse saga des masques irrite particulièrement le président du CSS : la distribution à la population via les pharmacies de masques en tissu non-conformes au niveau de la température de nettoyage. " Nous avons toujours dit que les masques en tissu doivent se laver à 60 degrés avec du détergeant. En ouvrant les boîtes, les pharmaciens se sont rendu compte que les masques fabriqués par la société Avrox ne pouvaient pas se laver à cette température. Ils s'en sont plaints. Il faut dire qu'ils engagent leur crédibilité en les vendant. Pour se défendre, le ministre Goffin a utilisé des arguments indignes afin de démontrer que ces masques peuvent se laver à 30 degrés. Ce comportement montre qu'il n'accorde pas de crédibilité aux scientifiques. Le " groupe masques " a toujours recommandé le lavage à 60° et n'a jamais changé d'avis à ce sujet. Philippe Goffin méprise totalement le rôle d'un organe d'avis scientifique, dont les quinze personnes qui ont rédigé un texte de consensus. Il suffit que quelqu'un dise que le lavage à 30 degrés est suffisant pour que le ministre reprenne cet argument. Notre avis a dû être transposé dans un cahier des charges par le Bureau de normalisation qui dépend du SPF Economie. Le bureau a émis deux avis : le premier reprend l'obligation de lavage à 60 degrés. Dans le deuxième, daté du 28 avril, il est moins clair que ce critère est une " obligation ". C'est devenu une recommandation. On ne sait pas qui a changé les normes et pour quelles raisons. Est-ce le Bureau de normalisation ? L'armée ? Ce n'est pas anodin. Des entreprises ont été rejetées lors de l'appel d'offre parce qu'elles ne répondaient pas au premier cahier des charges... qui a ensuite été modifié. Tout cet épisode fait preuve d'une grande légèreté, voire d'une incompétence totale. Personne n'est venu demander l'avis de Sciensano à ce sujet. "

Depuis la société Avrox a déclaré, après avoir effectué de nouveaux tests, que ses masques peuvent tout de même être lavés à 60 degrés, 25 fois. Toutes ces informations contradictoires au sujet de la qualité de ces masques ont certainement découragé de nombreux Belges à aller chercher leur dispositif de protection en pharmacie. La révélation par le Soir de l'utilisation abusive par Avrox du label Oeko-Tex a encore ajouté à la confusion.

Sur le fond, Jean Nève regrette que les autorités n'aient pas tenu mieux compte des avis émis par d'éminents scientifiques, faisant l'objet de recherches poussées et d'un consensus.

Transparence

Le CSS a décidé dans un souci de transparence de rendre public ses différents avis sur les masques. Une manière de montrer que ses experts ont bien travaillé et que les autorités auraient pu les suivre. Cette publication va-t-elle plaire aux autorités ? " Le CCS dépend du SPF Santé publique pour son financement mais son président et ses experts sont indépendants ", rappelle Jean Nève.

Cette volonté de transparence n'est pas nouvelle dans le chef du CSS. Il a été la première institution d'avis scientifique en Belgique à avoir mis en place une approche complète concernant la gestion des déclarations des intérêts et des possibles conflits par une Commission de Déontologie.

Le Conseil supérieur de la santé va prochainement publier un avis très pratique sur le type de masques à porter en fonction des circonstances. Un avis qui devrait intéresser de nombreux Belges dans l'éventualité d'une prochaine pandémie.

Le Conseil supérieur de la santé (CSS) est un organisme relativement discret - un peu moins depuis qu'il est présidé par le Pr Jean Nève - qui émet de nombreux avis scientifiques. Durant la crise, il a décidé de respecter strictement la consigne de laisser la cellule de crise fédérale communiquer afin " d'éviter d'ajouter de la confusion à toutes les informations qui circulent déjà ". Il n'est pas pour autant resté inactif. Ces dernières années, le conseil a remis, entre autres, un avis confidentiel - classé secret défense - au SPF Santé publique sur les recommandations et stocks stratégiques en cas d'attaque terroriste chimique, biologique ou radionucléaire et un autre, en mai 2019, sur les stocks stratégiques en cas de pandémie influenza. " À l'époque, nous avions recommandé de prévoir différents types de masques pour cinq millions de malades dont 500.000 hospitalisations et 50.000 patients en soins intensifs, avec un roulement de huit masques par jour ", explique Jean Nève. Il fallait un budget de 100 millions d'euros pour suivre ces recommandations. Maggie De Block ne les avait pas. La dernière recommandation, émise en septembre 2019, de disposer d'au moins cinq millions de masques en stock roulant n'a pas non plus, comme tout le monde le sait désormais, été suivie par les autorités. Un épisode de cette fameuse saga des masques irrite particulièrement le président du CSS : la distribution à la population via les pharmacies de masques en tissu non-conformes au niveau de la température de nettoyage. " Nous avons toujours dit que les masques en tissu doivent se laver à 60 degrés avec du détergeant. En ouvrant les boîtes, les pharmaciens se sont rendu compte que les masques fabriqués par la société Avrox ne pouvaient pas se laver à cette température. Ils s'en sont plaints. Il faut dire qu'ils engagent leur crédibilité en les vendant. Pour se défendre, le ministre Goffin a utilisé des arguments indignes afin de démontrer que ces masques peuvent se laver à 30 degrés. Ce comportement montre qu'il n'accorde pas de crédibilité aux scientifiques. Le " groupe masques " a toujours recommandé le lavage à 60° et n'a jamais changé d'avis à ce sujet. Philippe Goffin méprise totalement le rôle d'un organe d'avis scientifique, dont les quinze personnes qui ont rédigé un texte de consensus. Il suffit que quelqu'un dise que le lavage à 30 degrés est suffisant pour que le ministre reprenne cet argument. Notre avis a dû être transposé dans un cahier des charges par le Bureau de normalisation qui dépend du SPF Economie. Le bureau a émis deux avis : le premier reprend l'obligation de lavage à 60 degrés. Dans le deuxième, daté du 28 avril, il est moins clair que ce critère est une " obligation ". C'est devenu une recommandation. On ne sait pas qui a changé les normes et pour quelles raisons. Est-ce le Bureau de normalisation ? L'armée ? Ce n'est pas anodin. Des entreprises ont été rejetées lors de l'appel d'offre parce qu'elles ne répondaient pas au premier cahier des charges... qui a ensuite été modifié. Tout cet épisode fait preuve d'une grande légèreté, voire d'une incompétence totale. Personne n'est venu demander l'avis de Sciensano à ce sujet. "Depuis la société Avrox a déclaré, après avoir effectué de nouveaux tests, que ses masques peuvent tout de même être lavés à 60 degrés, 25 fois. Toutes ces informations contradictoires au sujet de la qualité de ces masques ont certainement découragé de nombreux Belges à aller chercher leur dispositif de protection en pharmacie. La révélation par le Soir de l'utilisation abusive par Avrox du label Oeko-Tex a encore ajouté à la confusion. Sur le fond, Jean Nève regrette que les autorités n'aient pas tenu mieux compte des avis émis par d'éminents scientifiques, faisant l'objet de recherches poussées et d'un consensus. Le CSS a décidé dans un souci de transparence de rendre public ses différents avis sur les masques. Une manière de montrer que ses experts ont bien travaillé et que les autorités auraient pu les suivre. Cette publication va-t-elle plaire aux autorités ? " Le CCS dépend du SPF Santé publique pour son financement mais son président et ses experts sont indépendants ", rappelle Jean Nève. Cette volonté de transparence n'est pas nouvelle dans le chef du CSS. Il a été la première institution d'avis scientifique en Belgique à avoir mis en place une approche complète concernant la gestion des déclarations des intérêts et des possibles conflits par une Commission de Déontologie. Le Conseil supérieur de la santé va prochainement publier un avis très pratique sur le type de masques à porter en fonction des circonstances. Un avis qui devrait intéresser de nombreux Belges dans l'éventualité d'une prochaine pandémie.