Le journal du Médecin : vous allez vous en souvenir de cette première réunion entre administrateurs, où vous siégiez en tant que nouveau président du conseil médical ?

Pr Wauthy : je dois bien avouer que l'ambiance était excessivement électrique. Toute personne qui osait prendre la parole pour tenter de comprendre le licenciement du Dr Hut se faisait littéralement agresser par les membres politiques. Certains administrateurs qui cherchaient l'impartialité se sont fait accuser d'être l'avocat de l'ancienne DGM. Alors qu'ils disaient simplement qu'ils ne partageaient pas les arguments juridiques que présentait le président Pourtois.

Moi-même, j'ai demandé à ce qu'on tienne quand même compte de l'avis du nouveau conseil médical. Parce que le nouvel organe de représentation n'est pas du tout comparable à celui qui a initié le processus de licenciement. Mais les politiques n'ont même pas consulté les représentants des médecins.

Cela semble être la moindre des choses pour une prise de décision avec de telles retombées sur la gestion hospitalière.

Oui, surtout que je demandais également d'obtenir les arguments juridiques par écrit, histoire de me faire une opinion éclairée de la situation. Je n'ai reçu qu'une fin de non-recevoir évidemment. Et voilà, le vote du licenciement a été amené dans l'empressement et le résultat que nous connaissons est tombé.

Aucune justification donc, légitime ou neuve, de cette éviction dans l'urgence ?

Non. Un administrateur cdH, visiblement en porte-à-faux par rapport aux autres mandataires politiques, l'a d'ailleurs fait remarquer. Son interrogation était la suivante : "vous dites qu'il n'y a plus de négociations possibles avec la DGM alors que ces négociations n'ont débuté qu'à la fin du mois d'août". On lui a répondu que ça faisait trois mois que cette histoire durait.

Mais il n'y a pas eu la moindre concession. Les administrateurs politiques en ont vite conclu l'échec des négociations, alors qu'il n'y a pas eu, que je sache, de véritable entretien entre le président du CA et le Dr Hut.

Cette intervention musclée du politique affecte-t-elle les médecins de Brugmann ?

Il est clair qu'ici la communauté médicale est particulièrement choquée par la décision imposée par la voix politique. Nous avions quand même, via l'assemblée générale des médecins, désamorcé la situation. Une minorité de praticiens, un peu en conflit d'intérêts, pensait qu'il était préférable de licencier la DGM.

Les administrateurs ont fait passer un très mauvais signal à la collectivité médicale, en ne laissant aucune porte ouverte. Je le dis en tant que président du conseil médical mais aussi en tant que médecin à qui le témoignent tous les jours d'autres confrères.

Disposez-vous de recours possibles contre cette manière d'administrer un hôpital public en ignorant le conseil médical sur un point aussi stratégique que le poste de DGM ?

C'est très difficile. Pour l'instant, nous analysons la situation au niveau juridique. Évidemment, s'il s'avérait que le conseil médical a été floué, nous ferions valoir nos droits.

Ce genre d'atteinte à une institution hospitalière trouble les relations avec les médecins. Quel est le risque pour la qualité des soins que ces médecins dispensent ?

Je pense que chacun garde son métier au coeur de ses préoccupations. La recherche de la qualité des soins en fait partie. Il n'y a pas de quoi de s'inquiéter de ça. Il y a probablement plus de risques de voir les médecins se désinvestir progressivement de leur hôpital à partir du moment où, quand ils s'impliquent, les gestionnaires publics ne les respectent pas.

Se jouent actuellement d'énormes projets hospitaliers, au travers du CHU de Bruxelles dont Brugmann doit être un pilier. Tout comme pour le Pôle hospitalo-universitaire bruxellois. Venir risquer le désengagement des médecins, c'est un timing mal choisi par le politique.

Bien sûr, très mal choisi. Il faut très rapidement mettre sur pied un projet médical qui puisse tenir la route et dans lequel nous pourrons avoir notre place. Car l'image que nous donnons actuellement n'est pas celle des équipes fringantes dont on aurait envie de s'entourer. Et d'un point de vue institutionnel, on s'interroge : qui va retirer les marrons du feu ? Il n'en restera plus beaucoup de marrons si on passe son temps à incendier le personnel.

Le conseil médical de Brugmann avait rejeté en juillet dernier la convention liant l'ULB à la Ville de Bruxelles et officialisant ainsi la structure du PHUB. Notamment parce qu'aucune perspective médicale n'était offerte aux hôpitaux participants. Les turbulences politiques actuelles, est-ce diviser pour mieux régner ?

J'ose espérer qu'on tire un peu trop loin la ficelle là. Il y a beaucoup de spéculations quant à la place des hôpitaux dans ces projets bruxellois. Mais quoiqu'on fasse, les conséquences seront immédiates pour Brugmann. Si on veut restructurer les activités des établissements, même si on décide d'accélérer les processus, cela prendra du temps.

Et vouloir affaiblir un hôpital est contre-productif. On ne pourra pas se passer du rôle de son conseil médical. Si nous voyons maintenant arriver les premiers Scuds sur Brugmann, en voulant mettre la main basse sur certaines activités, la chirurgie cardiaque que je dirige entre autres, il est clair qu'il y aura une opposition farouche. Qui ne sera pas bonne. Nous sommes tous conscients que ce n'est pas dans ce sens-là que nous devons aller.

Parce que cette réorganisation en réseau, ce pôle, ce sont des perspectives porteuses.

C'est évidemment une très bonne idée. Et je pense que ce qui manque là-dedans, le point faible de ce projet pourtant extrêmement beau, c'est qu'on n'ait pas impliqué assez le corps médical. Et cela, par volonté politique. Mais une volonté politique très vague aussi, ce qui explique aussi en partie la faiblesse actuelle de ce projet. On n'en a jamais que des extrapolations floues. On va fusionner, et après ? Que vais-je devenir, se demande le médecin. Et mes patients ? Il y a énormément d'incertitude depuis très longtemps. Tout ça par manque d'information de la part des responsables politiques.

Ce n'est pas parce que Brugmann a été victime de cette attaque récente qu'il ne va pas continuer à s'inscrire positivement dans la politique de réseau. Nous ne voulons pas devenir le petit village gaulois au coeur de Bruxelles mais un des acteurs de ce projet. N'oublions pas que nous sommes le plus grand hôpital public de la région bruxelloise.

Le journal du Médecin : vous allez vous en souvenir de cette première réunion entre administrateurs, où vous siégiez en tant que nouveau président du conseil médical ?Pr Wauthy : je dois bien avouer que l'ambiance était excessivement électrique. Toute personne qui osait prendre la parole pour tenter de comprendre le licenciement du Dr Hut se faisait littéralement agresser par les membres politiques. Certains administrateurs qui cherchaient l'impartialité se sont fait accuser d'être l'avocat de l'ancienne DGM. Alors qu'ils disaient simplement qu'ils ne partageaient pas les arguments juridiques que présentait le président Pourtois.Moi-même, j'ai demandé à ce qu'on tienne quand même compte de l'avis du nouveau conseil médical. Parce que le nouvel organe de représentation n'est pas du tout comparable à celui qui a initié le processus de licenciement. Mais les politiques n'ont même pas consulté les représentants des médecins.Cela semble être la moindre des choses pour une prise de décision avec de telles retombées sur la gestion hospitalière.Oui, surtout que je demandais également d'obtenir les arguments juridiques par écrit, histoire de me faire une opinion éclairée de la situation. Je n'ai reçu qu'une fin de non-recevoir évidemment. Et voilà, le vote du licenciement a été amené dans l'empressement et le résultat que nous connaissons est tombé.Aucune justification donc, légitime ou neuve, de cette éviction dans l'urgence ?Non. Un administrateur cdH, visiblement en porte-à-faux par rapport aux autres mandataires politiques, l'a d'ailleurs fait remarquer. Son interrogation était la suivante : "vous dites qu'il n'y a plus de négociations possibles avec la DGM alors que ces négociations n'ont débuté qu'à la fin du mois d'août". On lui a répondu que ça faisait trois mois que cette histoire durait.Mais il n'y a pas eu la moindre concession. Les administrateurs politiques en ont vite conclu l'échec des négociations, alors qu'il n'y a pas eu, que je sache, de véritable entretien entre le président du CA et le Dr Hut. Cette intervention musclée du politique affecte-t-elle les médecins de Brugmann ?Il est clair qu'ici la communauté médicale est particulièrement choquée par la décision imposée par la voix politique. Nous avions quand même, via l'assemblée générale des médecins, désamorcé la situation. Une minorité de praticiens, un peu en conflit d'intérêts, pensait qu'il était préférable de licencier la DGM. Les administrateurs ont fait passer un très mauvais signal à la collectivité médicale, en ne laissant aucune porte ouverte. Je le dis en tant que président du conseil médical mais aussi en tant que médecin à qui le témoignent tous les jours d'autres confrères.Disposez-vous de recours possibles contre cette manière d'administrer un hôpital public en ignorant le conseil médical sur un point aussi stratégique que le poste de DGM ? C'est très difficile. Pour l'instant, nous analysons la situation au niveau juridique. Évidemment, s'il s'avérait que le conseil médical a été floué, nous ferions valoir nos droits. Ce genre d'atteinte à une institution hospitalière trouble les relations avec les médecins. Quel est le risque pour la qualité des soins que ces médecins dispensent ?Je pense que chacun garde son métier au coeur de ses préoccupations. La recherche de la qualité des soins en fait partie. Il n'y a pas de quoi de s'inquiéter de ça. Il y a probablement plus de risques de voir les médecins se désinvestir progressivement de leur hôpital à partir du moment où, quand ils s'impliquent, les gestionnaires publics ne les respectent pas.Se jouent actuellement d'énormes projets hospitaliers, au travers du CHU de Bruxelles dont Brugmann doit être un pilier. Tout comme pour le Pôle hospitalo-universitaire bruxellois. Venir risquer le désengagement des médecins, c'est un timing mal choisi par le politique.Bien sûr, très mal choisi. Il faut très rapidement mettre sur pied un projet médical qui puisse tenir la route et dans lequel nous pourrons avoir notre place. Car l'image que nous donnons actuellement n'est pas celle des équipes fringantes dont on aurait envie de s'entourer. Et d'un point de vue institutionnel, on s'interroge : qui va retirer les marrons du feu ? Il n'en restera plus beaucoup de marrons si on passe son temps à incendier le personnel.Le conseil médical de Brugmann avait rejeté en juillet dernier la convention liant l'ULB à la Ville de Bruxelles et officialisant ainsi la structure du PHUB. Notamment parce qu'aucune perspective médicale n'était offerte aux hôpitaux participants. Les turbulences politiques actuelles, est-ce diviser pour mieux régner ?J'ose espérer qu'on tire un peu trop loin la ficelle là. Il y a beaucoup de spéculations quant à la place des hôpitaux dans ces projets bruxellois. Mais quoiqu'on fasse, les conséquences seront immédiates pour Brugmann. Si on veut restructurer les activités des établissements, même si on décide d'accélérer les processus, cela prendra du temps. Et vouloir affaiblir un hôpital est contre-productif. On ne pourra pas se passer du rôle de son conseil médical. Si nous voyons maintenant arriver les premiers Scuds sur Brugmann, en voulant mettre la main basse sur certaines activités, la chirurgie cardiaque que je dirige entre autres, il est clair qu'il y aura une opposition farouche. Qui ne sera pas bonne. Nous sommes tous conscients que ce n'est pas dans ce sens-là que nous devons aller.Parce que cette réorganisation en réseau, ce pôle, ce sont des perspectives porteuses.C'est évidemment une très bonne idée. Et je pense que ce qui manque là-dedans, le point faible de ce projet pourtant extrêmement beau, c'est qu'on n'ait pas impliqué assez le corps médical. Et cela, par volonté politique. Mais une volonté politique très vague aussi, ce qui explique aussi en partie la faiblesse actuelle de ce projet. On n'en a jamais que des extrapolations floues. On va fusionner, et après ? Que vais-je devenir, se demande le médecin. Et mes patients ? Il y a énormément d'incertitude depuis très longtemps. Tout ça par manque d'information de la part des responsables politiques. Ce n'est pas parce que Brugmann a été victime de cette attaque récente qu'il ne va pas continuer à s'inscrire positivement dans la politique de réseau. Nous ne voulons pas devenir le petit village gaulois au coeur de Bruxelles mais un des acteurs de ce projet. N'oublions pas que nous sommes le plus grand hôpital public de la région bruxelloise.