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C'est vrai que la notion de rendement est on ne peut plus simple. Pour un carnet de dépôt affichant un taux de 0,11 % par an, elle est même simplissime et a pour synonyme des cacahuètes... Plus sérieusement, le rendement de base d'un carnet de dépôt (abstraction faite de la prime de fidélité donc) est sans équivoque : c'est le taux affiché, un point c'est tout. Il en va tout autrement du rendement des actions et des obligations. Pourquoi ? Parce que la valeur du capital placé sur un carnet de dépôt ne varie pas. Du moins pas aussi longtemps qu'on n'y a pas ajouté les intérêts. Cette valeur peut au contraire varier tous les jours pour une action, comme chacun sait, mais également pour une obligation, ce que nombre d'investisseurs particuliers perdent de vue.Il est assez normal que la plupart des épargnants n'y attachent guère d'importance : quand ils achètent une obligation de 10.000 euros, c'est pour percevoir des intérêts et retoucher ces 10.000 euros dix ans plus tard, par exemple. Il est vrai aussi que si la valeur de cette obligation peut varier, c'est dans une mesure nettement moindre que celle des actions. Pas de quoi s'émouvoir donc. Il n'empêche : quand les taux d'intérêt varient assez fortement, une obligation peut gagner ou perdre de la valeur dans une mesure pas vraiment négligeable.Une obligation est normalement cotée en Bourse, au même titre qu'une action. Quelques-unes le sont à Bruxelles, mais la plupart des obligations proposées aux épargnants belges le sont ailleurs, souvent à Luxembourg, dont c'est la spécialité. La grande différence entre l'une et l'autre est la manière dont on exprime le prix en Bourse, résultat de l'offre et de la demande. Pour une action, c'est en euro (ou dollar, livre, etc.). Pour une obligation, c'est en pour cent de la valeur nominale.Si la valeur de marché d'une obligation peut varier, c'est en fonction de l'évolution des taux d'intérêt. On comprend intuitivement qu'une obligation offrant un rendement de 2% perd de sa valeur si les taux s'inscrivent à la hausse : personne ne va payer 10.000 euros et percevoir 2% à peine s'il peut obtenir 5% en investissant la même somme. L'acheteur n'en offrira qu'un prix plus ou moins inférieur, suivant la durée de vie de l'obligation en question, c'est-à-dire suivant le nombre d'années durant lesquelles il devra se contenter de 2 %. En pratique, ce prix sera évidemment ajusté de manière à ce que cette obligation dégage un rendement de 5%, conforme aux conditions de marché. Principe inverse, bien entendu, quand les taux d'intérêt sont à la baisse. Suite à la chute des taux intervenue ces dernières années, certaines obligations anciennes offrant un rendement très supérieur au niveau actuel cotent ainsi à 127 ou même 145 % de leur valeur nominale, comme indiqué dans le tableau ci-contre.C'est à ce niveau que se situe le premier piège à éviter par l'investisseur : le rendement apparent. Prenons pour exemple l'obligation à très long terme (2045 ! ) émise par la Belgique au taux de 3,75 %. Comme notre pays emprunte actuellement à 0,8% environ, obtenir du 3,75 % pendant encore plus d'un quart de siècle vaut clairement pas mal d'argent ! C'est pourquoi les investisseurs acceptent de payer cet emprunt pas moins de 145 % de sa valeur nominale.Quel est dès lors le rendement offert par cette obligation ? Une petite règle de trois nous apprend qu'en payant à 145 % de sa valeur nominale une obligation offrant 3,75 %, on obtient un rendement apparent de 2,58 %. Mais ce n'est qu'une apparence car, à l'échéance, le remboursement se fera à 100 % et non à 145%. Les 45 % payés " en trop " doivent donc être déduits de ce rendement apparent. C'est ainsi aussi appelé rendement final à l'échéance) de 1,64 % indiqué dans le tableau. Notons en passant que si ce niveau est encore double du 0,8% évoqué ci-dessus, c'est qu'il comporte une importante prime d'incertitude : d'ici 26 ans et demi, les taux pourraient avoir (sérieusement) remonté. A l'inverse, quand on ne paie que 75 % de la valeur nominale pour une obligation émise par le groupe français Vallourec, laquelle affiche un coupon de 2,25% pendant encore 6 ans, on arrive à un rendement de 7,66 %.Voilà pour le premier piège : si vous payez une obligation au-dessus ou endessous de sa valeur nominale, vous devez impérativement tenir compte de la différence pour calculer le rendement réel. Votre banquier se fera évidemment un devoir de vous le rappeler en cas de besoin !Le second piège présenté par les obligations se situe sur le plan fiscal. Le principe est simple : prélevé à la source, le précompte mobilier de 30 % ne s'applique pas au rendement réellement obtenu par l'investisseur, que le fisc ne connaît pas, mais au coupon payé. Pour cette obligation de l'Etat belge, il est donc compté sur 3,75 % et non sur le 1,64 % que percevra réellement celui qui a acheté ce papier à 145 % de sa valeur. Résultat : l'investisseur particulier qui achète à ce prix subit finalement un précompte de 54 % et non de 30%! Il y a pire. Voyez l'obligation Veolia Environnement, également reprise dans le tableau ci-contre, dont le rendement net tombe à presque zéro, après un précompte effectif de 98%! Acheter à plus de 100 % présente donc un énorme handicap, prévient Alex Goldwasser, gérant de Goldwasser Exchange, une société de Bourse spécialisée dans les obligations et dont le site Internet (www.oblis.be) fournit énormément d'informations sur ce type de placement.Pourquoi ces situations a priori aberrantes ? En réalité, le marché est dicté par les grands investisseurs institutionnels, qui ne paient pas le précompte et ne regardent donc que le rendement brut. Et ceci a un côté très positif : l'investisseur particulier peut profiter de cette situation en achetant des obligations en-dessous de leur valeur nominale, car s'il paie le précompte sur le revenu, il n'est par contre pas imposé sur la plus-value, rappelle Alex Goldwasser. Autrement dit, il remplace ainsi un revenu taxé (le coupon) par un autre (la plus-value) qui ne l'est pas. Fabuleuse astuce ! Un bel exemple est ici celui de l'obligation Vallourec qui offre 2,25 % et cote 75 % à peine de sa valeur nominale. Non sans raison, doiton préciser : si l'on obtient ainsi un rendement brut de 7,66 % en euro, c'est parce que l'entreprise est un peu en difficulté. Il reste qu'avec un précompte calculé sur 2,25 % à peine, on obtient 6,86 % en net. En pratique, le précompte est ainsi limité à 10,5 %, un tiers de son taux officiel.La conclusion est très claire : l'investisseur particulier peut améliorer son rendement en achetant des obligations en-dessous de leur valeur nominale ; autrement dit, en-dessous du pair A l'inverse, s'il détient un papier cotant largement au dessus du pair, comme le Veolia Environnement évoqué plus haut, il a tout intérêt à vendre.Guy Legrand