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Pour bien comprendre le rôle du médecin lors d'un accident de l'ampleur de Tchernobyl ou Fukushima, il faut s'intéresser au plan d'urgence en vigueur. En Belgique, il se limite jusqu'à présent à la phase de l'accident, c'est-à-dire à la période pendant laquelle persiste la menace de la poursuite des émissions de matières radioactives par l'installation accidentée. Ce que regrette le conseil dans son récent avis2, " frappé par le fait que le plan d'urgence est fortement centré sur la menace directe d'un accident nucléaire [...] Le plan d'urgence aborde peu le moyen terme et la phase de rétablissement." On peut également dire que les aspects d'anticipation et de prévention sont négligés. La formation et l'exercice La mise en pratique des plans d'urgence exige la collaboration et la participation des autorités, entreprises, établissements de soins, services de secours et citoyens. Pour y parvenir, la formation et les exercices sont nécessaires, notamment pour le corps médical.Les secouristes, qu'il s'agisse des médecins urgentistes, des infirmiers, du personnel des ambulances et d'autres professions paramédicales, mais aussi la police, les pompiers et la protection civile, sont confrontés à des exigences auxquelles ils sont normalement préparés. Il s'agit de professionnels qui ont été formés de manière à faire face à toutes sortes d'accidents et qui disposent d'expérience en la matière.Toutefois, selon le Conseil, ce n'est pas le cas lors d'accidents nucléaires impliquant une exposition possible à un rayonnement ionisant et la contamination de grands groupes de personnes par des matières radioactives. " Les secouristes devraient donc suivre des recyclages et des formations sur le thème des secours en cas d'accident dans des installations nucléaires ", préconise le CSS. La communication Pour prévenir, il s'agit d'informer. Et pour cela, il faut bien communiquer. Il existe, au sein du Centre gouvernemental de coordination et de crise (CGCCR), une structure d'information et de communication baptisée "cellule Info". Pour l'information des médecins et des secours médicaux, l'Agence fédérale du contrôle nucléaire (AFCN) collabore avec le SPF Santé publique. Quels effets sur la santé ? Les effets du rayonnement ionisant sur les organismes vivants sont connus. Le principal effet constaté est une augmentation du risque de leucémie quelques années après l'exposition au rayonnement et d'autres formes de cancer plus tard au cours de la vie.Chez les enfants en particulier, un cancer de la thyroïde peut se déclarer quelques années après l'inhalation ou l'ingestion d'iode radioactif. L'irradiation des gonades et du foetus ainsi que de l'enfant à naître accroît le risque d'anomalies congénitales, de retards mentaux, de microcéphalies ou encore de cancers.Plus tard au cours de la vie, il ne faut pas négliger l'impact du rayonnement sur la survenue de maladies cardiovasculaires (AVC), sur les cataractes et sur les fonctions cognitives." Ces effets sont importants même pour des doses de rayonnement inférieures à 1.000 mSv ", précise le Conseil supérieur de la Santé, qui s'est déjà prononcé à ce sujet. " Il n'existe aucune dose de rayonnement sous laquelle les conséquences possibles sont nulles. " Qui plus est, les connaissances relatives à l'exposition de longue durée au rayonnement dans cette gamme de doses dites faibles ne sont pas suffisantes. Préparé à protéger la glande thyroïde Les dangers les plus médiatisés sont liés à la glande thyroïde. Le plan d'urgence nucléaire belge comporte heureusement une stratégie afin de protéger la glande thyroïde contre le rayonnement de l'iode radioactif, au moyen de la prise d'iode stable sous forme de comprimés d'iodure de potassium. Cette mesure de prévention ou, en tout cas, de limitation de l'exposition au rayonnement est généralement associée à la recommandation de se mettre à l'abri ou, dans les cas graves, d'évacuer. Des stocks locaux d'iode stable sont disponibles dans le cadre de cette stratégie, tandis qu'à proximité des centrales nucléaires, la distribution a lieu de porte à porte, par le biais des pharmacies.Néanmoins, il faut faire attention. Les pharmacies ainsi que les officines hospitalières doivent être prêtes. " Compte tenu du temps nécessaire pour que les pharmaciens préparent des doses individuelles à partir d'iodure de potassium en poudre, et de toutes les difficultés pratiques qu'implique cette opération, toutes les pharmacies doivent disposer de grandes quantités (1.000 ou 5.000 comprimés, par exemple) de comprimés d'iodure de potassium de 65 mg ainsi que d'un stock de notices ", recommande le Conseil. " Cela devrait également être le cas dans les officines hospitalières, en corrélation avec le plan de mise en alerte des services hospitaliers (plan MASH). " La prise en charge hospitalière Le plan d'urgence nucléaire ne considère qu'un des éléments radioactifs potentiels correspondant à un scénario donné, c'est-à-dire l'iode-131, le plus médiatisé. " Par rapport à cet isotope particulier, il peut être considéré que pratiquement tous les services de médecine nucléaire du pays représentent des pôles de connaissance médicale pouvant faire face, sinon gérer à moyen ou long terme des contaminations par cet isotope ", assure le docteur Pierre Bourgeois, rédacteur du Plan MASH 'accidents nucléaires' de l'Institut Jules Bordet.La prise en charge médicale des autres isotopes radioactifs liés aux scénarios possibles d'accidents nucléaires ou de contaminations radioactives est développée dans les centres disposant d'un plan MASH 'accidents nucléaires'." Le point crucial d'un accident nucléaire ou de contamination(s) radioactive(s) réside dans l'identification des isotopes contaminants (le scénario) ", explique le Dr Bourgeois. " Le 'plan d'urgence nucléaire', ciblé sur nos centrales, correspond à l'un des scénarios possibles. La traçabilité actuelle des produits radioactifs utilisés en médecine permet de proposer des réponses à chacun des scénarios correspondants. "