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En tant que généralistes, nous sommes amenés à prendre en charge des patients souffrant de troubles psychiatriques sévères. Dans la plupart des cas, le motif de consultation est le renouvellement du traitement ou la réalisation d'une injection d'antipsychotique. Je me suis alors posé la question de mon rôle en tant que généraliste dans le suivi de ces patients. En effet, la maladie psychiatrique sévère occupe souvent une place importante dans la vie du patient et dans le suivi médical, laissant peu d'opportunités au médecin pour aborder d'autres aspects de sa santé globale. L'intérêt d'approfondir cette question mêlant psychiatrie et soins somatiques est ce qui m'a motivée à choisir cette problématique comme sujet pour mon travail de fin d'études.Les patients souffrant de troubles psychiatriques sévères tels que la schizophrénie, le trouble bipolaire ou la dépression sévère ont une espérance de vie réduite de 10 à 17,5 ans en comparaison à la population générale (1). Les maladies cardiovasculaires représentent en grande partie la cause modifiable de la surmortalité chez ces patients (1). Le mode de vie du patient et le traitement par antipsychotique en sont notamment les causes.L'objectif principal de ce travail était d'améliorer la détection des facteurs de risque cardiovasculaires (FRCV) chez le patient souffrant d'un trouble psychiatrique sévère traité par antipsychotique au sein d'une pratique de groupe de médecine générale de première ligne, la Maison Médicale des Marolles (MMM), en vue d'améliorer sa santé. Les objectifs intermédiaires étaient de sensibiliser les médecins à cette problématique et de conscientiser le patient cible à sa santé globale.La méthodologie a consisté en une recherche bibliographique et la mise en place d'une recherche-action (recherche collaborative sur le terrain) durant une période de trois mois à la MMM dans le but d'améliorer la détection des FRCV chez les patients cibles. Les différentes actions mises en place ont été les suivantes : prévision d'une consultation annuelle destinée à la prévention cardiovasculaire, établissement d'un listing des patients sous antipsychotique(s), création d'une alerte dans le dossier médical informatisé (DMI), encodage systématique des paramètres et facteurs de risque dans le DMI ainsi que l'envoi d'un courrier d'invitation au patient à se présenter en consultation avec une fiche à remplir par son médecin. Les facteurs de risque étudiés sont le poids, l'indice de masse corporelle (IMC), la tension artérielle (TA), la glycémie, le cholestérol, la consommation d'alcool/de drogue et le statut tabagique du patient. Le nombre de FRCV relevés dans les dossiers-patients avant et après la recherche-action ont été comparés.La comparaison des résultats obtenus a permis d'établir un lien positif entre la réalisation d'une recherche-action et l'augmentation de la détection de tous les FRCV étudiés chez le patient cible sauf pour la glycémie et le cholestérol.Les recommandations de suivi pour les patients cibles sur le plan somatique sont principalement adressées aux psychiatres. Néanmoins, l'importance du travail de collaboration avec le médecin généraliste et le rôle de celui-ci dans le suivi des FRCV sont établis. La recherche-action a permis d'obtenir des résultats favorables pour les patients suivis dans la structure, cependant une période de recherche de trois mois est courte et les résultats devraient être ré-analysés après un an pour éliminer le biais du temps.Sur base annuelle, dans le cadre du suivi somatique des patients traités par antipsychotique(s), ceux-ci devraient bénéficier d'un suivi des paramètres cliniques que sont la TA, le poids, le tour de taille et l'IMC, d'un suivi des paramètres biologiques (glycémie et lipidémie à jeun ) ainsi que des conseils sur l'activité physique, le régime alimentaire et, si nécessaire, un sevrage tabagique. Le rôle du médecin généraliste dans le suivi des patients psychiatriques sévères est essentiel d'un point de vue somatique. Enfin, les conséquences cardiovasculaires liées au mode de vie du patient et au traitement par antipsychotique peuvent être modifiées par une prise en charge et un suivi adaptés en première ligne, dans le but de réduire à long terme l'excès de mortalité chez ces patients comparativement à la population générale.