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Quelle que soit l'opinion que l'on professe vis-à-vis de la problématique des migrants, certains principes sont incontournables. Ils ont été écrits noir sur blanc le 19 septembre 2016 par l'Assemblée générale des Nations unies, dans la Déclaration de New York sur les réfugiés et les migrants. Cette déclaration affirme la nécessité d'une prise en charge globale des réfugiés et des demandeurs d'asile. La Belgique a contresigné ces engagements internationaux. Problème : cet accès aux soins est inéquitable. La cause ? Le financement de ces soins de santé dépend d'instances différentes selon que le demandeur d'asile est hébergé dans un centre d'accueil collectif ou dans une Initiative locale d'accueil gérée par un CPAS.Dans les centres d'accueil collectifs, la majorité des soins de première ligne sont assurés en interne par des infirmiers, en collaboration avec des médecins généralistes et des psychologues venus de l'extérieur ; tous sont payés par Fedasil. Par contre, dans les initiatives locales d'accueil (ILA), principalement des habitations privées le plus souvent gérées par le CPAS local, c'est ce dernier qui décide d'accorder ou pas l'autorisation de consulter un professionnel de la santé.Dans les centres d'accueil collectif, les extractions dentaires, les lunettes pour les enfants, le lait pour bébés et certains médicaments comme les antidouleurs ou les antiacides sont aussi remboursés, tandis que dans les ILA, les CPAS sont libres de les prendre en charge ou non - mais sur leurs propres deniers.Pour les soins spécialisés, la situation est encore plus complexe. Et pour les mineurs étrangers non accompagnés, le système est encore différent. Cette coexistence de systèmes parallèles entretient une complexité dans laquelle ni les demandeurs d'asile, ni même les soignants ne trouvent facilement leur chemin.Il est effectivement difficile, pour les médecins, de s'y retrouver dans les différentes procédures à suivre pour facturer leurs prestations. Ainsi par exemple, un médecin généraliste collaborant avec différents types d'accueil devra envoyer ses notes d'honoraires soit au centre Fedasil ou au centre partenaire local, soit au CPAS, soit encore directement à l'ILA, avec à la clé chaque fois une procédure administrative différente, sans parler des procédures spécifiques pour les mineurs non accompagnés (couverts par une mutualité) ou les demandeurs avec un code 207 " No show "." L'objectif du rapport est évidemment de faciliter l'accès aux soins, mais aussi de faciliter, pour le prestataire, la délivrance de ces soins et des attestations de soins pour ne pas tomber dans les mécanismes de réquisitoires ad hoc ", explique Pierre Verbeeren, directeur exécutif de Médecins du monde. " Il y a un réquisitoire spécifique pour les CPAS, pour Fedasil, pour la première ligne et pour la deuxième ligne de soins. Médiprima - un système informatisé qui permet la gestion électronique de l'aide médicale octroyée par les CPAS, ndlr - est accessible en deuxième ligne mais pas en première...Bref, tout cela est très compliqué pour le prestataire et immanquablement, soit le prestataire ne connaît pas le mécanisme et peut faire des erreurs, soit manque de temps pour réaliser les efforts administratifs qu'on lui demande de faire. "Cette complexité peut faire fuir le prestataire de soins. " Singulièrement en première ligne de soins ", acquiesce Pierre Verbeeren. " Les généralistes, par exemple, sont confrontés à une surcharge de travail ; et dans ce contexte, doivent faire un tri et reconnaître qu'il y a des publics difficiles à suivre. Ces publics-là, non pas par volonté mais par pratique, vont s'écarter de la pratique du médecin généraliste, ce qui est à mon sens une erreur. "Le problème est connu de longue date et la solution a déjà été mise sur la table : harmoniser l'accès aux soins en intégrant tout un chacun dans le régime d'assurance maladie ordinaire. C'est l'avis de la majorité (64,4%) des stakeholders consultés dans le cadre de l'enquête du KCE qui se sont prononcés en faveur d'un changement du système actuel de financement des soins aux demandeurs d'asile pour évoluer vers une enveloppe globale. À la question de savoir qui devait être le distributeur de cette enveloppe globale, la majorité des répondants (36,6%) a opté pour l'Inami (à travers les mutualités), principalement pour des raisons pratiques ; alors que 32,3% se sont prononcés en faveur de Fedasil.Pour Pierre Verbeeren, consulté en tant que stakeholder, cette enveloppe globale est la solution idéale, mais il s'attend à beaucoup de résistances. " On rencontre peu d'acteurs qui vont défendre l'enveloppe globale, car chaque acteur s'est positionné sur le mécanisme actuel. Les CPAS et Fedasil vont probablement peu soutenir ce projet, car des emplois sont liés aux services ad hoc développés. Il faudra donc faire un choix politique. " Un choix qui ne demande pas spécialement beaucoup de courage, selon lui. " Ce n'est pas une décision compliquée à prendre. On n'est pas sur une enveloppe de centaines de millions. Simplement quelques millions d'euros. Cette enveloppe globale est une évidence car les coûts de transaction (enquêtes sociales, etc.) pour les demandeurs d'asile sont énormes, au même titre que les ruptures de soins, qui entraînent des coûts importants. "Quant à savoir qui devait gérer cette enveloppe globale, la réponse est simple. " Si la question est un enjeu de santé publique, avec un angle de prévention et de promotion de la santé, ça ne peut être que la Santé publique et l'Inami. Cela ne peut pas être Fedasil dont ce n'est pas le métier. Si l'on veut une continuité de soins, c'est le choix à faire. Sinon, on s'expose aux risques de coupures administratives. "1. dauvrin m., detollenaere j., de laet c., roberfroid d, vinck i. demandeurs d'asile: options pour un accès plus équitable aux soins de santé. une consultation des stakeholders - synthèse. health services research (hsr). bruxelles: centre fédéral d'expertise des soins de santé (kce). 2019. kce reports 319bs. d/2019/10.273/52.