Aujourd'hui, les maternités sont légalement tenues d'effectuer au moins 400 accouchements par an. Mais le KCE est favorable à un rehaussement de la norme minimale à 557, afin que chaque maternité soit "suffisamment efficiente", sans toutefois compromettre la qualité des soins, ni la sécurité. Or, sur les 104 maternités que compte la Belgique (59 en Flandre, 34 en Wallonie et 11 à Bruxelles), 21 n'atteignent pas le nombre de 557 accouchements annuellement.
La décision de fermer une maternité ne peut toutefois se prendre sur le seul critère de l'efficience, l'accessibilité étant un autre élément très important à prendre en considération, explique le KCE. Ainsi, chaque femme (âgée de 15 à 49 ans) de notre pays doit pouvoir rejoindre une maternité en voiture dans un délai de 30 minutes. "Dans la situation actuelle, 80% des femmes disposent d'au moins huit maternités à moins d'une demi-heure de route de leur domicile. Pour moins de 2%, il n'y en a qu'une seule", note le KCE.
Or, si l'on venait à fermer les 21 maternités identifiées comme insuffisamment efficientes, un problème d'accessibilité se poserait pour certaines patientes. Le KCE recommande dès lors de maintenir ouvertes quatre structures stratégiquement situées, mais plaide pour qu'on retire l'agrément aux 17 autres.
Il y a deux ans, le KCE avait déjà relevé que l'ensemble des maternités belges comptabilisaient 600 lits de trop et que cet excédent passerait à 1.000 d'ici 2025. Le KCE concluait alors que la meilleure façon de remédier à ce problème était de fermer les plus petites maternités et d'accroître ainsi l'efficience.
Le KCE encourage par ailleurs les plus grosses structures à gagner encore davantage en efficience en effectuant de 900 à 1.000 accouchements par an. "Ce qui permettrait de travailler avec moins de personnel et d'infrastructures, et sans aucune perte de qualité", indique le KCE, qui souligne que les économies ainsi réalisées pourraient être réinvesties dans d'autres départements.
Parmi les maternités qui pourraient être amenées à disparaître, huit se trouvent en Wallonie (quatre en province de Hainaut, une à Namur et trois en province de Liège) et neuf en Flandre.
"Cela va créer de l'angoisse auprès du personnel des maternités"
La maternité namurois concernée est celle du CHR Val de Sambre, à Auvelais. Gilles Mouyard (MR), président du CHR Sambre & Meuse, a appris la nouvelle mercredi soir. " De manière assez désagréable d'ailleurs. J'aurais préféré qu'il y ait une concertation ou au moins une possibilité de discussion contradictoire préalable. Cela va créer de l'angoisse auprès des médecins, des infirmiers. Ce n'est jamais bon. On est bien conscient qu'à Auvelais, on tourne autour de 400 accouchements annuels, et que sur le site de Namur, ce chiffre atteint 1.800. Pas plus tard qu'avant-hier, on avait encore une réunion pour réfléchir à la création d'un service commun aux deux sites et à dupliquer à Auvelais ce qui fonctionne bien à Namur. Dans l'idée d'attirer plus de futures mamans à venir à Auvelais. On s'occupe donc du dossier. Ce rapport tombe donc à un très mauvais moment. Maintenant, il ne s'agit que d'un rapport, il n'y a pas de décision définitive. "
Pour le nouvel homme fort du CHRSM, les deux critères employés sont discutables. " Le critère des 30 minutes me pose question. Parce que selon où l'on habite dans la Basse Sambre, certaines futures mamans se trouveraient, sans Auvelais, à plus de 30 minutes d'une maternité. Il y aurait deux possibilités : un hôpital namurois ou un hôpital carolo. Cela poserait problème, notamment en heure de pointe. De plus, dans le cas d'un accouchement compliqué, le délai de 30 minutes est trop long. Enfin, il faudrait m'expliquer le seuil de 557 accouchements sur base annuel Pourquoi pas 556 ? "
Beaucoup craignaient ce jeudi une fermeture des 17 maternités, mais dans l'immédiat, rien n'est décidé, rappelle Gilles Mouyard. "Il faut remettre l'église au milieu du village : il s'agit d'un rapport sur base duquel la ministre peut prendre une décision. Mais nous sommes pour l'instant avec un gouvernement en affaires courantes. La question de la fermeture des maternités ne se pose donc pas. Elle se posera peut-être avec la formation d'un nouveau gouvernement, au sein duquel on ne sait d'ailleurs pas qui sera ministre de la Santé."
Selon Sirius, géomarketer, la situation est très contrastée selon l'endroit où l'on se situe en Belgique.
"Une opportunité pour les autres services de santé", selon Maggie De Block
Fermer 17 petites maternités insuffisamment efficientes, comme le préconise le Centre fédéral d'expertise des soins de santé (KCE), constitue une opportunité pour d'autres domaines des soins de santé, a réagi jeudi par communiqué la ministre de la Santé publique Maggie De Block. "Nous dépensons actuellement plus d'argent qu'il n'en faut pour les maternités, ce qui laisse moins d'argent que nécessaire pour les autres services de santé", a-t-elle souligné.
Mais trop de maternités, est-ce un réel problème? Oui, répond le cabinet De Block, car celles-ci mobilisent des prestataires de soins en permanence étant donné que les naissances ne sont pas planifiables. De plus, chaque maternité a besoin d'équipements et d'infrastructures, soit un coût fixe indépendamment de la taille du service. "Le fait de travailler avec des services plus grands réduit le coût sociétal moyen par accouchement et libère des ressources à investir ailleurs", pointe le cabinet de la ministre, qui estime également que les grandes maternités peuvent offrir "un meilleur cadre avec plus d'expertise et d'expérience aux (futurs) parents".
Traduire les recommandations du KCE en politiques concrètes "promet de ne pas être facile" mais représente une "opportunité incroyable", conclut Maggie De Block.