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Comment se présente l'exposition parisienne célébrant les 30 ans de la galerie et les 250 expositions dont elle fut témoin ?M H : - Dans un accrochage très serré digne d'un cabinet d'amateur, nous rassemblons des oeuvres des 25 artistes que nous représentons et dans une plus grande pièce le travail du peintre et céramiste qui a récemment rejoint la galerie David Lefebvre. A la fois, un coup d'oeil dans le rétroviseur tout en regardant droit devant.Vous aviez 29 ans quand vous avez ouvert votre galerie, votre fils a fait de même au même âge à Bruxelles. En quelque sorte, vous voilà grand-mère trente ans plus tard ?M H :Absolument. J'attendais Jean quand j'ai ouvert cette première galerie, car l'art fut une passion précoce pour moi.Rapidement, c'est devenu une nécessité que d'avoir mon propre lieu : j'organisais des expos pour les amis et Jean a fait la même chose plus tard puisqu'il a ouvert une galerie d'étudiants, parallèlement, durant ces études.Être galeriste n'est pas un métier, mais cela s'apprend : au départ, j'étais professeur de dessin et peinture pour des handicapés mentaux à qui j'enseignais en outre l'histoire de l'art. En parallèle, je me passionnais pour le monde de l'art : j'ai d'abord travaillé à 26 ans dans une galerie pour le compte d'un couple d'Américains, avant de rapidement avoir envie d'ouvrir ma propre galerie deux ans plus tard, en 1988.Pour fonder une galerie, il faut un réseau ?M H : Pas dans mon cas. Heureusement que j'étais inconsciente et passionnée ! Car Jean a pu ouvrir à partir du réseau de la galerie parisienne et en ayant préparé des connexions à Bruxelles.En 88, il n'y avait pas internet : je désirais devenir ce relais, passeur entre ces artistes que j'appréciais, ce monde de l'art que je découvrais et le public.L'influence de la révolution numérique sur le métier doit être énorme ?M H : Les gens sont tellement occupés qu'il y a moins de visites en galerie, d'où la nécessité des foires. Mais nous croyons vraiment à l'importance des galeries qui sont des lieux vivants, des lieux où l'on peut partager, expliquer...Jean : C'est vrai qu'en cette ère de dématérialisation, nous avons fait le choix d'ouvrir un deuxième lieu physique. On prétend que le marché peut se passer de galerie: au contraire, c'est un lieu de rencontre avec l'oeuvre, l'artiste et les galeristes sont des médiateurs.Vous êtes un peu le garagiste du coin par rapport au salon de l'auto ?M H :Tout à fait, il s'agit d'un conseil personnalisé, face à la prolifération standardisée des foires, confiées à des jurys qui le sont aussi. À la fois, ces foires permettent aux galeries de rencontrer un grand nombre d'amateurs collectionneurs, et pour ces derniers d'avoir un aperçu de ce qui se fait, mais le problème des foires est qu'elles induisent une consommation zapping de l'art, la prime à l'oeuvre la plus instagramée.La vente sur internet représente-t-elle une part importante de vos ventes ?M H : Disons que cela existe...J: Cela se développe tout en restant marginal. Mais à travers notamment de la plateforme Artsy, nous avons réalisé pas mal de ventes aux États-Unis auprès de collectionneurs que nous ne pourrions atteindre autrement.La place de Paris sur le marché de l'art est elle meilleure ou moins bonne qu'il y a trente ans ?M H : À l'époque, exista un boum à la fin des années 80, propice à l'art contemporain. J'ai pu surfer sur cette vague, débutant sans beaucoup de moyens ou de connaissances. Ensuite, cela s'est compliqué.Mais aujourd'hui Paris est à nouveau une place importante où les artistes ont d'ailleurs toujours désiré venir.Malheureusement, il n'y a pas assez de gros collectionneurs en France où la fiscalité ne leur est pas propice, mais il y a beaucoup de petits et collectionneurs moyens. Une galerie vit avec en moyenne 25 collectionneurs importants qui se déplacent, qu'il faut entretenir et revoir. D'où l'importance de s'installer à Bruxelles, car il y a ici cette habitude de s'intéresser à l'art contemporain, une tradition de collectionneurs et d'intérêt pour l'art d'aujourd'hui.J : Des collectionneurs moins imposants qu'un Pinault, mais plus curieux, aventureux et très directs dans leurs questions. Il est plus facile de proposer des choses innovantes à Bruxelles. Ce qui m'a frappé depuis l'ouverture en 2016, c'est que les Belges disent quand ils aiment, ce qui cadre mal avec le snobisme parisien. A Paris, on s'exprime pour critiquer, rarement pour adhérer.Le métier est-il plus simple ou plus compliqué aujourd'hui ?M H : Il est différent : simplifier d'une certaine manière, puisque effectivement c'est extraordinaire de pouvoir communiquer aussi facilement. Aujourd'hui depuis son canapé, l'on a accès à ce qui se passe dans le monde entier. Ce qui constitue une concurrence incroyable pour les artistes et les galeries qui veulent se démarquer. En même temps, les galeries désirent conserver un espace ouvert au public, où il y a toujours cette conversation possible.En 30 ans le rapport avec les artistes a-t-il changé ?M H :Non. Cela devient vite très affectif pour la plupart, qui sont assez compliqués raison pour laquelle ils créent.Pas besoin de psy pour certains, tout est dans leur peinture. Des angoissés qui s'expriment notamment quant à la finalité de la vie : on va mourir, on se débat contre l'oubli et l'on conçoit une oeuvre.