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Historiquement, les études positives avec le pembrolizumab et le nivolumab dans le contexte métastatique en cas de mélanome non résécable ont ouvert la voie au traitement anti-PD1. Dans l'étude CA209-238, 1 an de traitement adjuvant par nivolumab s'est avéré plus efficace et plus sûr que l'ipilimumab (inhibiteur du point de contrôle immunitaire anti-CTLA4), qui avait auparavant montré une amélioration significative de la survie sans récidive (RFS)et de la survie globale (OS) par rapport au placebo dans une étude EORTC. Par la suite, le pembrolizumab ( vs placebo) a également montré qu'il améliore de manière significative la RFS dans l'étude KEYNOTE-054. Le Pr Neyns qualifie l'étude KEYNOTE-054 d'unique par sa conception, car les patients avaient la possibilité de passer du bras placebo au bras pembrolizumab au moment de la récidive ( cross-over). Une autre particularité était que les patients qui avaient terminé un an de traitement par pembrolizumab étaient à nouveau éligibles pour un traitement par pembrolizumab ( rechallenge) s'ils récidivaient au moins 6 mois après la fin de ce traitement. Plus de 1000 patients à haut risque souffrant d'un mélanome métastatique (stade III avec un seuil d'au moins 1 mm de charge tumorale sentinelle) ont reçu un traitement adjuvant par pembrolizumab versus placebo. Lors de l'ASCO 2020, les résultats du critère d'évaluation primaire ont été présentés pour un suivi médian de 3 ans, à savoir un hazard ratio (HR) de 0,56 pour la RFS. Le risque de récidive a diminué de moitié avec le traitement par pembrolizumab dans ce contexte. 1 L'analyse finale avec un suivi médian de 3,5 ans, communiquée pour la première fois lors de l'ESMO 2020 et maintenant publiée dans The Lancet Oncology, a montré que la survie sans métastases à distance était également significativement meilleure dans la population traitée, avec un HR de 0,60.2 Une deuxième publication récente dans The Lancet Oncology a fait état de la qualité de vie liée à la santé (HRQOL) dans cette étude KEYNOTE-054.3 "Il est certes intéressant de constater que l'amélioration de la RFS ne va pas nécessairement de pair avec une influence négative sur la qualité de vie", explique le Pr Neyns.3 "Il convient toutefois de nuancer ces résultats. Il existe en effet un risque, et donc un biais possible, que les patients qui présentent une toxicité ne remplissent pas les questionnaires." Se basant sur son expérience propre, le Pr Neyns a précisé que ce traitement est assez bien toléré à long terme, mais que même dans le cadre d'un traitement adjuvant, comme l'ont montré des rapports précédents, il existe un risque connu d'effets indésirables potentiellement graves liés au système immunitaire (comme une perte de la fonction thyroïdienne et, moins souvent, une perte de la fonction hypophysaire). Dans cette étude KEYNOTE-054, comme dans d'autres études à grande échelle avec les anti-PD1, PD-L1 n'a pas pu être validé immunohistochimiquement comme biomarqueur approprié pour la sélection de la sous-population qui tirerait le plus de bénéfices du traitement par anti-PD1. Lors de l'ASCO 2021, Eggermont et al. ont présenté les premiers résultats des patients de KEYNOTE-054 qui sont passés du placebo au pembrolizumab et de ceux qui ont bénéficié d'un rechallenge au pembrolizumab. 4 "De nouveau, nous devons interpréter les données avec prudence", souligne le Pr Neyns. "Seuls 155 patients ont choisi d'être traités par pembrolizumab après leur récidive. Il faut donc se demander pourquoi les autres patients (près de la moitié) ont choisi d'autres options et si ce choix était associé à un biais potentiel." La PFS de ce groupe de patients, certes restreint, mis sous pembrolizumab après une récidive, est tout à fait conforme aux résultats des études précédentes dans lesquelles un mélanome métastatique non résécable est traité par pembrolizumab, comme dans l'étude KEYNOTE-006, par exemple. Le rechallenge a concerné un très petit nombre de patients (n = 20) qui ont été traités par pembrolizumab pendant un an, selon le protocole. En cas de récidive au moins 6 mois après l'arrêt de ce traitement, ces patients étaient à nouveau traités avec la même dose de pembrolizumab pendant un maximum de deux ans. "Dans certains cas de récidive non agressive (patient asymptomatique, maladie métastatique de faible volume, absence de métastases cérébrales et numération sanguine et fonctions organiques normales), cela pourrait être acceptable, mais d'autres traitements peuvent également être envisagés", précise le Pr Neyns. Les autres options sont actuellement les inhibiteurs de BRAF/MEK et l'association d'ipilimumab et de nivolumab. En effet, il ne faut plus espérer qu'un rechallenge donnerait au patient le meilleur résultat possible, à savoir une réponse durable qui permettrait d'arrêter l'immunothérapie de manière élective.