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Chimiothérapie ou chimioradiothérapie en premier ?Principal investigateur et en charge de la présentation des résultats lors du congrès WCGC 2019 à Barcelone, le Dr Ralf-Dieter Hofheinz (Hôpital Universitaire de Mannheim, Allemagne) a commencé son exposé en rappelant que la principal raison d'être de la stratégie TNT était une amélioration de l'observance thérapeutique ainsi qu'une diminution de la toxicité par rapport à un traitement adjuvant. De plus, un traitement systémique précoce améliore potentiellement le contrôle des micrométastases et augmente la régression tumorale. La stratégie TNT a déjà été étudiée dans un certain nombre d'essais et deux options ou séquences sont possibles, soit on débute par une chimioradiothérapie, soit par une chimiothérapie.Afin de comparer ces deux options d'initiation de la TNT, les investigateurs allemands ont mis sur pied l'étude " Pick the Winner " ou CAO/ARO/AIO-12 menée chez plus de 300 patients adultes présentant un adénocarcinome rectal histologiquement confirmé et de stade T3c/d (avec une dissémination au sein de la graisse mésorectale> 5 mm) ou T4 sur base de l'imagerie médicale. Le niveau de performance des patients défini par l'index ECOG était de 0 ou 1. Le schéma de chimiothérapie consistait en trois cycles de FOLFOX (acide folinique, 5-FU et oxaliplatine). La chimioradiothérapie comprenait la radiothérapie standard plus 5-FU et l'oxaliplatine. Les patients répartis aléatoirement dans le groupe A ont initié le protocole TNT par trois cycles de FOLFOX suivis d'une période de repos suivie d'une chimioradiothérapie suivie d'une seconde période de repos avant de procéder à l'intervention chirurgicale réalisée environ 5 semaines après la dernière chimiothérapie ou radiothérapie.Les patients du groupe B ont reçu, pour leur part, une chimioradiothérapie suivie d'une période de repos suivie d'une chimiothérapie et d'une seconde période de repos. Ils ont été opérés en moyenne 5 semaines après avoir terminé le traitement par TNT. Notons enfin que deux des 306 patients initialement inclus dans cette étude ont atteint une rémission complète sous TNT et n'ont donc pas été opérés. De plus, environ une vingtaine de participants n'ont également pas été opérés, pour diverses raisons. Au total, 284 patients ont été opérés. L'âge médian des patients qui avaient commencé le traitement était de 60 ans et 65% étaient des hommes.Bien que cette étude n'ait jamais eu pour but de mettre en évidence une quelconque différence significative entre les deux options d'initiation d'une TNT, l'hypothèse des investigateurs était de démontrer que la TNT permettrait d'augmenter le taux de réponse histologique complète des 15% déjà observés avec la chimioradiothérapie standard vers un taux de 25% au moins, la stratégie (A ou B) qui permettrait d'atteindre ce taux étant dès lors déclarée gagnante (d'où la dénomination de l'étude). Et bien, c'est la stratégie B, chimioradiothérapie en premier, qui l'emporte avec un taux de 25% de réponse histologique complète, la stratégie A (chimiothérapie en premier) avec un taux de réponse histologique complète de 17% ne faisant guère mieux que les résultats déjà obtenus précédemment avec la chimioradiothérapie standard. Un autre résultat important concerne le taux de patients ayant obtenu une réponse complète tant histologique que clinique. Là, à nouveau, on constate un net avantage de la stratégie qui place la chimioradiothérapie en premier lieu avec 28% vs 21% pour la stratégie d'initiation par chimiothérapie. Si on ajoute les deux patients n'ayant pas nécessité de résection chirurgicale, la stratégie B offre un taux de réponse histologique et clinique proche de 30%.Concernant l'observance thérapeutique on retiendra :La proportion de patients ayant reçu la dose totale de radiothérapie était comparable entre les groupes, 91% pour le groupe A et 97% pour le groupe B. Cependant, les patients du groupe A étaient moins susceptibles que ceux du groupe B de recevoir la dose complète de 5-FU (78% contre 87%) ou d'oxaliplatine (76% contre 93%). L'observance du schéma de chimiothérapie FOLFOX était comparable dans les deux groupes de patients. Dans le groupe A, 93% ont terminé les trois cycles de 5-FU ; dans le groupe B, 90% ont terminé les trois cycles. Cependant, les patients du groupe A étaient moins susceptibles que ceux du groupe B de ne recevoir aucune chimiothérapie à base de 5-FU, 0% contre 7%. Les patients du groupe A étaient plus susceptibles de terminer les trois cycles d'oxaliplatine, à 92% vs 87%.Concernant la toxicité, deux observations importantes sont à relever :Les patients du groupe A étaient plus susceptibles que ceux du groupe B de présenter une toxicité de chimioradiothérapie de grade 3/4, à 37% contre 27%.Dans les deux groupes, 22% ont présenté une toxicité de grade 3/4 liée à la chimiothérapie.Au final, une étude qui pose un nouveau jalon important pour l'amélioration de la prise en charge du cancer rectal localement avancé. Mais, comme toute étude clinique importante, elle soulève aussi de nouvelles questions auxquelles de prochaines devront répondre.