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Récemment publiés dans l'European Journal of Cancer Prevention, les résultats de l'étude indiquent que le dépistage du cancer du col de l'utérus chez les adolescentes et les jeunes adultes n'est pas efficace pour prévenir le cancer du col de l'utérus1. Au contraire, il est responsable d'un important coût financier et d'un grand stress psychologique et, pire encore, de possibles effets néfastes sur la fonction de reproduction. C'est pourquoi les investigateurs plaident pour une suppression du remboursement pour ces groupes d'âge. Pour sa thèse de doctorat, le désormais gynécologue Dr Fabian Desimpel a étudié les tendances belges en matière de dépistage parmi les femmes de moins de 25 ans sur une période de 10 ans. Il a travaillé en collaboration avec le Pr Amin Makar (UZ Gent, ZNA Middelheim) et la DrSabine Declercq (ZNA Middelheim), le premier ayant déjà publié, en 2016, les résultats d'une étude similaire, mais de plus petite envergure, entre 2006 et 20122. Ces résultats montraient un dépistage et un traitement excessifs des femmes de moins de 25 ans. L'étude actuelle couvre une période plus longue, au cours de laquelle la politique de dépistage a connu quelques modifications. Depuis 2013, le remboursement de la réalisation et de l'interprétation des examens cytologiques de frottis cervical se fait désormais tous les 3 ans, au lieu de 2 ans. De même, le remboursement des colposcopies réalisées le même jour que le frottis a été supprimé. "Nous souhaitions examiner l'effet de ces restrictions de remboursement sur le niveau de dépistage chez les adolescentes et les jeunes adultes, ainsi que les conséquences ensuite sur le nombre de diagnostics de néoplasies cervicales intra-épithéliales (CIN) de haut grade et de cancers invasifs du col utérin," explique le Dr Desimpel. Les investigateurs ont par ailleurs étudié l'impact du lancement de la campagne de vaccination contre le HPV en 2010 (Flandre) et en 2011 (Wallonie et Région de Bruxelles-Capitale). L'étude a été menée sur base des vastes ensembles de données de l'INAMI et de la Fondation Registre du Cancer. La population de l'étude a été scindée en 2 groupes: les adolescentes (<20 ans) et les jeunes adultes (20 - 24 ans). Jusqu'en 2013, plus de 10% de tous les tests de dépistage par examen cytologique de frottis cervical concernaient des femmes de moins de25 ans. En 2013, le nombre de tests de dépistage a soudainement et fortement chuté chez les moins de 25 ans, continuant de baisser à partir de 2014. Entre 2010 et 2019, le nombre de tests de dépistage a ainsi diminué respectivement de 65% et 45% chez les adolescentes et les jeunes adultes. Même constat de diminution des colposcopies en 2013, et ce, pour les deux groupes d'âge. Pour ce qui concerne le nombre de biopsies et de conisations, une baisse continue a été observée dans les deux groupes entre 2010 et 2019. En 2019, on dénombrait encore toutefois 1430 biopsies et 372 conisations chez des femmes de moins de 25 ans. "Nous disposons désormais de preuves suffisantes qu'un traitement chirurgical de CIN de haut grade, tel qu'une conisation, peut avoir des effets négatifs sur la fonction de reproduction. En effet, le risque de naissance prématurée augmente considérablement chez les femmes qui ont subi ce type de traitement3. Qui plus est, l'organisme résout souvent de lui-même les stades précoces, en particulier avant 25 ans." Entre 2010 et 2019, seuls 3cancers invasifs du col utérin ont été diagnostiqués chez des femmes de moins de 20 ans et 26 chez des jeunes adultes, soit au total 0,5% du nombre de diagnostics en Belgique. Dans le même temps, l'incidence est restée stable malgré la diminution des dépistages et du nombre réduit de colposcopies et de biopsies. Notons que les 3 cancers du col utérin diagnostiqués dans le groupe des adolescentes comprennent des sous-types histologiques qui ne sont habituellement pas détectés au moyen du dépistage, mais à la suite de symptômes tels que des saignements anormaux ou une masse cervicale. De plus, la tendance à la baisse du dépistage chez les femmes de moins de 25 ans ne s'est pas traduite par une augmentation du nombre de diagnostics de cancer cervical parmi les femmes âgées de 25 à 29 ans au cours des années suivantes. Mais la détection de ces 29 cancers invasifs du col de l'utérus entre 2010 et 2019 a coûté plus de 43 millions d'euros au système de santé belge. La situation est plus complexe en ce qui concerne l'évolution de lésions précancéreuses de haut grade. On note une importante augmentation des diagnostics de CIN de haut grade dans l'ensemble de la population, à l'exception des femmes de moins de 25 ans, chez qui ils restent stables. Aucune étude ne démontre une possible augmentation de la circulation du HPV en Belgique, mais il convient de tenir compte d'un biais d'enregistrement: depuis 2014, les CIN2 sont considérées comme des CIN de haut grade, au même titre que les CIN3, et sont donc enregistrées comme telles. D'autre part, les frottis conventionnels ont progressivement laissé la place à la cytologie en phase liquide, une méthode de détection plus précise. "Dans les années qui viennent, nous prévoyons une importante baisse des diagnostics de CIN de haut grade chez les jeunes femmes, suite au déploiement réussi de la campagne de vaccination contre le HPV. La première cohorte de jeunes filles vaccinées atteindra l'âge recommandé pour le dépistage (25 ans) en 2023. Il sera donc intéressant de suivre cette situation ces prochaines années." Les investigateurs concluent que la restriction de remboursement a eu une influence directe sur le niveau de "surdépistage" et que la diminution du nombre de dépistages chez les adolescentes et les jeunes adultes n'a pas entraîné une augmentation du nombre de diagnostics de cancer invasif du col. L'incidence du cancer du col de l'utérus parmi les femmes de moins de 25 ans reste faible, et le dépistage de ce groupe d'âge ne s'est pas avéré efficace. "Il reste important d'investiguer des symptômes tels que les règles irrégulières ou les pertes anormales, mais nous devons arrêter de dépister les jeunes femmes asymptomatiques. Outre l'impact psychologique et le coût financier, le surdépistage des adolescentes et des jeunes adultes entraîne un important risque de morbidité. Il est dès lors indiqué de supprimer le remboursement pour ce groupe d'âge." Le passage à un dépistage primaire sur la base d'un test HPV reste par ailleurs recommandé chez les femmes à partir de l'âge de 30 ans, en gardant le dépistage cytologique chez les femmes âgées de 25 à 30 ans. Enfin, il est frappant de constater que le nombre total de cancers du col de l'utérus n'a pas changé ces 15 dernières années en Belgique, alors que la maladie peut être évitée moyennant une vaccination, un dépistage et un traitement optimum. "Il reste dès lors important de mettre l'accent sur la population qui ne se fait pas dépister et sur la manière d'atteindre ces femmes. Nous pensons notamment à un meilleur conseil pendant la grossesse (une période où la patiente consulte plusieurs fois son gynécologue) et peut-être, pour l'avenir, à l'utilisation d'autotests."