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Les soins fondés sur la valeur visent à améliorer la qualité des soins pour les patients en mettant l'accent sur les résultats qui comptent vraiment pour eux. La mortalité, par exemple, n'est pas forcément le résultat primaire le plus important à leurs yeux - en particulier dans les maladies graves de mauvais pronostic ou lorsque le traitement risque d'impacter très négativement la qualité de vie. C'est pourquoi sont utilisés notamment des outils comme les PROM. Leur implémentation dans la pratique clinique ne semble toutefois pas toujours évidente. "D'un côté, le processus de soins est en effet adapté, voire repensé et il faut motiver les patients et l'équipe soignante à utiliser les PROM", souligne le Pr Ingel Demedts, pneumologue à l'AZ Delta et premier auteur. "D'un autre côté, il y a l'aspect technique: il faut un système pour sonder les PROM par voie numérique, ce qui demande pas mal de travail mais aussi un budget." Entre 2017 et 2021, 221 patients atteints d'un cancer du poumon et traités à l'AZ Delta ont participé à l'étude. Les PROM étaient sondés 1 fois par semaine par e-mail. "Au début de l'étude, nous n'avons inclus que des patients avec une tumeur de stade IV qui entamaient une chimiothérapie, une immunothérapie ou une thérapie ciblée. Face aux résultats très favorables, nous avons décidé ensuite d'élargir notre étude aux autres stades." Un système informatique permettant de sonder les PROM par voie numérique et autorisant des boucles de rétroaction a été développé en collaboration avec un partenaire externe. "Le questionnaire hebdomadaire nous a permis de suivre les effets secondaires et l'évolution de la maladie. Dès qu'un certain seuil était dépassé dans les plaintes rapportées par le patient, le médecin traitant, les infirmiers en oncologie et éventuellement d'autres prestataires étaient avertis électroniquement et le contactaient pour prendre des mesures. Nous avions également prévu des questions sur les problèmes psychosociaux et financiers, ainsi que sur la fin de vie." Une concertation multidisciplinaire et une réponse aux alertes étaient organisées à un rythme hebdomadaire. Le généraliste avait accès aux PROM dans le dossier électronique, accompagnés de conseils pour le traitement symptomatique. Des questionnaires EORTC portant sur la qualité de vie étaient par ailleurs diffusés toutes les 6 semaines pour le suivi du processus de soins. "Pour créer un maximum de valeur pour les patients, les résultats doivent être suivis de près et comparés avec ceux des collègues. C'est pourquoi nous avons fait usage d'un ensemble standardisé d'indicateurs de résultats centrés sur le patient et spécifiques au cancer du poumon." Au total, l'équipe a recueilli 3091 questionnaires hebdomadaires et 1150 questionnaires diffusés toutes les six semaines. 92% des questionnaires hebdomadaires ont été complétés. Concernant la charge des symptômes au cours du traitement, il est apparu qu'un sous-groupe de 35 patients rapportait systématiquement plus d'effets secondaires que le médecin traitant. Dans un sous-groupe de 75 patients, le nombre d'admissions non planifiées aux urgences était par ailleurs significativement plus faible que dans un groupe historique de 102 patients atteints d'un cancer du poumon qui n'avaient pas bénéficié de la trajectoire de soins numérique (3,5% vs 4,8% ; p = 0,04). L'attente à la clinique de jour oncologique au moment du traitement était aussi significativement plus courte pour les patients inclus dans la trajectoire de soins numérique (n = 249) que pour les autres (n = 221) (2,5 h vs 4,1 h ; p < 0,05). Lorsque les PROM numériques ne révélaient pas de symptômes graves et en l'absence d'anomalies à l'analyse sanguine réalisée en ambulatoire, la pharmacie hospitalière recevait les prescriptions de chimiothérapie/immunothérapie un jour à l'avance. Enfin, un sous-groupe de 204 patients souffrant d'une tumeur pulmonaire non à petites cellules de stade IV qui bénéficiaient de la trajectoire de soins numérique (n = 89) ont vu leur survie médiane totale significativement allongée par rapport aux autres (n=115) (447 j vs 286 j ; p = 0,025). Cette différence restait significative après correction pour l'âge et le sexe. "Face à ces résultats favorables, la trajectoire numérique a donc été proposée par défaut à nos patients atteints d'un cancer du poumon." "Nous dressons actuellement le tableau du coût des soins pour les patients atteints d'un cancer du poumon, mais ce n'est pas évident. Nos résultats laissent penser que cette réorganisation entraîne une diminution des frais ; il est un fait que la diminution des admissions aux urgences et l'amélioration de la survie et de la qualité de vie représentent une économie pour la collectivité. La réduction du temps passé à l'hôpital de jour permet aussi de planifier plusieurs patients par jour. Entre-temps, nous avons également élargi la trajectoire de soins numérique aux patients atteints d'un cancer du poumon qui doivent subir uniquement une opération ou une radiothérapie. Nous recherchons aussi des possibilités de collaboration pour valider nos premiers résultats dans une cohorte plus importante. Enfin, nous examinons, au travers du projet ADAM - subsidié par l'agence flamande pour l'innovation et l'entrepreneuriat (VLAIO) - s'il est possible d'utiliser des systèmes d'intelligence artificielle pour extraire de nouvelles connaissances des données collectées."