Serban Gioghiou (Global Clinical Lead Osimertinib, AstraZeneca) :

"Dans l'étude de phase III AURA3, l'osimertinib a fait mieux que le standard thérapeutique que constituait la chimiothérapie. Cette étude positionne, ainsi, l'osimertinib comme le nouveau standard thérapeutique chez les patients présentant une forme avancée de cancer du poumon non à petites cellules, porteurs d'une mutation T790M. De plus, l'étude comporte également des données particulièrement encourageantes concernant le sous-groupe des patients qui ont développé des métastases cérébrales".

Prof. Dr. T. Mok
Prof. Dr. T. Mok

Pour les patients présentant un cancer du poumon non à petites cellules, avec une mutation des récepteurs pour le facteur de croissance épidermique (EGFR), le traitement standard est un TKI en première ligne. Ce type tumeur correspond à 40% des NSCLC dans la population asiatique (10-15% chez les caucasiens). "En 2009, nous avions présenté l'étude IPASS qui avait démontré que le traitement de choix en première ligne chez les patients présentant un NSCLC avec une mutation des EGFR était un inhibiteur des tyrosine kinases de deuxième génération, comme le gefitinib, qui donnait de meilleurs résultats que la chimiothérapie standard à base de carboplatine/paclitaxel", a rappelé Tony Mok.1 "Depuis lors, de telles mutations, au niveau des exons 19 et 21 - sont recherchées systématiquement chez tous les patients qui sont, dès lors traités par un TKI.

Progression inexorable après la première ligne

"Ce traitement de première ligne permet d'obtenir une médiane de survie sans progression de 10 à 12 mois, au-delà desquels, les patients progressent", fait toutefois remarquer le Pr. Mok. "Au moment de la progression, la modification génomique la plus fréquemment observée (chez près de 60% des patients en progression) est une nouvelle mutation baptisée T790M, au niveau de l'exon 20 du gène codant pour l'EGFR. Cette mutation empêche la liaison aux TKI de première génération, conférant aux cellules tumorales une résistance à ces traitements". L'osimertinib est un inhibiteur des tyrosines kinases (TKI) de la troisième génération, dont la structure a été conçue pour surmonter la modification de conformation de l'EGFR résultant de cette mutation de T790M, ce qui donne lieu à une inhibition irréversible des formes mutées de récepteurs pour le facteur de croissance épidermique, chez les patients présentant un cancer du poumon non à petites cellules, aussi bien pour ce qui est de la mutation activatrice de EGFR (EGFRm) que pour ce qui est de la mutation de résistance aux TKI, T790M. L'activité de l'osimertinib sur les formes non mutées des récepteurs EGFR est, par contre, très faible. Les résultats positifs des études de phase I et II, menées avec cette molécule, ont encouragé les chercheurs de mettre en route une étude randomisée de phase III, l'étude AURA-3.

Conception d'AURA-3

Dans l'étude AURA-3, a été inclus un total de 419 patients avec une forme avancée de cancer du poumon non à petites cellules T790M, qui avaient progressé après un traitement de première ligne par un inhibiteur des tyrosines kinases des EGFR.2 Les patients ont été randomisés selon un rapport 2:1 vers un traitement à base d'osimertinib par voie orale (80 mg 1X/j) ou vers une chimiothérapie à base de pemetrexed (500mg/m²), en association avec soit du carboplatine (AUC, 5) ou du cisplatine (75mg/m²) toutes les 3 semaines jusqu'à six cycles. Le principal critère d'évaluation de l'étude était la survie sans progression (PFS), évaluée par les investigateurs. "60 à 65% des patients étaient asiatiques", fait remarquer le Pr. Mok. "Ce qui est logique, compte tenu du fait que les mutations de l'EGFR s'observent plus fréquemment dans cette population. Un autre point essentiel est que les patients présentant des métastases cérébrales, dont on sait combien la prise en charge est difficile, étaient également inclus et les résultats obtenus montrent que l'osimertinib pénètre bien à ce niveau ".

Risque de progression réduit de 70%

Les résultats de l'étude AURA3 sont sans équivoque. La durée médiane de survie sans progression s'est avérée significativement plus longue chez les patients traités par osimertinib, par rapport à la chimiothérapie : 10.1 mois contre 4.4 mois, soit une diminution significative de 70% du risque de progression en faveur de l'osimertinib (HR : 0.30 ; p<0.001), par rapport à l'association pemetrexed/dérivé de platine (figure 1). "Il s'agit d'une amélioration qui non seulement est statistiquement significative, mais aussi très significative sur le plan clinique pour les patients", a souligné le Dr Vassiliki Papadimitrakopoulos. "L'évaluation des données par un comité indépendant a, en outre, mis en évidence une différence encore plus marquée, avec des médianes de PFS de 11 mois avec osimertinib et de 4.2 mois avec la chimiothérapie (HR=028). Cet avantage se retrouve également dans tous les sous-groupes prédéfinis au départ de l'étude ". Le taux de réponses objectives était également significativement supérieur chez les patients traités avec le TKI de troisième génération (71%) par rapport à la chimiothérapie (31%), correspondant à une chance multipliée par plus de 5 de présenter une réponse objective sous osimertinib (OR=5.39 ; p<0.001). La durée médiane de la réponse était de 9.7 mois avec osimertinib et de 4.1 mois avec la chimiothérapie.

Figure 1

AURA3 : PFS dans la population en intention de traiter

Différence nette en cas de métastases cérébrales

Parmi les 144 patients inclus qui présentaient des métastases au niveau du système nerveux central (figure 2), la durée médiane de PFS était également supérieure avec l'osimertinib (8.5 mois) par rapport à la chimiothérapie (4.2 mois), soit une réduction de 68% du risque de progression chez ce type de patients, réputés difficiles à traiter (HR=0.32).

Figure 2

PFS chez les patients avec des métastases cérébrales

Meilleure tolérance avec osimertinib

Pour ce qui est du profil de tolérance, la proportion de patients qui ont présenté des effets secondaires sévères, de grade 3 ou plus, liés au traitement , était de 6% avec l'osimertinib et de 34% sous chimiothérapie (l'ensemble des effets secondaires dans chacun des bras thérapeutiques étant de 23% avec l'osimertinib et de 47% sous chimiothérapie). Pour l'osimertinib, les effets indésirables les plus fréquents étaient de la diarrhée, des éruptions cutanées et une sécheresse de la peau, ainsi que des infections au niveau des ongles. Pour la chimiothérapie, ont surtout été notées une diminution de l'appétit, des nausées, de la constipation et des anémies.

En bref...

AURA3 est la première étude de phase III qui a comparé un TKI de la troisième génération, l'osimertinib, à une chimiothérapie à base de pemetrexed et d'un dérivé de platine chez des patients avec un NSCLC T790M, avec des résultats extrêmement favorables en termes de survie sans progression, dans tous les sous-groupes de patients, en particulier ceux qui présentaient des métastases au niveau du SNC. Pour les spécialistes présents, il ne fait aucun doute qu'en cas de progression sur un TKI de première ligne, le statut mutationnel de T790 des patients présentant ce type de tumeur doit être testé, afin de leur permettre de bénéficier de la meilleure prise en charge thérapeutique.

Référence :

Mok T et al. 'Gefitinib or Carboplatin-Paclitaxel in Pulmonary Adenocarcinoma' N Engl J Med 2009; 361:947-957

Pour les patients présentant un cancer du poumon non à petites cellules, avec une mutation des récepteurs pour le facteur de croissance épidermique (EGFR), le traitement standard est un TKI en première ligne. Ce type tumeur correspond à 40% des NSCLC dans la population asiatique (10-15% chez les caucasiens). "En 2009, nous avions présenté l'étude IPASS qui avait démontré que le traitement de choix en première ligne chez les patients présentant un NSCLC avec une mutation des EGFR était un inhibiteur des tyrosine kinases de deuxième génération, comme le gefitinib, qui donnait de meilleurs résultats que la chimiothérapie standard à base de carboplatine/paclitaxel", a rappelé Tony Mok.1 "Depuis lors, de telles mutations, au niveau des exons 19 et 21 - sont recherchées systématiquement chez tous les patients qui sont, dès lors traités par un TKI.Progression inexorable après la première ligne"Ce traitement de première ligne permet d'obtenir une médiane de survie sans progression de 10 à 12 mois, au-delà desquels, les patients progressent", fait toutefois remarquer le Pr. Mok. "Au moment de la progression, la modification génomique la plus fréquemment observée (chez près de 60% des patients en progression) est une nouvelle mutation baptisée T790M, au niveau de l'exon 20 du gène codant pour l'EGFR. Cette mutation empêche la liaison aux TKI de première génération, conférant aux cellules tumorales une résistance à ces traitements". L'osimertinib est un inhibiteur des tyrosines kinases (TKI) de la troisième génération, dont la structure a été conçue pour surmonter la modification de conformation de l'EGFR résultant de cette mutation de T790M, ce qui donne lieu à une inhibition irréversible des formes mutées de récepteurs pour le facteur de croissance épidermique, chez les patients présentant un cancer du poumon non à petites cellules, aussi bien pour ce qui est de la mutation activatrice de EGFR (EGFRm) que pour ce qui est de la mutation de résistance aux TKI, T790M. L'activité de l'osimertinib sur les formes non mutées des récepteurs EGFR est, par contre, très faible. Les résultats positifs des études de phase I et II, menées avec cette molécule, ont encouragé les chercheurs de mettre en route une étude randomisée de phase III, l'étude AURA-3.Conception d'AURA-3Dans l'étude AURA-3, a été inclus un total de 419 patients avec une forme avancée de cancer du poumon non à petites cellules T790M, qui avaient progressé après un traitement de première ligne par un inhibiteur des tyrosines kinases des EGFR.2 Les patients ont été randomisés selon un rapport 2:1 vers un traitement à base d'osimertinib par voie orale (80 mg 1X/j) ou vers une chimiothérapie à base de pemetrexed (500mg/m²), en association avec soit du carboplatine (AUC, 5) ou du cisplatine (75mg/m²) toutes les 3 semaines jusqu'à six cycles. Le principal critère d'évaluation de l'étude était la survie sans progression (PFS), évaluée par les investigateurs. "60 à 65% des patients étaient asiatiques", fait remarquer le Pr. Mok. "Ce qui est logique, compte tenu du fait que les mutations de l'EGFR s'observent plus fréquemment dans cette population. Un autre point essentiel est que les patients présentant des métastases cérébrales, dont on sait combien la prise en charge est difficile, étaient également inclus et les résultats obtenus montrent que l'osimertinib pénètre bien à ce niveau ".Risque de progression réduit de 70%Les résultats de l'étude AURA3 sont sans équivoque. La durée médiane de survie sans progression s'est avérée significativement plus longue chez les patients traités par osimertinib, par rapport à la chimiothérapie : 10.1 mois contre 4.4 mois, soit une diminution significative de 70% du risque de progression en faveur de l'osimertinib (HR : 0.30 ; p<0.001), par rapport à l'association pemetrexed/dérivé de platine (figure 1). "Il s'agit d'une amélioration qui non seulement est statistiquement significative, mais aussi très significative sur le plan clinique pour les patients", a souligné le Dr Vassiliki Papadimitrakopoulos. "L'évaluation des données par un comité indépendant a, en outre, mis en évidence une différence encore plus marquée, avec des médianes de PFS de 11 mois avec osimertinib et de 4.2 mois avec la chimiothérapie (HR=028). Cet avantage se retrouve également dans tous les sous-groupes prédéfinis au départ de l'étude ". Le taux de réponses objectives était également significativement supérieur chez les patients traités avec le TKI de troisième génération (71%) par rapport à la chimiothérapie (31%), correspondant à une chance multipliée par plus de 5 de présenter une réponse objective sous osimertinib (OR=5.39 ; p<0.001). La durée médiane de la réponse était de 9.7 mois avec osimertinib et de 4.1 mois avec la chimiothérapie. Figure 1AURA3 : PFS dans la population en intention de traiterDifférence nette en cas de métastases cérébralesParmi les 144 patients inclus qui présentaient des métastases au niveau du système nerveux central (figure 2), la durée médiane de PFS était également supérieure avec l'osimertinib (8.5 mois) par rapport à la chimiothérapie (4.2 mois), soit une réduction de 68% du risque de progression chez ce type de patients, réputés difficiles à traiter (HR=0.32).Figure 2PFS chez les patients avec des métastases cérébralesMeilleure tolérance avec osimertinibPour ce qui est du profil de tolérance, la proportion de patients qui ont présenté des effets secondaires sévères, de grade 3 ou plus, liés au traitement , était de 6% avec l'osimertinib et de 34% sous chimiothérapie (l'ensemble des effets secondaires dans chacun des bras thérapeutiques étant de 23% avec l'osimertinib et de 47% sous chimiothérapie). Pour l'osimertinib, les effets indésirables les plus fréquents étaient de la diarrhée, des éruptions cutanées et une sécheresse de la peau, ainsi que des infections au niveau des ongles. Pour la chimiothérapie, ont surtout été notées une diminution de l'appétit, des nausées, de la constipation et des anémies. Référence : Mok T et al. 'Gefitinib or Carboplatin-Paclitaxel in Pulmonary Adenocarcinoma' N Engl J Med 2009; 361:947-957