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C'est un cas clinique rare et spectaculaire, voire miraculeux, que rapportent des médecins du CHRU de Lille. Un cas que l'on peut résumer en disant qu'avant même de naître un foetus a sauvé la vie de sa mère - et par conséquent la sienne aussi - en se positionnant dans l'utérus de telle sorte qu'il a évité la rupture de la poche des eaux et l'hémorragie utérine, sachant que la maman avait fait une rupture utérine.L'histoire commence lorsqu'une femme se présente aux urgences de la maternité de l'hôpital Jeanne-de-Flandre, à 36 semaines d'aménorrhée, pour des douleurs abdominales subites et fortes. Agée de 31 ans, cette patiente avait déjà subi une césarienne en urgence en 2013 à cause d'une anomalie cardiaque du foetus.L'équipe médicale regarde si le bébé se porte bien. Examen clinique, échographie, enregistrement du coeur... tout est normal. La jeune femme n'est pas en période de travail : elle n'a pas de contractions utérines. L'échographie montre un foetus qui bouge et se présente par le siège. La quantité de liquide amniotique est normale. La patiente ne présente pas de saignements vaginaux, ni d'hémorragie abdominale.Les médecins décident alors d'administrer à la jeune femme des médicaments anti-douleurs, mais rien n'y fait : même avec la dose maximale, elle se plaint de douleurs toujours plus intenses qui semblent remonter vers le haut du corps.Face à cette résistance aux antalgiques, les obstétriciens de Lille commencent à soupçonner un trouble grave : une déchirure de la paroi de l'aorte qui peut se solder par une hémorragie interne. Un angioscanner est alors réalisé dans l'urgence de manière à pouvoir visualiser les vaisseaux sanguins, difficilement observables avec les autres types d'imagerie.Et là, le verdict tombe : la future maman ne souffre pas d'une dissection aortique mais d'une déchirure des parois de l'utérus, une complication bien plus rare liée à sa grossesse et qui est très grave tant pour elle que pour son enfant. Fragilisé par la césarienne précédente, son utérus s'est rompu sur une longueur de 10 centimètres au niveau de la cicatrice.Une césarienne est alors réalisée en urgence. Stupéfaits, les médecins découvrent que le bébé a tout bonnement calé son dos à l'endroit de la rupture du muscle utérin, son abdomen faisant face à la colonne vertébrale de sa mère. Voilà qui explique pourquoi tous les symptômes d'une rupture utérine étaient absents.Le dos du bébé est littéralement "aspiré" par la brèche utérine qu'il colmate complètement. En faisant ventouse, son rachis lombaire évite ainsi que la poche des eaux ne se rompe, et il comprime les artères du muscle déchiré, empêchant que la mère ne fasse une hémorragie utérine. Hermétique, ce "bouchon" a également permis d'éviter toute fuite de liquide amniotique, ou bien que le cordon ombilical ne sorte de l'utérus, se retrouvant comprimé, ce qui aurait pu engendrer des anomalies de croissance voire la mort du foetus in utero.La césarienne s'est par ailleurs déroulée sans complications, et la maman "miraculée" a donné naissance à un petit garçon en pleine forme de 2,520 kg. Le bébé est né avec une grosse bosse dans le dos à l'endroit où celui-ci avait été aspiré. Cette boursouflure, due à un oedème volumineux, s'est résorbée d'elle-même en quelques heures.Les obstétriciens lillois parlent d'un "cas extraordinaire". Enthousiastes, ils appellent tout de même leurs collègues à la prudence et les invitent à penser au diagnostic de rupture utérine en cas de douleurs abdominales intenses, "même en dehors du travail, quand la patiente ne présente donc pas de contractions."(référence : European Journal of Obstetrics, Gynecology and Reproductive Biology, août 2017,DOI : 10.1016/j.ejogrb.2017.05.029)