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Tout débute en juin 2015, au sein du service des grands brûlés de l'hôpital pour enfants de Bochum, en Allemagne. Hassan, un petit garçon de 7 ans, réfugié syrien, y est admis dans un état jugé très critique. Il souffre de sepsis sévère avec une forte fièvre et son poids corporel est seulement de 17 kilos. Mais surtout, il est atteint d'une épidermolyse bulleuse, qui lui a fait perdre son épiderme sur presque les deux tiers de la surface de son corps. Très rare, liée à des mutations des gènes LAMA3, LAMB3 ou LAMC2, cette maladie provoque des plaies chroniques sur la peau et les muqueuses, qui altèrent la qualité de vie des malades et conduisent au cancer de la peau.L'équipe de pédiatres et plasticiens de Bochum tente alors plusieurs traitements dont un puissant antibiotique ainsi qu'une greffe de peau du père mais tous échouent et le pronostic vital du garçon est engagé. En derniers recours, elle s'adresse au Dr Michele de Luca, qui dirige le Centre de médecine régénérative de l'Université de Modène et qui va opter pour une thérapie expérimentale.Spécialiste de l'utilisation des cellules souches dans la reconstruction de la peau, le Dr De Luca avait réalisé, en 2006, avec succès une greffe de peau à partir de cellules souches génétiquement modifiées chez un patient atteint d'épidermolyse bulleuse. Mais cette greffe n'avait été effectuée que sur une toute petite surface de peau. Jamais sur la quasi-totalité d'un corps !Les médecins ont alors prélevé des cellules de peau sur la partie non-abîmée du corps du patient. Selon la technique de la thérapie génique, ils ont introduit au sein de ces kératinocytes transgéniques autologues une forme non mutée du gène LAMB3, qui permet l'adhérence de l'épiderme au derme. Les scientifiques ont ensuite attendu que les cellules corrigées se multiplient en laboratoire, formant ainsi une sorte de peau génétiquement modifiée de 85 cm2.Après avoir obtenu les autorisations requises, entre octobre 2015 et janvier 2016, les médecins ont effectué plusieurs opérations au cours desquelles le greffon a été placé sur de nombreuses parties du corps du petit garçon.En février 2016, Hassan est sorti de l'hôpital. Aujourd'hui, il bénéficie d'une peau de haute qualité qui résiste au stress avec un film hydrolipidique intact ainsi qu'une formation précoce de cheveux. Aucune contracture cicatricielle n'est apparue dans les zones transplantées. L'enfant est retourné à l'école, il participe activement à la vie sociale de sa famille et n'a plus besoin d'antidouleurs.En raison de sa grande échelle (80% de peau transplantée), le cas, relaté dans la revue Nature, est considéré comme unique au niveau mondial. Cette prouesse pourrait renforcer l'arsenal thérapeutique dans la prise en charge de l'épidermolyse bulleuse mais aussi d'autres maladies ou traumatismes provoquant de graves dommages de la peau.(référence : Nature, 8 novembre 2017, doi:10.1038/nature24487)