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Le diagnostic présumé du RGO peut être établi à partir de la clinique - classiquement une sensation de brûlant - qu'un traitement empirique par inhibiteurs de la pompe à protons viendra confirmer lors de la disparition des symptômes. "Néanmoins si l'on recherche la preuve formelle d'un RGO acide, il faudra recourir à une pH-métrie de 24 heures, démontrant une exposition acide de l'oesophage pendant plus de 4% du temps. En l'absence de reflux acide, il sera nécessaire de réaliser une impédance-métrie afin de déterminer le volume généré par le RGO", explique le Pr Jacques Devière. L'endoscopie est l'examen de choix pour détecter les complications du reflux mais pas pour diagnostiquer le reflux. "Toutefois, si elle doit être réalisée chez un patient présentant un RGO, il sera préférable de la programmer au début de la prise en charge, avant tout traitement ou après traitement d'épreuve suivi d'une récidive. Le but poursuivi est d'identifier les lésions et d'objectiver l'oesophagite. Cela a une valeur pronostique puisqu'on sait que les patients présentant une oesophagite sévère, C ou D selon la classification de Los Angeles, avant tout traitement sont des personnes plus sujettes à récidiver et à développer des complications comme des sténoses (de plus en plus rares suite à l'utilisation des IPPs), un oesophage de Barrett, etc."Et l'imagerie ?Rappelons que la radiologie n'a probablement plus aucun rôle. "Elle peut encore être intéressante chez les rares patients qui auraient besoin d'une intervention chirurgicale. La scintigraphie et les autres méthodes sont devenues totalement obsolètes." La manométrie oesophagienne peut en revanche être indiquée chez certains patients pour lesquels il existe un doute au sujet du diagnostic. Ce sont ceux donc la symptomatologie résisterait aux traitements par IPP et par anti-H2. "Il s'agit parfois de patients qui souffrent d'achalasie, c'est-à-dire l'inverse de la cause du RGO : ici, on assiste à une hypercompétence du cardia, qui peut donner des symptômes similaires à un RGO."Enfin la scintigraphie de vidange gastrique est utilisée en cas de suspicion d'un retard de vidange gastrique, ce qui survient notamment en cas de gastroparésie. Il est important d'y penser chez les patients diabétiques qui présenteraient un reflux, par exemple, car ils ont plus de risque de développer cette gastroparésie." La recherche d'Helicobacter pylori n'est pas motivée par cette symptomatologie, mais lors de l'endoscopie, la bactérie est souvent recherchée. "On l'éradique par principe, mais on sait aussi que le rôle d'Hp n'est pas essentiel dans le RGO. En bonne pratique, l'endoscopie pratiquée au début de la prise en charge chez une personne avec un RGO non compliqué ne devra pas être répétée si les symptômes ne se modifient pas."Conseiller et traiter...Du côté des traitements, les conseils classiques sont toujours en vigueur comme de surélever la tête du lit de 15 à 20 cm et de ne pas se contenter d'oreillers placés sous le matelas. "L'objectif est bien d'obtenir une vidange par gravité de l'oesophage. Les mesures diététiques sont importantes. On sait que l'obésité provoque une pression gastrique plus importante. La perte de poids est donc conseillée. Par ailleurs, les aliments contenant de la caféine, de la théine, de l'alcool sont classiquement déconseillés, tout comme le tabac, naturellement." Pour les autres aliments qui étaient habituellement interdits (chocolat, tomates, etc.), ce sera essentiellement au patient à déterminer ce qu'il supporte ou pas. Les IPP constituent aujourd'hui la base du traitement du RGO non compliqué. "Après un mois ou deux de traitement continu, un traitement sur mesure peut être proposé au patient. Il vise à trouver la plus petite dose efficace qui leur permet de rester asymptomatique soit en espaçant les doses, soit en diminuant le dosage. L'idée est de faire bien comprendre au patient qu'il s'agit d'un traitement symptomatique." À ce titre, les anti-H2 conservent leur place chez les patients ne pouvant pas prendre d'IPP ou présentant des symptômes légers. "Toutefois, ils peuvent aussi être combinés avec les IPP chez certains patients qui présentent des symptômes plus sévères, essentiellement le soir afin de combattre l'excès d'acidité nocturne qui peut survenir." Penser à référerPar ailleurs, certaines alertes sont parues dans la presse concernant l'usage des IPP. Selon le Pr J. Devière, "il s'agit d'une classe de médicaments particulièrement sûrs et les accusations parues dans les journaux médicaux ont également été contredites. Toutefois, cela reste un médicament ; il s'agit donc de privilégier les doses les plus basses possible et la durée la moins longue. Il convient d'y être particulièrement attentif chez les patients âgés."Chez les patients résistants aux IPP et à la combinaison avec les anti-H2, il est possible d'ajouter des procinétiques, du baclofène ou des neuromodulateurs, mais le spécialiste d'Erasme prévient : "Il est préférable alors de référer le patient vers un centre spécialisé, car il faut étudier les motricités gastriques et oesophagiennes afin de comprendre ce qui se passe et adapter le traitement." Ce sont aussi les patients qui font partie du groupe chez lequel une option chirurgicale reste envisageable, même si l'efficacité de cette mesure est équivalente sur base des études randomisées publiées à un traitement continu par IPP. "Néanmoins, des patients conservent malgré leur traitement un reflux non-acide invalidant. Une chirurgie de type Nissen est donc envisageable, mais la réussite du traitement dépend beaucoup de l'expérience du chirurgien. Par ailleurs, il est important de se souvenir que dans 10% cela ne va pas mieux... voire moins bien. La chirurgie reste une partie du traitement, à n'envisager toutefois qu'avec précaution", conclut-ilLe Pr J. Devière tient à insister sur le rôle central du médecin généraliste dans le diagnostic et la prise en charge initiale des patients atteints de RGO. "En plus de l'initiation du traitement, ce sont eux aussi qui permettront aux patients d'atteindre la plus petite dose efficace, ce qui est essentiel non seulement du point de vue médical, mais également pharmaco-économique. Enfin, ils jouent un rôle-clé pour identifier les patients parmi tous ceux qui ont un reflux, ceux qui devront bénéficier d'un suivi plus spécialisé et les référer."Attention aux red flags En l'absence de reflux acide objectivé par l'apparition de "brûlant", d'autres symptômes doivent faire penser à un RGO comme l'apparition d'un asthme ou d'une toux chronique. "Ce sont classiquement des patients référés par des ORL ou des pneumologues. Ces patients doivent bénéficier non seulement d'une endoscopie mais aussi d'une pH-métrie et d'une impédance-métrie afin de déterminer si le reflux est objectivé et en rapport avec l'apparition des épisodes de toux ou d'asthme", précise Jacques Devière En outre, il ne faudrait pas non plus oublier les symptômes d'alarme comme la dysphagie, des saignements nocturnes, l'amaigrissement. "Ces signes doivent faire suspecter une malignité. Il y a également un autre groupe de patients qui sont ceux porteurs de complications comme l'oesophage de Barrett, défini comme une métaplasie intestinale au-dessus de la ligne Z. Les petits Barrett inférieurs à 3 cm de hauteur sur la circonférence oesophagienne doivent être suivis tous les 3 à 5 ans. En revanche, pour les lésions plus étendues, les patients devraient bénéficier d'un suivi plus rapproché, car ils sont plus à risque de dysplasies voire de cancer de l'oesophage. Cela demande des appareils de haute définition avec des colorations particulières, etc. Aux Pays-Bas, seuls quelques centres sont recommandés pour prendre en charge ces patients, surtout lorsqu'il existe une dysplasie associée"Scarpellini E, Ang D, Pauwels A, De Santis A, Vanuytsel T, Tack JManagement of refractory typical GERD symptoms Nat Rev Gastroenterol Hepatol. 2016 May;13(5):281-94. doi: 10.1038/nrgastro.2016.50. Epub 2016 Apr 14.