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Certes il ne s'agit encore que d'un petit globe de quelques centimètres en suspension dans une boîte de pétri. Mais on peut tout de même parler d'un véritable exploit technologique étant donné que l'intestin est tout sauf un simple tube. Qualifié de "second cerveau", il figure au contraire parmi les organes les plus complexes à explorer. Composé d'une muqueuse de cellules (entérocytes) qui est en étroite relation avec des millions de neurones intestinaux et des fibres musculaires, il possède son propre système nerveux qui contrôle de nombreuses fonctions incluant le mélange et la propulsion du bol alimentaire au long du tube digestif, la sécrétion d'hormones, et la perméabilité épithéliale.Les perturbations de ce système sont à l'origine de nombreuses pathologies que les auteurs de ce travail souhaitaient mieux comprendre. D'où l'importance de disposer d'un outil tel que celui qu'ils viennent de créer en associant une approche innovante d'ingénierie tissulaire et l'utilisation de cellules souches.Pour cette "recette" bien particulière, ils ont ajouté - dans un ordre parfaitement défini - à des cellules souches pluripotentes humaines, dites iPS, un cocktail de molécules destinées à diriger leur différentiation en tissu intestinal, selon un processus déjà utilisé auparavant.En parallèle, à partir de ces mêmes cellules iPS, l'équipe a également créé des cellules nerveuses à un stade embryonnaire particulier pour obtenir des neurones précurseurs du système nerveux intestinal. Ce système dit entérique est indispensable à l'absorption des nutriments et à l'évacuation des déchets au travers des voies digestives.Enfin, à un moment précis, les deux préparations cellulaires ont été assemblées dans un gel, et elles ont adopté une conformation en 3D. Fort heureusement, la "mayonnaise" a donc pris et cela a donné naissance à un tissu humain ressemblant à l'intestin foetal en développement.Restait à en tester la fonctionnalité. Les scientifiques ont alors transplanté l'organoïde dans un organisme vivant, en l'occurrence des souris de laboratoire dépourvues de système immunitaire. Non dans leur tube digestif, mais dans une région plus vascularisée. Et là, après six semaines, tout a fonctionné : l'intestin s'est agrandi et est devenu mature. Il présentait une vascularisation et a commencé à se contracter d'une manière remarquablement similaire à celle d'un intestin humain.Certes, les chercheurs sont encore loin d'un intestin à taille humaine, puisque celui qu'ils ont élaboré fait moins de trois centimètres contre plusieurs mètres chez l'homme. De plus, il n'a pas encore sa forme tubulaire et, pour devenir un intestin complet, il lui manque également un système immunitaire, un microbiote, et tous les facteurs apportés par l'alimentation. Mais le tissu est le même et, selon ses concepteurs, il est très possible que ce mini-organe se développe proportionnellement à la taille de l'hôte. Quoiqu'il en soit, cette première représente un espoir pour la médecine régénérative à long terme. Elle devrait permettre de modéliser et d'étudier des maladies digestives, de tester des nouvelles thérapeutiques et d'envisager des greffes intestinales personnalisées...(référence : Nature Medicine, 21 novembre 2011, doi:10.1038/nm.4233)