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La PR (le terme 'PCE' est obsolète) frappe environ 0,5 % de la population et se manifeste surtout vers la cinquantaine, avec une nette prédominance féminine (sex ratio de 3/1). La maladie peut néanmoins surgir à tout âge, y compris chez l'enfant. Sa prévalence est plus forte en Europe du Nord qu'en Europe du Sud. Elle fait partie des maladies auto-immunitaires.Pr Soyfoo, a-t-on une idée de l'étiologie de la PR ?Prof. Muhammad Shan Soyfoo : Il y a certes un facteur génétique, avec donc une prédisposition familiale, mais la cause réelle reste inconnue. Cependant, on constate que la maladie peut se manifester après une période de stress, une infection ou autre facteur déclenchant. Par ailleurs, le tabagisme, le surpoids et d'autres facteurs environnementaux peuvent aggraver le tableau clinique.Le diagnostic précoce étant important, comment le pose-t-on ?Il faut tout d'abord distinguer deux formes de PR. Il y a la forme dite séropositive, qui représente environ 70 % des cas, où le facteur rhumatoïde et les anticorps anti CCP (cyclic citrullinated peptide) sont détectés dans le sérum du patient. Leur présence et titre plus ou moins élevé est un élément important pour l'évolution et la gravité de l'atteinte articulaire. Dans 30 % des cas, la PR est séronégative, ce qui ne facilite pas le diagnostic. Dans un premier stade, la maladie se manifeste le plus souvent par des phénomènes inflammatoires symétriques au niveau des petites articulations et par une raideur articulaire matinale. Au début, la radiologie classique n'est pas très utile, car les atteintes au niveau du cartilage ne sont pas encore décelables. Il faut alors faire appel à l'échographie et à la résonance magnétique pour objectiver les lésions.La PR a-t-elle un impact sur d'autres organes que les articulations ?En effet, la PR ne se limite pas aux articulations, car il s'agit d'une maladie inflammatoire dont les effets se font ressentir sur d'autres organes, en particulier sur le système cardiovasculaire. Mis à part d'autres facteurs comme le tabagisme ou l'hypercholestérolémie, nous constatons que les patients atteints de PR sont 1,5 à 2 fois plus susceptibles d'atteinte cardio-vasculaire. Ceci ne doit pas nous étonner, car nous savons depuis longtemps que l'inflammation joue un rôle important dans la genèse de l'athérosclérose. Le profil inflammatoire peut entrainer une décompensation cardiaque de type diastolique. Il faut en être conscient et rester attentif aux symptômes cardiovasculaires. Et n'oublions pas que le traitement médicamenteux peut lui aussi avoir quelque effet secondaire à ce niveau. Par contre, les atteintes pulmonaires ou rénales sont beaucoup plus rares.Le diagnostic étant posé, quelle est actuellement la marche à suivre ?L'introduction des DMARD (Disease Modifying Ant-Rheumatic Drugs)représente une grande avancée dans le traitement de la PR. Elles parviennent à contrôler les manifestations inflammatoires cliniques de la maladie et à freiner son évolution destructrice. Le méthotrexate reste le traitement de première ligne. Au début, on y ajoute de la cortisone à petite dose pour soulager assez rapidement le patient, car le méthotrexate n'agit qu'après un délai de 4 à 6 semaines.En cas d'échec, on passe à la deuxième génération de DMARD, comme le léflunomide et la sulfasalazine.Les biothérapies sont réservées aux cas sévères ou résistants. Elles sont particulièrement efficaces, mais très coûteuses. Il s'agit d'anti-TNF alpha (l'infliximab, l'étanercept, l'adalimumab ou le golimu-mab), des antagonistes de l'interleukine 6 (tocilizumab, sarilumab, sirukumab), des anticorps anti-lymphocytes (rituximab), des inhibiteurs de la co-stimulation des lymphocytes T (abatacept). Ces médicaments s'administrent par voie sous-cutanée ou intraveineuse, à intervalle régulier, ce qui ne favorise pas la posologie. Mais l'approche thérapeutique médicamenteuse est en pleine évolution. De nouveaux produits sont régulièrement mis sur le marché et actuellement il existe aussi de petites molécules qui s'administrent per os, mais qui sont malheureusement tout aussi coûteuses (voir encadré).Peut-on craindre des effets secondaires ?Les DMARD réduisant les défenses immunitaires, elles rendent le patient plus susceptible aux infections. Elles peuvent également réactiver un foyer latent de tuberculose, mais en général elles sont bien supportées et parviennent à remettre le patient d'aplomb, lui permettant de mener une vie familiale et professionnelle pratiquement normale. Le traitement doit être adapté selon la gravité du cas, la présence d'effets secondaires et l'apparition de rémissions plus ou moins longues, mais en général il s'agit d'un traitement à vie.Quel est le rôle du médecin généraliste dans la prise en charge des patients ?Le généraliste joue un rôle majeur en ce qui concerne le diagnostic précoce. Une douleur au niveau des petites articulations en particulier, une raideur matinale et des signes inflammatoires doivent lui mettre la puce à l'oreille. Les marqueurs sanguins peuvent confirmer le diagnostic, mais ce n'est pas toujours le cas, surtout s'il s'agit d'une forme séronégative. Dès les premiers symptômes, le patient doit être vu par un rhumatologue, pour établir un bilan complet, déterminer le stade et la gravité de la maladie et mettre en route le traitement. Il est d'ailleurs le seul à pouvoir prescrire les DMARD dont le remboursement est soumis à un contrôle sévère. Il faut savoir en effet que le coût de ces traitements s'élève facilement aux environs de 15.000 ? par an. Pour le suivi du patient, un contrôle trimestriel est généralement de mise. De toute façon, le médecin traitant reste le personnage clé pour le dépistage de la maladie et des effets secondaires du traitement.