Par essence, toute pollution, quelle que soit sa nature, est dommageable pour la santé. Et il n'existe pas forcément de lien entre le niveau de perception et les dégâts occasionnés. Pour preuve les petites et très petites particules, dont la taille n'excède pas 2,5 microns (µ) pour les plus grandes et 0,1 µ pour les autres. Pour mémoire, le cheveu a un diamètre de 60 µ environ...

Ces composants de l'air ambiant sont le résultat de l'activité humaine ou des nombreux dispositifs mécaniques ou motorisés dont il a permis la conception. Et on n'en a pas terminé : les nanotechnologies dont on attend beaucoup - y compris dans le registre médical - pourraient bien être un nouveau secteur de production massive.

Si on sait que les microparticules, comme les plus grosses, sont elles aussi nocives pour la santé (ce qui est avéré pour les voies respiratoires et le système cardiovasculaire), on pressent qu'elles soient également liées à un vieillissement cérébral plus précoce. Quelques études portant à la fois sur des humains et sur des souris en laboratoire semblent en apporter la preuve. On peut en rappeler la réalité en quelques chiffres.

Quelques valeurs pour fixer les idées

Les centres urbains et industriels, mais aussi les grandes voies de circulation sont des générateurs de ces microéléments riches en sulfate, nitrate, carbone ou métaux lourds pour ne citer que ceux-là1. On sait déjà qu'une pollution aérienne importante rendrait compte de 21 % des démences séniles dans le monde. On sait aussi plus précisément grâce une étude menée en Ontario (Canada), à partir d'une cohorte de 6,6 millions de personnes2, qu'habiter à 50 mètres plutôt qu'à 150 d'un grand axe routier augmente de 12 %, chez les riverains, le risque de développer une telle démence.

A Mexico City, ce sont des chiens qui ont été utilisés en première intention pour vérifier les possibles effets liés à la présence massive de microparticules. Leur observation comportementale a permis de constater que les plus vieux étaient dans un état proche de ce qu'on connaît chez les patients souffrant d'Alzheimer, certains de ces meilleurs amis de l'homme ne reconnaissant plus leur maître. Partant de cette observation, des scientifiques ont recherché, dans le cerveau d'habitants de la ville de tous âges, morts accidentellement, des traces d'altération. Ils en ont trouvé : présence anormalement importante de plaques bêta amyloïdes (P?) - y compris chez des enfants - et traces d'inflammation cérébrale notamment signifiées par une glie hyperactive.

On ne s'explique pas encore comment des particules intériorisées par les voies respiratoires arrivent au cerveau.

Des tests de toxicité ont bien entendu été menés en laboratoire. Les particules d'un air pollué ont été concentrées, puis introduites dans l'environnement confiné de cages dans lesquelles on a placé des souris connues pour favoriser le dépôt de P?3. Après quelques semaines et après comparaison avec des souris témoine, il est apparu que les animaux qui ont séjourné dans un air plus pollué avaient une microglie qui libérait de nombreuses substances inflammatoires - tel que le facteur de nécrose tumorale ? - comme le font les cellules cérébrales de patients Alzheimer. Les connexions inter-neuronales (les neurites) étaient également atrophiées.

Les voies de pénétration

On ne s'explique pas encore comment des particules intériorisées par les voies respiratoires arrivent au cerveau. Trois voies sont toutefois suspectées. La première est nasale : entrés par les narines, les polluants passeraient dans le bulbe olfactif puis, suivant les neurones, atteindraient le cervelet et, de là, les autres compartiments cérébraux et les P?. Une seconde voie est celle de la muqueuse nasale qui, via un processus de type inflammatoire, affecterait le cerveau. La troisième voie, enfin, serait pulmonaire : l'inflammation induite mènerait les cellules alvéolaires à libérer des cytokines qui, emportées par le flux circulatoire, atteindraient leur cible cérébrale finale. Il ne s'agit néanmoins encore que de pistes probables que l'expérience et l'observation clinique doivent étayer... ou réfuter. Quel que soit le chemin suivi, on sait que le cerveau " vieillit " prématurément au contact de ces particules avec, comme toujours, une sensibilité différentielle entre individus. Les fumeurs en particulier voient leur risque accru ; logique : la cigarette elle-même génère des microparticules. Selon l'OMS, 14 % des cas de maladie d'Alzheimer seraient étroitement liés au tabagisme4. Les porteurs d'un gène de susceptibilité - ApoE4 - sont aussi plus à risque, non seulement d'être atteint de la maladie5, mais aussi d'être plus sensibles aux polluants.

Et encore ?

En plus de ce qui précède, on ne peut passer sous silence qu'il existe un risque d'ordre " social ". Les moins favorisés habitent préférentiellement les quartiers industriels plus pollués où ils peuvent préférentiellement trouver du travail. La même classe sociale se retrouve aussi le long des grands axes routiers, près des quais, où les logements sont les moins chers. Ce sont enfin les mêmes qui sont les moins informés des risques liés à la pollution et au tabagisme, ou qui veulent les minimiser, sinon les ignorer.

Si on ne peut changer l'air que l'on respire, au moins doit-on savoir que s'en dégager de temps en temps, permet d'en réduire (au moins) l'impact sanitaire.

Bibliographie

A Lefranc & S Larrieu. Particules ultrafines et santé : apport des études épidémiologiques. Environnement, risques et santé, 2008 ; 7(5) : 349-355

H Chen, JC Kwong, R Copes et al. Living near major roads and the incidence of dementia, Parkinson's desease and multiple sclerosis : a population based cohort study. The Lancet, 2017 ; 389 (10070) : 718-726

A noter que la présence de plaques bêta amyloïdes ne signifie pas nécessairement qu'il y a démence.

E Underwood. The polluted brain. Science, 2017 ; 355 : 342-34

Y Huang. Roles of apolipoprotein E4 (ApoE4) in the pathogenesis of Alzheimer's disease : lessons from ApoE mouse models. Biochem Soc Trans, 2011 ; 39(4) : 924-932

Par essence, toute pollution, quelle que soit sa nature, est dommageable pour la santé. Et il n'existe pas forcément de lien entre le niveau de perception et les dégâts occasionnés. Pour preuve les petites et très petites particules, dont la taille n'excède pas 2,5 microns (µ) pour les plus grandes et 0,1 µ pour les autres. Pour mémoire, le cheveu a un diamètre de 60 µ environ...Ces composants de l'air ambiant sont le résultat de l'activité humaine ou des nombreux dispositifs mécaniques ou motorisés dont il a permis la conception. Et on n'en a pas terminé : les nanotechnologies dont on attend beaucoup - y compris dans le registre médical - pourraient bien être un nouveau secteur de production massive.Si on sait que les microparticules, comme les plus grosses, sont elles aussi nocives pour la santé (ce qui est avéré pour les voies respiratoires et le système cardiovasculaire), on pressent qu'elles soient également liées à un vieillissement cérébral plus précoce. Quelques études portant à la fois sur des humains et sur des souris en laboratoire semblent en apporter la preuve. On peut en rappeler la réalité en quelques chiffres.Les centres urbains et industriels, mais aussi les grandes voies de circulation sont des générateurs de ces microéléments riches en sulfate, nitrate, carbone ou métaux lourds pour ne citer que ceux-là1. On sait déjà qu'une pollution aérienne importante rendrait compte de 21 % des démences séniles dans le monde. On sait aussi plus précisément grâce une étude menée en Ontario (Canada), à partir d'une cohorte de 6,6 millions de personnes2, qu'habiter à 50 mètres plutôt qu'à 150 d'un grand axe routier augmente de 12 %, chez les riverains, le risque de développer une telle démence.A Mexico City, ce sont des chiens qui ont été utilisés en première intention pour vérifier les possibles effets liés à la présence massive de microparticules. Leur observation comportementale a permis de constater que les plus vieux étaient dans un état proche de ce qu'on connaît chez les patients souffrant d'Alzheimer, certains de ces meilleurs amis de l'homme ne reconnaissant plus leur maître. Partant de cette observation, des scientifiques ont recherché, dans le cerveau d'habitants de la ville de tous âges, morts accidentellement, des traces d'altération. Ils en ont trouvé : présence anormalement importante de plaques bêta amyloïdes (P?) - y compris chez des enfants - et traces d'inflammation cérébrale notamment signifiées par une glie hyperactive.Des tests de toxicité ont bien entendu été menés en laboratoire. Les particules d'un air pollué ont été concentrées, puis introduites dans l'environnement confiné de cages dans lesquelles on a placé des souris connues pour favoriser le dépôt de P?3. Après quelques semaines et après comparaison avec des souris témoine, il est apparu que les animaux qui ont séjourné dans un air plus pollué avaient une microglie qui libérait de nombreuses substances inflammatoires - tel que le facteur de nécrose tumorale ? - comme le font les cellules cérébrales de patients Alzheimer. Les connexions inter-neuronales (les neurites) étaient également atrophiées.On ne s'explique pas encore comment des particules intériorisées par les voies respiratoires arrivent au cerveau. Trois voies sont toutefois suspectées. La première est nasale : entrés par les narines, les polluants passeraient dans le bulbe olfactif puis, suivant les neurones, atteindraient le cervelet et, de là, les autres compartiments cérébraux et les P?. Une seconde voie est celle de la muqueuse nasale qui, via un processus de type inflammatoire, affecterait le cerveau. La troisième voie, enfin, serait pulmonaire : l'inflammation induite mènerait les cellules alvéolaires à libérer des cytokines qui, emportées par le flux circulatoire, atteindraient leur cible cérébrale finale. Il ne s'agit néanmoins encore que de pistes probables que l'expérience et l'observation clinique doivent étayer... ou réfuter. Quel que soit le chemin suivi, on sait que le cerveau " vieillit " prématurément au contact de ces particules avec, comme toujours, une sensibilité différentielle entre individus. Les fumeurs en particulier voient leur risque accru ; logique : la cigarette elle-même génère des microparticules. Selon l'OMS, 14 % des cas de maladie d'Alzheimer seraient étroitement liés au tabagisme4. Les porteurs d'un gène de susceptibilité - ApoE4 - sont aussi plus à risque, non seulement d'être atteint de la maladie5, mais aussi d'être plus sensibles aux polluants.En plus de ce qui précède, on ne peut passer sous silence qu'il existe un risque d'ordre " social ". Les moins favorisés habitent préférentiellement les quartiers industriels plus pollués où ils peuvent préférentiellement trouver du travail. La même classe sociale se retrouve aussi le long des grands axes routiers, près des quais, où les logements sont les moins chers. Ce sont enfin les mêmes qui sont les moins informés des risques liés à la pollution et au tabagisme, ou qui veulent les minimiser, sinon les ignorer.Si on ne peut changer l'air que l'on respire, au moins doit-on savoir que s'en dégager de temps en temps, permet d'en réduire (au moins) l'impact sanitaire.