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Mais que font ces chaperons - en réalité des chaperons pharmacologiques - qui agissent spécifiquement par rapport aux enzymes ? "Les chaperons sont de petites molécules qui se lient à l'endroit où l'enzyme se lie normalement au substrat (site actif). Ils n'agissent pas dans toutes les mutations, mais uniquement dans celles qui entraînent un 'misfolding' ou défaut de repliement (le plus souvent des mutations ponctuelles) ; il reste dès lors une activité enzymatique résiduelle propre à l'organisme." Dans le cas des maladies de surcharge lysosomale, cela signifie qu'il faut concevoir un autre chaperon pour chaque maladie, étant donné que la déficience ou la carence enzymatique diffère d'une maladie à l'autre.Un premier succèsLe chaperon a un effet stabilisateur sur le site actif. "Il permet toutefois aussi à l'enzyme de se plier (formation partielle de la structure tertiaire et quaternaire) et d'échapper ainsi au protéasome (= système de qualité des cellules visant à éliminer au plus vite toutes les protéines mal formées). L'enzyme et son chaperon arrivent ensuite dans le lysosome. Dans ce milieu acide, le chaperon est séparé du site actif et l'enzyme propre à l'organisme peut exercer son activité. Le chaperon veille dès lors à ce que l'enzyme propre, plutôt que d'être détruite, ait la chance d'arriver dans le lysosome et de pouvoir produire son effet."Différents chaperons ont déjà été testés, par exemple dans la maladie de Gaucher et de Pompe, mais ces essais se sont soldés par un échec. L'essai réalisé dans le cadre de la maladie de Fabry constitue un premier succès, mais uniquement pour les mutations répondant au traitement, qui sont dès lors identifiées. "Les déficiences sévères (une mutation dans le site actif ou un codon de terminaison entraînant l'absence presque totale de formation d'enzyme) n'entrent pas en ligne de compte. Le traitement n'est donc applicable que chez une partie des patients. Le migalastat se prend 1 fois tous les 2 jours. Il est possible de passer d'un traitement de substitution enzymatique (TSE) à un traitement par chaperon par voie orale."TRS pour la maladie de GaucherBien que le traitement de réduction de substrat (TRS) pour la maladie de Gaucher soit le plus ancien, les patients y réagissent très bien. "L'os, en particulier, peut encore poser des problèmes. Mais d'une manière générale, il est encore possible de maintenir un bon contrôle de l'atteinte des organes, ce qui n'est pas toujours le cas dans les autres maladies lysosomales." Pour la maladie de Gaucher, un nouveau médicament a fait son apparition sur le marché le 1er juin 2016 et est remboursé. "L'éliglustat n'est pas un médicament chaperon, mais un traitement de réduction de substrat. Il empêche la synthèse des glucocérébrosides qui s'accumulent suite à une carence en glucocérébrosidase. Moins de substrat induit moins d'accumulation, bien que l'enzyme soit toujours déficiente. En termes d'utilisation, il n'y a pas de restriction dans le type de mutation, mais il doit s'agir de patients adultes atteints de la maladie de Gaucher de type 1." En effet, cette petite molécule ne traverse pas la barrière hémato-encéphalique et ne convient donc pas pour la maladie de Gaucher neuropathique de type 2/3. En ce qui concerne les chaperons, nous ne savons pas encore s'ils passent au travers de la barrière hémato-encéphalique ; on ne dispose pour le moment d'aucune donnée sur le sujet. PerspectivesPour la maladie de Pompe, des investigateurs mènent en ce moment une étude clinique de phase III dans laquelle le TSE est associé à un chaperon. L'objectif de cette étude est d'augmenter la disponibilité de l'enzyme dans le lysosome (concentrations plus élevées), dans le muscle cardiaque, mais également dans les muscles squelettiques. Les expériences réalisées sur des animaux sont très prometteuses. On a commencé à tester la thérapie génique intrathécale pour les maladies lysosomales. Les résultats ne sont cependant pas encore probants. La première - et, à ce jour, l'unique - étude ayant donné de bons résultats est une étude de phase II dans l'une des céroïdes-lipofuscinoses (CCLN2). Tout dépend de la rapidité du diagnostic Auparavant, le diagnostic de maladie lysosomale était assez difficile à poser et il fallait procéder étape par étape : pour certaines maladies, un échantillon d'urine était d'abord analysé afin de déterminer le métabolite libéré, puis un diagnostic enzymatique était réalisé sur les leucocytes ou les fibroblastes. Si celui-ci s'avérait négatif, il fallait recommencer à zéro. Aujourd'hui, il existe de nouveaux outils diagnostiques. "Grâce au Blood Spot test, le papier filtre utilisé pour le dépistage néonatal, également appelé carte de Guthrie, nous pouvons déterminer en une seule fois 8 à 9 enzymes lysosomales en même temps, avec l'aide du spectromètre de masse en tandem (Tandem MS). C'est possible par exemple à Anvers et à Bruxelles (ULB). Si les valeurs sont faibles, il faut quand même encore obtenir une confirmation au niveau des leucocytes, mais on gagne du temps et on sait tout de suite de quelle maladie il s'agit." Il est par conséquent possible de réaliser en une seule fois un dépistage pour les MPS I, II, IVa, VI et VII, mais aussi pour les maladies de Gaucher, Fabry, Pompe, Niemann-Pick de type A et B, Krabbe... Bientôt, un kit commercial sera également proposé sur le marché. Celui-ci permettra d'effectuer plus facilement de grandes quantités de tests. Panel génétiquePar ailleurs, le service de génétique médicale de l'UZ Brussel a constitué un "Lysopanel", spécialement pour les maladies de surcharge lysosomale. Grâce à ce panel, tous les gènes sous-jacents potentiels des maladies de surcharge sont testés dans le sang du patient. Les mutations observées sont liées à une maladie et celle-ci peut ensuite être confirmée sur le plan biochimique par un diagnostic enzymatique. "L'inconvénient est qu'il faut prélever une grande quantité de sang et que le délai d'attente avant d'obtenir le résultat atteint 6 à 9 mois, alors que le résultat du dépistage sur gouttes de sang est disponible dans les 2 semaines." Il faut y penserLe clinicien continuera à jouer un rôle très important. Il convient d'y penser en cas d'observation de signes cliniques... et de mettre sur pied un dépistage rapide à l'aide des nouveaux outils diagnostiques. En effet, le TSE constitue une amélioration considérable pour les maladies de surcharge lysosomale. Mais ici aussi, plus on agit tôt, plus le résultat sera probant. À retenir également : aucune maladie de surcharge lysosomale ne peut être traitée avec un seul médicament. Une médication/thérapie complémentaire (par exemple la kinésithérapie) reste indispensable et occupe une place essentielle.