Pr Tessa Kerre (UZ de Gand)
Pr Tessa Kerre (UZ de Gand)

"Pour le moment, il existe deux types de thérapie génique par cellules T", explique le Pr Kerre. D'une part, celle dans laquelle on introduit, dans les cellules T du patient (qui ont toutes un récepteur propre), un nouveau récepteur des cellules T, qui reconnaît la cellule cancéreuse comme étrangère à l'organisme et la détruit. "Cette étude est en cours et, pour le moment, il n'y a pas (encore) de progrès importants. D'autre part, il y a la thérapie CAR-T. Le CAR (chimeric antigen receptor ou récepteur antigénique chimérique) n'est pas présent physiologiquement. Les premiers résultats avec la thérapie CAR-T sont véritablement révolutionnaires."

Le principe de la thérapie CAR-T

Pr Tessa Kerre (UZ de Gand) : "La thérapie CAR-T peut sauver la vie de patients pour lesquels il n'existe plus d'autres options thérapeutiques."

Ici, les cellules T du patient sont modifiées génétiquement, de sorte qu'elles puissent reconnaître un marqueur à la surface des cellules cancéreuses du patient, et les détruire massivement. Un CAR reconnaît ce marqueur par le biais d'un anticorps qui ne se trouve normalement pas à la surface des cellules T. Lorsque l'anticorps reconnaît la protéine, le signal transmis est le même que lorsqu'un récepteur des cellules T reconnaît une protéine. Entre-temps, on a déjà fabriqué plusieurs générations de cellules CAR-T, chaque génération étant plus puissante que la précédente, suite à l'ajout de facteurs costimulants, qui renforcent le signal transmis.

Fabrication en laboratoire

Pr Kerre : "Le protocole pour la fabrication de cellules CAR-T déterminées est identique pour chaque patient dans un certain protocole, et il part chaque fois des cellules T de ce patient. Les cellules CAR-T doivent donc être fabriquées pour chaque patient individuel et ne peuvent être utilisées que chez ce patient précis". Les cellules T du patient sont récoltées via aphérèse, isolées en laboratoire et mises en culture, avant qu'on y introduise le code génétique du CAR au moyen d'un vecteur viral. Par après, les cellules CAR-T sont encore parfois mises en culture (mais pas toujours), avant d'être réinjectées ultérieurement au patient au moyen d'une perfusion.

Transformation du traitement du cancer

Le Journal of Clinical Oncology[1] affirme que la thérapie par cellules CAR-T est l'une des percées les plus importantes sur le plan du traitement du cancer depuis des décennies. Pour l'American Society of Clinical Oncology, la thérapie par cellules CAR-T a représenté l'Advance of the Year 2017, "capable de transformer les résultats et les standards de soins pour les adultes et les enfants souffrant de cancers autrement incurables"[2].

Pour quels cancers ?

Actuellement, la thérapie par cellules CAR-T ne convient que pour des cancers bien déterminés. "Le CAR le plus utilisé reconnaît CD19, un marqueur qui se trouve sur les cellules B, et il est utilisé dans des affections malignes prenant naissance au départ des cellules B, par exemple la leucémie lymphoïde aiguë à cellules B (LLA-B) et certains lymphomes à cellules B. Ces cellules malignes surexpriment ce marqueur CD19 et seront davantage attaquées par les cellules CAR-T que les cellules B saines, qui seront toutefois également détruites." Leur destruction peut heureusement être compensée par l'administration des anticorps nécessaires. Des thérapies par cellules CAR-T sont également développées pour d'autres cancers hématologiques, comme le lymphome hodgkinien, la leucémie myéloïde aiguë et le myélome multiple. À l'avenir, la thérapie par cellules CAR-T pourrait également s'adresser à des tumeurs solides, mais ceci constitue encore un défi de taille.

Nouveau pilier

La thérapie CAR-T peut sauver la vie de patients pour lesquels il n'existe plus d'autres options thérapeutiques. Le traitement induit cependant des effets indésirables, tels que syndrome de libération de cytokines, syndrome de lyse tumorale et neurotoxicité. "Mais dès que la période critique est passée, le traitement peut potentiellement être curatif. Dans certaines indications, les cellules CAR-T peuvent nous aider à amener le patient en rémission, ce qui augmente les chances de succès d'une transplantation de cellules souches". Pour le Pr Kerre, la thérapie par cellules CAR-T a aujourd'hui prouvé qu'elle constitue désormais un des piliers du traitement du cancer.

Et en Belgique ?

"Étant donné que la fabrication des cellules CAR-T est très complexe, le prix n'est pas bon marché. Par ailleurs, les chances de guérison sont réelles. En outre, ce traitement ne doit être administré généralement qu'une fois, ce qui fait que son prix devient comparable à certains d'autres traitements oncologiques qui sont peut-être moins chers, mais administrés très longtemps, ou qui sont chers, mais souvent non curatifs (et dont le bénéfice en termes de survie est limité). Si nous considérons l'aspect économique et la qualité de vie, la thérapie CAR-T semble sur la bonne voie, même s'il est encore nécessaire de l'optimiser...", déclare le Pr Kerre.

Un rôle d'accompagnement pour les généralistes

Dr Micheline Demeyer, généraliste à Merelbeke : "J'ai un patient souffrant d'un lymphome non hodgkinien, prêt à envisager la thérapie CAR-T si sa maladie devait récidiver. Le spécialiste lui a donné les informations nécessaires car, en tant que généralistes, nous n'instaurons jamais ces traitements. Mais je ne peux que me réjouir de toutes les innovations médicales susceptibles de guérir les patients, et les généralistes ont un rôle d'accompagnement important à jouer. Si le patient (se) pose des questions, je l'invite à en discuter avec le spécialiste pour voir si un nouveau traitement pourrait être envisageable chez lui. Nous devons également bien connaître les effets indésirables, car les patients nous consultent parfois à ce sujet."

Aux États-Unis, la thérapie par cellules CAR-T est déjà disponible pour deux indications : résistance et/ou récidive de LLA et de lymphomes à cellules B. En août dernier, l'Agence européenne des Médicaments (EMA) a accordé une autorisation de mise sur le marché dans l'UE, pour les mêmes indications. Il faut à présent attendre le remboursement de cette thérapie, qui est organisé au niveau national.

Soutien aux patients

La LUSS et RaDiOrg sont des organisations faîtières qui représentent des associations au service des patients, de leurs proches et des professionnels de la santé. Leurs coordonnées sont disponibles sur les sites www.luss.be et www.radiorg.be.

Plus d'infos sur le site internet Immuno-T.inmotion.care

[1] Heymach J. et al, Journal of Clinical Oncology 36, nr. 10, avril 2018.

[2] American Society of Clinical Oncology, Clinical Cancer Advances 2018, janvier 2018.

"Pour le moment, il existe deux types de thérapie génique par cellules T", explique le Pr Kerre. D'une part, celle dans laquelle on introduit, dans les cellules T du patient (qui ont toutes un récepteur propre), un nouveau récepteur des cellules T, qui reconnaît la cellule cancéreuse comme étrangère à l'organisme et la détruit. "Cette étude est en cours et, pour le moment, il n'y a pas (encore) de progrès importants. D'autre part, il y a la thérapie CAR-T. Le CAR (chimeric antigen receptor ou récepteur antigénique chimérique) n'est pas présent physiologiquement. Les premiers résultats avec la thérapie CAR-T sont véritablement révolutionnaires."Le principe de la thérapie CAR-TIci, les cellules T du patient sont modifiées génétiquement, de sorte qu'elles puissent reconnaître un marqueur à la surface des cellules cancéreuses du patient, et les détruire massivement. Un CAR reconnaît ce marqueur par le biais d'un anticorps qui ne se trouve normalement pas à la surface des cellules T. Lorsque l'anticorps reconnaît la protéine, le signal transmis est le même que lorsqu'un récepteur des cellules T reconnaît une protéine. Entre-temps, on a déjà fabriqué plusieurs générations de cellules CAR-T, chaque génération étant plus puissante que la précédente, suite à l'ajout de facteurs costimulants, qui renforcent le signal transmis. Fabrication en laboratoirePr Kerre : "Le protocole pour la fabrication de cellules CAR-T déterminées est identique pour chaque patient dans un certain protocole, et il part chaque fois des cellules T de ce patient. Les cellules CAR-T doivent donc être fabriquées pour chaque patient individuel et ne peuvent être utilisées que chez ce patient précis". Les cellules T du patient sont récoltées via aphérèse, isolées en laboratoire et mises en culture, avant qu'on y introduise le code génétique du CAR au moyen d'un vecteur viral. Par après, les cellules CAR-T sont encore parfois mises en culture (mais pas toujours), avant d'être réinjectées ultérieurement au patient au moyen d'une perfusion. Transformation du traitement du cancerLe Journal of Clinical Oncology[1] affirme que la thérapie par cellules CAR-T est l'une des percées les plus importantes sur le plan du traitement du cancer depuis des décennies. Pour l'American Society of Clinical Oncology, la thérapie par cellules CAR-T a représenté l'Advance of the Year 2017, "capable de transformer les résultats et les standards de soins pour les adultes et les enfants souffrant de cancers autrement incurables"[2]. Pour quels cancers ?Actuellement, la thérapie par cellules CAR-T ne convient que pour des cancers bien déterminés. "Le CAR le plus utilisé reconnaît CD19, un marqueur qui se trouve sur les cellules B, et il est utilisé dans des affections malignes prenant naissance au départ des cellules B, par exemple la leucémie lymphoïde aiguë à cellules B (LLA-B) et certains lymphomes à cellules B. Ces cellules malignes surexpriment ce marqueur CD19 et seront davantage attaquées par les cellules CAR-T que les cellules B saines, qui seront toutefois également détruites." Leur destruction peut heureusement être compensée par l'administration des anticorps nécessaires. Des thérapies par cellules CAR-T sont également développées pour d'autres cancers hématologiques, comme le lymphome hodgkinien, la leucémie myéloïde aiguë et le myélome multiple. À l'avenir, la thérapie par cellules CAR-T pourrait également s'adresser à des tumeurs solides, mais ceci constitue encore un défi de taille.Nouveau pilierLa thérapie CAR-T peut sauver la vie de patients pour lesquels il n'existe plus d'autres options thérapeutiques. Le traitement induit cependant des effets indésirables, tels que syndrome de libération de cytokines, syndrome de lyse tumorale et neurotoxicité. "Mais dès que la période critique est passée, le traitement peut potentiellement être curatif. Dans certaines indications, les cellules CAR-T peuvent nous aider à amener le patient en rémission, ce qui augmente les chances de succès d'une transplantation de cellules souches". Pour le Pr Kerre, la thérapie par cellules CAR-T a aujourd'hui prouvé qu'elle constitue désormais un des piliers du traitement du cancer. Et en Belgique ?"Étant donné que la fabrication des cellules CAR-T est très complexe, le prix n'est pas bon marché. Par ailleurs, les chances de guérison sont réelles. En outre, ce traitement ne doit être administré généralement qu'une fois, ce qui fait que son prix devient comparable à certains d'autres traitements oncologiques qui sont peut-être moins chers, mais administrés très longtemps, ou qui sont chers, mais souvent non curatifs (et dont le bénéfice en termes de survie est limité). Si nous considérons l'aspect économique et la qualité de vie, la thérapie CAR-T semble sur la bonne voie, même s'il est encore nécessaire de l'optimiser...", déclare le Pr Kerre.Aux États-Unis, la thérapie par cellules CAR-T est déjà disponible pour deux indications : résistance et/ou récidive de LLA et de lymphomes à cellules B. En août dernier, l'Agence européenne des Médicaments (EMA) a accordé une autorisation de mise sur le marché dans l'UE, pour les mêmes indications. Il faut à présent attendre le remboursement de cette thérapie, qui est organisé au niveau national. Plus d'infos sur le site internet Immuno-T.inmotion.care[1] Heymach J. et al, Journal of Clinical Oncology 36, nr. 10, avril 2018.[2] American Society of Clinical Oncology, Clinical Cancer Advances 2018, janvier 2018.