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La constipation concerne peu ou prou 15% de notre population. Elle est définie selon les critères de Rome II, par une émission de selles inférieure à deux fois par semaine. "Toutefois, les patients se considèrent comme constipés parce que la consistance de leurs selles n'est pas satisfaisante, alors qu'ils ont plus de deux émissions par semaine", explique le Pr André Van Gossum. "Lorsqu'un patient se plaint de constipation en consultation, il faut poser les questions adéquates afin de s'assurer que l'on est réellement face à ce problème."Questions de constipationLa première question est de savoir si ce symptôme est d'apparition récente ou est plus chronique. "Il faudra aussi s'intéresser au fait de savoir si le transit intestinal est plutôt lent chez ce patient ou si ce dernier éprouve des difficultés d'exonération. Dans ce dernier cas, il s'agit d'une constipation terminale qui est davantage un trouble de dyskinésie ano-rectale, dont la prise en charge est tout à fait différente d'une constipation classique." Par ailleurs, il est très important de savoir si ces troubles s'accompagnent d'une perte de poids, d'une perte d'appétit et de la présence de sang dans les selles. "Les antécédents chirurgicaux digestifs et gynécologiques peuvent aussi être une cause d'un ralentissement du transit."Après ces questions de base, il faudra ajouter également celles concernant les mesures que le patient aurait déjà éventuellement prises pour lutter contre sa constipation et le questionner sur les médicaments qu'il prend par ailleurs. "On sait que certains analgésiques, les anticholinergiques, les antidépresseurs, certains antihypertenseurs, etc. peuvent participer à la constipation. C'est ainsi que l'on pourra exclure une origine médicamenteuse. Dans le même temps, on lui demandera s'il n'a pas pris de manière abusive des laxatifs, auquel cas on serait face à une colite aux laxatifs", précise le spécialiste bruxellois. Un sujet encore tabou...A contrario, si le patient se plaint de douleurs abdominales ou de ballonnements, il sera nécessaire de l'interroger au sujet de son transit intestinal, car pour certains, cela reste un sujet tabou qu'ils n'évoquent pas spontanément... "Il est important de se rappeler aussi qu'il existe certains facteurs de risque qui peuvent expliquer la constipation, outre la prise de médicaments, l'inactivité physique, le type d'alimentation et la déshydratation. Par ailleurs, dans 70% des cas, ce sont les femmes qui se plaignent de constipation, d'où l'intérêt, au moment de l'interrogatoire, de savoir si elles ont subi des traumatismes au niveau du plancher pelvien lors d'un accouchement par exemple."Il faudra vérifier aussi si la constipation ne constitue pas le signe d'une pathologie organique sous-jacente. Or, elles peuvent être multiples. "Parmi ces pathologies, les plus fréquentes sont probablement le diabète et l'hypothyroïdie. C'est l'ensemble du tableau clinique qui devra y faire penser. Rappelons l'importance dans ce contexte, de la maladie de Parkinson ou de la sclérose en plaques, qui normalement seront bien connues. Enfin, le cancer colorectal, même sans autre signe d'appel, peut lui aussi être évoqué. La présence d'une fissure anale peut aussi entrainer une constipation, l'inverse étant également vrai. Le toucher rectal fait également partie de l'évaluation qui pourra mettre en évidence une fissure, des hémorroïdes, un rectocèle ou une masse pouvant évoquer un fécalome."A partir de ces examens de base, il faudra peut-être recourir à d'autres examens. (voir encadré)Ne pas surtraiterConcernant les traitements, ils devront être évoqués avec prudence. "Dans 40% des cas, il faudra surtout rassurer le patient et ne pas le traiter par laxatifs. Ensuite le traitement causal, quand il est possible, sera l'autre mesure essentielle : augmenter l'hydratation, l'exercice physique et accroitre prudemment la prise de fibres alimentaires."De nombreux laxatifs sont disponibles sur le marché. "Les laxatifs de lest, les lubrifiants, les laxatifs osmotiques et ceux de contact sont disponibles. Bien souvent si l'on a affaire à un constipé chronique, ce dernier aura déjà 'tout' pris. Il faut donc évoquer ce qu'il a déjà tenté et déterminer et si le traitement a été suivi correctement. Personnellement, j'évite de prescrire en première intention des laxatifs stimulants, qui peuvent provoquer des pertes électrolytiques. Les laxatifs de lest de type mucilage, son, etc. doivent être accompagnés d'une bonne hydratation. Cependant, cela ne sera peut-être pas toléré par tous les patients. Il faut les avertir de commencer par de petites doses. En cas de côlon spastique, ce n'est peut-être pas le psyllium qu'il faut conseiller. En revanche, dans ce cas, les laxatifs osmotiques sont utiles surtout chez les personnes âgées. Les lubrifiants sont intéressants, mais doivent être utilisés avec prudence chez les personnes âgées car il existe un risque de fausse route et de pneumopathie huileuse associée. Par ailleurs, ils peuvent être associés à une perte de vitamines liposolubles", précise A Van Gossum. Chez les patients présentant des troubles d'exonération, il existe aussi une place pour toutes les techniques de rééducation pelvienne et notamment celles utilisant le biofeedback, car les laxatifs sont globalement inefficaces chez ces patients. "Le rôle du médecin généraliste est majeur ! Nous, en tant que gastroentérologues, nous voyons des patients constipés, mais en seconde ligne. En revanche, le médecin généraliste peut aider le patient très rapidement et de manière très efficace sans nécessiter, le plus souvent, d'examens complémentaires, simplement en posant les questions correctes", conclut André Van Gossum.Quid des examens complémentaires ?Parmi les examens complémentaires à demander au besoin, le Pr André Van Gossum évoque volontiers une prise de sang notamment pour mettre en lumière un trouble thyroïdien éventuel. En fonction de l'âge du patient, on peut demander une coloscopie ou une rectosigmoïdoscopie. Si on a l'impression qu'il s'agit plutôt d'une constipation terminale, il est très souvent recommandé de réaliser un temps de transit colique grâce à des pellets radiologiques. Puis on demande un abdomen à blanc au jour 4, puis au jour 7 et on examinera si des pellets sont encore visibles au jour 10. On verra alors la distribution des pellets ce qui permettra de lui montrer concrètement s'il est ou non constipé. Si les pellets se sont accumulés au niveau rectal, il faudra évoquer une dyskinésie anorectale. Dans ce cas, il faudrait demander une manométrie anorectale avec un test d'expulsion du ballonnet, ce qui donne une idée sur la tolérance des sphincters et leur tonicité. S'il y a une anomalie, il est possible de réaliser une défécographie, au cours de laquelle le radiologue, après injection de produit de contraste, demande au patient de réaliser une exonération ; des clichés sont pris à ce moment. Ceci permet de mieux voir l'anatomie et la position des angles. "Il s'agit d'un examen qui n'est probablement pas assez demandé...", précise A. Van Gossum.