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Charge virale élevée: une situation peu explorée Plusieurs grands essais cliniques ont démontrés des différences de réponse aux antiviraux en fonction de la charge virale initiale, notamment des études sur la rilpivirine et l'abacavir. C'est ainsi que la rilpivirine n'a été autorisée que chez les personnes dont la charge virale initiale est inférieure à 100.000 copies/ml (Molina JH et al. sur base des études ECHO et THRIVE).Le taux de personnes initiant un traitement ARV avec une charge virale élevée (> 100.000 copies/ml) n'est pas très clair. Aux Etats-Unis, ce taux est estimé entre 19% et 44% selon les études sur lesquelles on se base. Ce taux semble aussi plus élevé chez les personnes présentant un nombre initial de cellules CD4 bas et/ou pris en charge tardivement.Le manque d'études comparatives sur les agents antirétroviraux couramment prescrits dans le cas particulier de personnes à charge virale initiale très élevée fait qu'on ignore s'il existe de réelles différences en terme d'efficacité virologique entre antirétroviraux de première intention. Ces données sont pourtant capitales car l'échec thérapeutique chez des personnes à charge virale initiale élevée peut augmenter d'avantage le risque de résistance aux médicaments par rapport à un échec thérapeutique survenant chez des patients dont la charge virale est plus faible, < 100.000 copies/ml. De plus, un échec thérapeutique peut entraîner une progression de la maladie chez ces patients à charge virale élevée.Une étude en condition de pratique quotidienne Pour enfin mettre à jour ces différences entre agents ARV et, surtout, en conditions réelles, les investigateurs de la cohorte OPERA ont évalué le risque d'échec virologique chez les personnes qui ont initié un traitement avec l'un des 4 agents antirétroviraux recommandés pour le traitement de première intention entre 2013 et 2017: les inhibiteurs de l'intégrase, dolutégravir - elvitégravir boosté par le cobicistat - raltégravir, et l'inhibiteur de protéase darunavir. Au cours de cette période, 6.223 personnes ont initié un traitement avec l'un de ces agents. Parmi elle, 1/3, soit 2.038 participants, présentaient une charge virale supérieure à 100.000 copies /ml. Un schéma thérapeutique comprenant dolutégravir (36%) ou elvitégravir (46%) était plus fréquent qu'un schéma thérapeutique contenant darunavir (16%) ou raltégravir (2%). Le critère d'évaluation principal était la survenue d'un échec virologique défini, soit comme un échec à atteindre une charge virale inférieure à 200 copies/ml à 36 semaines de suivi, soit un rebond viral supérieur à 200 copies /ml après avoir atteint une charge virale indétectable < 50 copies/ml dans les 36 semaines de suivi. Les investigateurs ont aussi évalué le taux d'arrêt de l'agent principal pour quelque raison que ce soit.Avant de passer au chapitre des résultats, il est important de noter quelques différences significatives au sein de la population de l'étude afin d'évaluer les résultats obtenus à leur juste valeur.Ainsi, par rapport aux personnes ayant initié un traitement centré sur le dolutégravir, celles sous darunavir étaient plus âgées et plus susceptibles d'être d'origine Afro-américaine, de dépendre du système d'assurance Medicare, de présenter un nombre peu élevé de cellules CD4 et d'avoir une charge initiale supérieure à 500.000 copies/ml. Les personnes sous raltégravir, un groupe très restreint, étaient plus susceptibles d'être une femme et d'avoir un nombre bas de CD4.Arrêt du traitement lucSur une période de suivi médian de 18 mois, on constate un taux élevé d'abandons thérapeutiques: 80% pour le raltégravir, 54% pour le darunavir, 41% pour l'elvitégravir et 32% pour le dolutégravir.Efficacité virologique Les personnes prenant le dolutégravir étaient significativement (p< 0,001) plus susceptibles d'obtenir une suppression virale que les personnes soumises à un schéma thérapeutique basé sur les autres agents ARV: 86% pour le dolutégravir, 82% pour l'elvitégravir, 63% pour le raltégravir et 60% pour le darunavir.Notons que les rebonds viraux après suppression étaient rares. Dans la plupart des cas, l'échec virologique était la conséquence d'un échec de suppression virale après initiation du traitement.Après ajustement pour les facteurs démographiques et ceux liés au VIH, y compris la charge virale initiale, l'année de début du traitement et la couverture d'assurance (une constante importante dans un essai US), on constate que, par rapport aux personnes à charge virale élevée ayant initié un traitement par dolutégravir, ceux prenant de l'elvitégravir présentaient un risque augmenté de 46% de connaître un échec virologique.Ceux sous darunavir étaient deux fois plus susceptibles de connaître un échec virologique et ceux sous raltégravir quatre fois plus susceptibles d'échec. Cependant, en raison du petit nombre de personnes prenant du raltégravir, cette estimation du risque d'échec virologique est particulièrement incertaine.Dolutégravir: confirmation en conditions réelles pour les charges initiales élevéesPour les investigateurs, les présents résultats obtenus sur base de l'analyse des données fournies par la cohorte OPERA viennent confirmer, et cette fois en conditions réelles, les résultats de la méta-analyse de sept essais cliniques publiés en septembre 2019 par Mario Cruciani laquelle montrait que les personnes initiant un traitement ARV basé sur le dolutégravir avaient une plus grande probabilité de suppression virale que les personnes prenant d'autres antirétroviraux de première intention, en particulier si elles avaient une charge virale initiale élevée. Ils ajoutent que d'avantage de données sont nécessaires concernant l'efficacité de nouvelles molécules ARV telles que le bictégravir et autres classes chez les personnes à charge virale très élevée afin que les praticiens puissent juger en toute connaissance de cause quel traitement initial recommandé est susceptible d'être plus efficace pour la prise en charge de cette population particulièrement à risque.Réf: Mills AM et al. Open Forum Infectious Diseases, août 2021, accès libre sur le site de la revue.