...

A ce jour, un seul sujet amputé a été testé. Il s'agit du Danois Aabo Sørensen qui s'est porté volontaire pour le développement de ces nouvelles technologies. Bientôt quadragénaire, il a perdu sa main gauche dans un accident domestique il y a un peu plus de dix ans. Il avait déjà participé à une étude (1) dont les résultats ont été publiés en février 2014. Une prothèse de main expérimentale reliée par des électrodes aux nerfs périphériques de son moignon lui avait permis de sentir la forme et la consistance des objets qu'il saisissait et ainsi moduler la force de sa préhension. Dans la nouvelle publication (2), les chercheurs suisses et italiens, sous la direction du Pr Silvestro Micera, ont atteint un niveau supérieur de résolution tactile. Une expérience encore plus riche en émotions pour Sørensen puisqu'il a pu distinguer avec une précision de 96% des surfaces rugueuses et lisses lors de tests réalisés à l'aveugle, les yeux bandés et avec un casque sur les oreilles pour ne pas être influencé. Dans le moignon du Danois, les nerfs du système dit " périphérique " sont connectés à un bout de doigt artificiel en silicone équipé de capteurs. Une machine contrôle les mouvements du bout de doigt bionique sur différents morceaux de plastique sur lesquels des lignes lisses ou rugueuses sont gravées. Lorsque le bout de doigt se déplace sur la texture du plastique, les capteurs génèrent un signal électrique. Ce signal a été traduit en une série de pics électriques imitant le langage du système nerveux, puis dirigé vers les nerfs. Le même dispositif a été testé sur quatre personnes non-amputées mais cette fois-ci avec de fines aiguilles contenant des micro-électrodes métalliques implantées temporairement dans le nerf médian de leur bras, à travers la peau. Ces personnes ont été capables de distinguer la rugosité d'une texture dans 77% des cas. En comparant, grâce à l'électroencéphalogramme, l'activité électrique du cerveau de personnes non amputées utilisant leur doigt pour sentir une texture à celle produite par le doigt bionique, les auteurs de cette étude ont constaté une similitude au niveau des régions cérébrales stimulées. Cela signifie que l'information tactile provenant du doigt bionique ressemble vraiment au toucher d'un doigt réel mais aussi que les travaux sur le toucher via des prothèses peuvent être menés avec des personnes valides puis être répliqués sur des personnes amputées. Voilà qui devrait donner un coup d'accélérateur aux recherches dans ce domaine. Pour autant, il ne faut pas s'attendre à voir une telle prothèse bionique fonctionnelle avant plusieurs années.