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L'anosmie est un symptôme fréquent et souvent unique du Covid-19. Environ la moitié des patients atteints subissent une perte d'odorat, sans qu'on sache pourquoi. Dans la plupart des cas, le phénomène est temporaire, mais quelque 5% des personnes touchées souffrent d'une diminution de l'odorat pendant une longue période.Pour étudier comment le virus conduit au dysfonctionnement olfactif, des chercheurs belges de l'UZ Leuven et de l'AZ Sint-Jan Brugge-Oostende, en collaboration avec l'unité de recherche allemande Max Planck pour la neurogénétique à Francfort, et des experts américains du NanoString Technologies, à Seattle, ont développé une procédure chirurgicale post-mortem au chevet du patient pour prélever par endoscopie des échantillons des muqueuses respiratoire et olfactive et des bulbes olfactifs dans le cerveau. C'est la première fois que cette technique, qui est normalement utilisée pour la chirurgie de la base du crâne, sert à des fins de recherche. Les prélèvements par le nez ont été effectués sur 70 patients décédés quelques jours après l'infection par le SARS-CoV-2 et 15 patients témoins. Quant aux échantillons de tissus, ils ont été examinés à l'aide de techniques innovantes basées sur l'ARN et la coloration des anticorps."Tous nos échantillons étaient utilisables pour l'analyse, ce qui est très exceptionnel dans les études post-mortem," explique le Pr Laura Van Gerven, spécialiste ORL à l'UZ Leuven. "Une grande partie des patients sont malheureusement décédés peu de temps après leur diagnostic. En conséquence, nous avons pu attraper le virus 'en flagrant délit', alors que de nombreuses nouvelles particules virales étaient encore produites dans la muqueuse olfactive."Les scientifiques ont découvert que le virus infecte les cellules de soutien de la muqueuse olfactive et les cellules des cils de la muqueuse respiratoire, mais pas les cellules nerveuses des récepteurs d'odeurs. Le centre de traitement des odeurs du cerveau a également été épargné. Ainsi, le SARS-CoV-2 ne semble pas être un virus neurotrope. Dans quelques cas, le virus était présent dans les méninges, mais la cause et les conséquences possibles sont encore inconnues.Cette découverte peut expliquer pourquoi les gens ne perdent souvent que temporairement l'odorat après une infection au coronavirus. "L'infection des cellules de soutien provoque probablement indirectement un dysfonctionnement de la muqueuse olfactive, et donc une diminution de l'odorat," précise le Dr Peter Mombaerts. "Mais notre corps fabrique constamment de nouvelles cellules de soutien."C'est donc une bonne nouvelle. Cela signifie que la perte de l'odorat peut être récupérée. Si les cellules nerveuses étaient touchées, ce serait beaucoup plus difficile.L'étude clinique se poursuit. Les chercheurs veulent en apprendre plus sur l'infection des cellules de soutien et savoir pourquoi la perte de l'odorat ne se rétablit pas complètement chez certains patients. À long terme, cela pourrait aider au développement de médicaments contre la perte d'odeurs qui est également courante dans d'autres maladies virales, telles que la grippe.(référence : Cell, 3 novembre 2021, doi : 10.1016/j.cell.2021.10.027)