...

Légende : M. Van Hoost, l'auteur de ces esquisses, a tracé les lignes du carnet de voyage, cadeau de remerciement au personnel qui s'est vu balloté de salles en salles entre les différentes étapes de la reconstruction de St-Pierre.Lits pour tuberculeux long staying, salles dévolues à l'informatique, centre de formation à la chirurgie mini-invasive... Les chantiers sont encore visibles au CHU St-Pierre. Englué dans Bruxelles, l'hôpital est devenu, au fur et à mesure des années, une véritable ville dans la ville.Cette condition limite peut-être l'hôpital par la taille, mais c'est sans compter l'agilité de l'hôpital, véritable être vivant. " Il faut oublier les murs ", explique Patrice Buyck. " Ce qui compte vraiment, ce sont les lieux où l'on soigne les patients. Il faut que les murs s'adaptent aux soins. C'est notre philosophie depuis toujours. "Cette philosophie implique une flexibilité et une résistance au stress à toute épreuve. " Il est arrivé que l'on change les plans en cours de route, ce qui ne se passe pas nécessairement dans les autres hôpitaux ", admet la directrice générale. " Si l'on exécute un cahier de charge à la lettre, on s'expose à la limite des murs car les soins changent en fonction de la technologie, du financement, des besoins sociétaux. Un hôpital est un organisme vivant. Malheureusement, les murs sont solides et il faut s'y adapter. Mais ici, on essaye de faire l'inverse. Ce n'est pas facile. Nos équipes deviennent dingues, parce qu'en termes de budget, de finition, d'architecte, c'est complexe ! "La philosophie actuelle de Maggie De Block a pour objectifs de transformer les hôpitaux en sites aigus et d'augmenter les visites à domicile, avec un patient qui sort des murs de l'hôpital. Partant de ce principe, Il faut inventer d'autres structures de prise en charge puisque l'hôpital est un environnement extrêmement couteux. De Facto, moduler la prise en charge du patient a beaucoup d'influence sur l'institution. " Maggie De Block veut également diminuer le nombre de lits ", ajoute Patrice Buyck. " Nous avons aujourd'hui un certain nombre d'unités d'hospitalisation qui seront peut-être converties demain en espaces ambulatoires, en hôtels de soins, en quartiers opératoires one day. Tout ça demande une grande qualité d'adaptation, surtout compte tenu le flux de patients. "La prise de risques caractérise St-Pierre. " On n'a pas peur de prendre des risques dans le changement ", avoue volontiers la directrice. " La population change très vite. Et il faut répondre à ses besoins."L'hôpital a cette caractéristique dans ses gènes. " St-Pierre n'est pas né de nulle part : la solidarité est son ADN depuis ses prémices ", explique Patrice Buyck. " Le rôle de l'hôpital a toujours été de s'adapter aux besoins de la population. " L'institution existait bien avant le Royaume et a connu une évolution constante depuis la léproserie du XIème siècle à nos jours où le CHU regroupe pratiquement toutes les disciplines. " Est-ce que dans le futur on va les garder ? Je n'en sais rien. Mais ça ne nous fait pas peur. C'est l'évolution. "Une page de l'histoire de l'hôpital est effectivement écrite, mais ce n'est pas encore la fin du livre. Il y a déjà des chantiers auxquels il faut penser. C'est notamment le cas des urgences pédiatriques, du cube servant à l'accueil. " À la fête organisé pour les 25 ans, je n'osais pas dire que nous étions déjà occupés à réfléchir autrement ! " explique la directrice générale, laissant échapper quelques rires. " C'est pour ça que nous parlons d'un carnet de voyage. Ce voyage n'est pas terminé. "Laurent Zanella" Financièrement, il faudra déjà survivre aux mesures que le gouvernement nous impose d'une manière assez brutale ", explique Patrice Buyck. " Comment va-t-on répondre à cette volonté de définir l'hôpital principalement comme étant un lieu de prise en charge aigüe ? Cela va changer le rythme de l'hôpital. " L'institution, comme d'autres, doit déjà songer à l'évolution du trajet patient qui en découle. À cette fin, il faut également préparer le personnel qui doit changer sa manière de travailler, s'adapter à une autre manière de soigner. Et qui doit se mettre beaucoup plus en contact avec le monde extérieur, pour partager son expertise. Il y aura de ce fait un plus grand lien entre l'hôpital et la première ligne voire la deuxième ligne. " Est-ce que l'hôpital est considéré comme la deuxième ou la troisième ligne ? Cela peut évoluer également. Les frontières deviennent de plus en plus floues ", note la directrice générale.À St-Pierre, les patients ont un profil plutôt social. Pour survivre, le CHU devra également chercher un autre profil de patients. " St-Pierre ne doit être qu'un hôpital social ",accepte Patrice Buyck. " On doit absolument sortir de cette unique image pour faire connaître l'institution sous un autre angle. Grâce à la reconstruction, nous sommes désormais armés d'une offre de soins complète."Il reste que cette patientèle pourrait craindre de se rendre dans un hôpital où se retrouvent des pathologies que l'on ne rencontre pas forcément dans d'autres hôpitaux. Mais Patrice Buyck a trouvé la parade. " Ma réponse est de dire que l'on est plus attentif à la sécurité qu'un autre hôpital. On l'a remarqué clairement avec Ebola. Nous savons de quoi nous parlons. Nous avons réalisé un travail préparatoire de six mois - et je n'exagère pas - six mois pour savoir comment nous allions prendre en charge une telle maladie. Cela veut dire que quand un patient entre dans l'hôpital, nous appliquons une série de mesures de sécurité. Cette spécificité de l'hôpital nous rend plus conscients des risques à l'égard du personnel qu'un autre hôpital. "" La population et les problèmes sociétaux entrent dans nos murs. Peut-être un peu trop ", reconnait la directrice générale. Au vu des événements qui ont entaché ces deux dernières années, l'accessibilité doit donc être repensée. " Avant, l'hôpital St-Pierre était accessible au sens étendu du terme. Il était accessible aux patients, aux collaborateurs, à tout le monde, même aux personnes qui n'étaient pas malades. C'est notamment le cas des SDF auxquels l'hôpital ouvrait ses portes. Aujourd'hui, on ne sait plus se permettre cela. "Heureusement, entre temps d'autres structures se sont mises en place. En cas de crise, évidemment, l'hôpital reste ouvert aux plus démunis. Mais St-Pierre sait maintenant se replier lors des phases IV caractérisant les heures qui suivent un attentat. " Il y a cinq ans, on ne réfléchissait pas comme ça. Maintenant, cette accessibilité va se réfléchir en fonction des dangers sociétaux. Je ne m'imaginais pas cela possible, mais on est obligé de s'adapter", regrette Patrice Buyck.L.Z.