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"Le choix d'un tel financement est lié aux priorités et aux politiques de chaque pays, il n'est (donc) pas possible de transposer telle quelle une méthode de financement étrangère au système belge. Il faut donc d'abord poser des choix politiques nécessaires ", avance le KCE. Il recommande de commencer par une étude " proof of concept " consistant à développer un financement tenant compte de la variabilité, par exemple pour la prise en charge de l'AVC, pour laquelle un modèle organisationnel a déjà été choisi par les autorités.Dans son rapport, le KCE souligne qu'il n'est pas possible de prédire avec précision, sur la seule base du diagnostic, le coût des soins pour tous les patients. "Par exemple, certains patients souffrent d'une affection relativement simple, mais leurs soins sont imprévisibles - et donc hautement variables - en raison de leur âge, d'un diabète ou de problèmes cardiaques concomitants. Ces patients devront donc recevoir des soins supplémentaires éventuellement coûteux, pour lesquels le financement standard ne suffirait pas. Pour être correct, il faut donc tenir compte de cette variabilité dite "justifiée", faute de quoi les hôpitaux ne recevraient pas un financement suffisant pour un grand nombre de patients." Ce que craignent d'ailleurs certaines institutions depuis le lancement de la réforme du financement (lire jdM N°2538).Le KCE note que la variabilité n'est pas toujours justifiée, comme par exemple lorsqu'elle résulte de différences dans les pratiques des soins qui ne sont pas cliniquement étayées.Répondant à la demande ministérielle, le KCE a étudié les systèmes de financement du Danemark, de l'Angleterre, de l'Estonie, de la France, de l'Allemagne et des États-Unis (Medicare). "Tous ces pays excluent certains éléments du financement standard pour les rembourser séparément. On peut " exclure " de la sorte certaines catégories de patients (par exemple, les grands brûlés), certains produits (par exemple, les médicaments onéreux), certains hôpitaux spécialisés, (par exemple, les hôpitaux pédiatriques spécialisés) et aussi les patients qui génèrent des coûts significativement plus/moins élevés que la moyenne (appelés " outliers "). Cependant, tous ces pays déterminent les éléments à exclure et la manière de les financer de façons très différentes, essentiellement en fonction de leurs impacts possibles sur le système de santé et des priorités sociétales, par exemple l'efficacité et la qualité des soins. "Le centre fédéral note que le choix du financement des soins à haute variabilité peut également venir en soutien de réformes de l'organisation des soins. "Par exemple, certains pays excluent les soins complexes pour encourager leur concentration dans des centres spécialisés (qui reçoivent alors un financement spécifique). Ceci fait également partie du plan de la ministre."En raison de la diversité des systèmes existants, le KCE estime qu'il n'est pas possible de formuler des recommandations concrètes à l'intention des décideurs politiques belges. D'autant plus, que le plan d'approche de la ministre a déjà défini un certain nombre d'orientations (par exemple, davantage de transparence dans le système de financement, la concentration de soins de santé complexes et coûteux, etc.). "Il faut maintenant prendre des décisions politiques, qui devront être soutenues par le financement, comme dans les autres pays ", recommande le Centre d'expertise.Dans ce rapport, le KCE conseille de revoir le système de classification belge des patients en fonction de groupes de pathologies (APR-DRG ou All Patient Refined- Diagnosis Related Groups) et de sévérité de la maladie, qui sert de base au financement des soins hospitaliers. "La critique la plus fréquemment entendue du système APR-DRG belge est qu'il ne reflète pas adéquatement les pratiques cliniques et les différences de coûts. Par exemple, une ré-intervention pour remplacement d'une prothèse de hanche appartient au même APR-DRG qu'une prothèse de hanche primaire ; l'hôpital reçoit donc le même montant, alors que le remplacement est une intervention beaucoup plus complexe et que la durée du séjour est beaucoup plus longue. Une subdivision des APR-DRG afin de permettre différents financements pour un même diagnostic peut constituer une solution à ce problème."Et de recommander aussi de mettre en place un enregistrement des coûts par patient. " À l'heure actuelle, les hôpitaux belges ne sont pas tenus de calculer les coûts de chaque patient individuel. Pourtant, dans les autres pays, c'est sur la base de ces données que l'on détermine la variabilité des soins par groupe de patients et que le financement est ajusté."En l'absence d'un enregistrement national des coûts, le KCE dispose de deux possibilités pour commencer à cartographier les coûts : utiliser les coûts calculés, sur une base volontaire, par un certain nombre d'hôpitaux, ou utiliser les résultats d'une étude récente (non encore publiée) sur le " démêlage du BMF " dans un certain nombre d'hôpitaux, demandée par la ministre. Le KCE préconise de renforcer, au sein des institutions gouvernementales déjà existantes, une équipe en charge du recueil, de l'analyse et du contrôle des données nécessaires, ainsi que du suivi et de la gestion du système de financement.Une fois les choix politiques posés, les auteurs du rapport (302B) - Victor Stephani, Wilm Quentin, Koen Van den Heede, Carine Van de Voorde et Alexander Geissler - considèrent qu'il sera nécessaire d'effectuer des analyses et des simulations (par exemple, pour savoir pourquoi il existe une grande variabilité entre hôpitaux pour certaines admissions, pour calculer l'impact budgétaire pour les hôpitaux et le gouvernement, etc.). Le KCE a encore du travail. V.C.