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Selon le journal Le Soir, le nombre de généralistes francophones pourrait diminuer de moitié d'ici 20 ans. Le grand quotidien a bien choisi son timing pour sortir son enquête, à 5 jours de la première édition de l'examen d'entrée prévue ce 8 septembre. Le Comité Inter Universitaire des Etudiants en Médecine (Cium) constate l'immobilisme des politiques face à une situation aberrante pointée du doigt depuis plusieurs années. "Le Soir vient en effet ajouter les résultats de son enquête à une longue liste de mises en garde déjà formulées par le CIUM et plusieurs instances du secteur de la santé citées dans l'article (Revue médicale de Bruxelles, rapport du Centre fédéral d'expertise des soins de santé, Yvon Englert, doyen de la faculté de médecine de l'ULB). Selon le quotidien, la Belgique francophone perdrait 48,64% de sa force de travail actuelle en médecins généralistes d'ici 2037."Se basant sur l'étude Deliège 2015, le CIUM prévoit un scénario pire encore : "d'ici 2025 en Belgique francophone, seuls 43% des médecins partant à la pension seront remplacés, soit moins d'un médecin sur deux... Si on abolit toute forme de sélection! Avec un filtre, on passe sous le seuil des 30%. La pénurie existe déjà aujourd'hui et n'est que partiellement compensée par l'importation massive de médecins étrangers. Surréaliste quand on sait que quelque 400 étudiants reçus-collés se voient obligés de réussir l'examen d'entrée pour passer en 2e année..."Le CIUM réitère sa demande de fixer les quotas fédéraux en adéquation avec les réalités des soins de santé en Belgique. Ecolo appelle, depuis plusieurs années déjà, à la suppression des quotas Inami et à leur remplacement par une planification alternative de l'offre de soins, afin de corriger l'inadéquation entre l'offre et les besoins de la population. Le parti vert a déposé une résolution en ce sens au parlement. "Il n'y a pas de répartition équilibrée entre les zones territoriales du pays, entre villes et communes rurales, entre les différents quartiers des grandes villes ; et il manque une complémentarité entre la première ligne de soins de proximité et les soins spécialisés en structures hospitalières, constatent les Verts. Les hôpitaux eux-mêmes ont des difficultés à recruter ou à conserver dans leurs services certaines disciplines de spécialistes tandis qu'on observe des surconsommations d'actes techniques dans d'autres disciplines." "Je plaide auprès de la ministre de la Santé pour que la commission de planification intègre les observations des acteurs de terrains dans son évaluation des besoins en offre médicale mais le refus est systématique...", regrette la députée fédérale Ecolo Muriel Gerkens. "Pourtant l'obstination aveugle et abusive des 'preuves scientifiques et mathématiques' ne peut supporter la confrontation aux chiffres commune par commune." La députée dénonce, par ailleurs, le refus de la ministre de la Santé de donner les chiffres réels relatifs au nombre de généralistes commune par commune en fonction de leurs tranches d'âge.Les Verts insistent particulièrement sur la mise en place d'une méthodologie collaborative et participative entre les acteurs des soins de santé et d'aides aux personnes dans les différents bassins de soin, afin d'évaluer si les besoins sont rencontrés ou non sur un même territoire. Pour Ecolo, c'est le résultat de ce travail qui doit servir de base à la commission nationale de planification et aux ministres régionaux pour déterminer le nombre et les qualifications des médecins qui seront nécessaires pour couvrir ces besoins. "Il est impossible d'organiser une politique de santé conforme aux exigences de qualité, d'accessibilité et d'équité en s'obstinant dans le système actuel. L'approche par bassins de soin permet une meilleure répartition et plus de complémentarité dans les offres. Sachant qu'il faut au moins 10 à 15 ans pour former un médecin, l'inertie répétée du gouvernement fédéral sacrifie non seulement toute une génération d'étudiants mais met à mal une politique de santé publique adaptée aux besoins. Il est grand temps que le gouvernement prenne ses responsabilités", conclut Muriel Gerkens.Le cdH réclame, lui aussi, une autre approche. "Il y a quelques mois, alors que la Commission de planification de l'offre médicale avait démontré la nécessité de 607 numéros Inami annuels pour les médecins francophones diplômés de 2023 à 2026, le gouvernement a mis en place un lissage négatif qui aboutit à seulement 505 numéros Inami francophones pour les années 2024, 2025 et 2026 (qui sont les années de sortie des étudiants qui commenceront leurs études en 2018, 2019 et 2020), soit 102 médecins en moins chaque année!, rappelle le parti humaniste. Manifestement, les chiffres de la Commission de planification ne plaisaient pas au nord du pays puisque non seulement le gouvernement fédéral a diminué le quota francophone, mais en sus il a décidé d'enlever cette mission à la commission de planification pour le futur." Catherine Fonck, cheffe de groupe dénonce depuis des années cette situation surréaliste. D'autant plus que le nombre de médecins plus âgés, et donc plus proches de la pension, est plus élevé du côté francophone du pays et qu'on est obligé de recruter des médecins étrangers européens, dont certains ne parlent parfois pas une de nos langues nationales ou ont un niveau de qualité d'études inférieure à celle de nos universités.Pour mettre fin à ces situations "ubuesques", Catherine Fonck propose plusieurs pistes : - déterminer le nombre de numéros Inami en fonction des besoins sur base des calculs de la Commission de planification, et pas sur une position idéologico-communautaire comme le gouvernement fédéral l'a fait en 2017 ;- renforcer l'attractivité et faciliter l'exercice de la profession - pour inciter les jeunes médecins à s'installer dans des régions déjà actuellement touchées par des pénuries - pour réformer l'organisation des gardes comme demandé par les acteurs de terrain, les gardes étant une véritable difficulté pour les médecins généralistes dans certaines régions et donc un frein pour s'y installer - mettre en place des systèmes de remplacement des médecins généralistes lors de leurs vacances ou lors de grossesses, par exemple par un pool de médecins généralistes remplaçants et permettre des tandems médecin généraliste-infirmier pour soutenir le médecin généraliste dans le suivi des maladies chroniques et la prise en charge de l'aspect social des patients.- imposer aux médecins étrangers européens des exigences de connaissance d'une de nos langues nationales, primordiale pour la relation patient-médecin, ainsi que des exigences de la qualité de leur formation. Ces exigences sont conformes au droit européen, et peuvent être réalisées par un examen comme d'autres pays européens l'ont d'ailleurs déjà fait."Il est plus qu'urgent de mettre au placard les positionnements communautaires dans l'intérêt des patients et de la qualité de nos soins de santé, et de travailler avec les acteurs de terrain et les entités fédérées pour concrétiser des solutions fortes et durables", conseille la députée-médecin.