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Deux millions de patients fréquentent les urgences chaque année en Belgique. Près de la moitié de ces passages seraient de "fausses urgences ", des " visites inutiles ou inappropriées ", de la " bobologie " qui encombrent les salles d'attente, ralentissent la prise en charge des " vraies urgences " et justifieraient un deuxième front de permanence, orchestré par des généralistes.[1]Cette fréquentation exponentielle des salles d'urgence est un phénomène mondial. Des études internationales montrent cependant que la présence de ces patients a un effet négligeable sur les temps d'attente. L'organisation d'une filière de soins non programmés efficace incombe donc à chaque hôpital : ergonomie et sécurité des locaux, adéquation de l'équipement, ressources humaines qualifiées et suffisantes[2] et délais raisonnables !En Suède, comme en Belgique, l'État finance la plus grande partie des soins. A Stockholm, l'Hôpital Saint Göran, est financé par l'Etat mais géré par une structure privée : le groupe européen Capio, dont le core - business est la santé, et qui a construit sa notoriété sur l'excellence et la qualité des soins, en Suède, en Allemagne, en Norvège et en France et gère aujourd'hui plus de 180 établissements de soins en Europe. Pour les gestionnaires de Capio, soigner bien et efficacement n'empêche pas de réaliser des économies et du profit, au point que le coût moyen du passage aux urgences de Saint Göran est inférieur de 10% à la moyenne nationale.Mais le plus beau succès de l'hôpital, c'est le temps d'attente médian pour voir un médecin : 26 minutes en 2016. Aucun hôpital suédois ne fait mieux ! Les séjours interminables aux services d'urgence y sont anecdotiques ; seulement 1 % dépasse huit heures, contre 7 à 14 % dans les principaux hôpitaux de Stockholm. Il n'existe pas de telles statistiques en Belgique, mais il n'est pas rare que certains séjours dans les urgences de nos hôpitaux, dont l'accessibilité reste réputée, excèdent 24 heures avant un transfert en unité de soins.Le degré élevé de productivité de Saint Göran n'a pas été atteint au détriment des patients, qui évaluent la qualité des soins comparable ou meilleure que celle des autres hôpitaux de Stockholm.La décentralisation de la gestion au profit des départements laisse une latitude décisionnelle à ceux qui sont en contact avec le patient pour gérer au quotidien le fonctionnement de leur unité. L'implication d'équipes multidisciplinaires (binômes médecin - infirmier) semble contribuer à fluidifier cet état de choses.En plus des indicateurs qui proviennent des données centralisées des hôpitaux, Saint Göran réalise au moment de leur départ un recueil systématique de l'opinion de tous les patients. La confrontation régulière de ces statistiques à celles des autres hôpitaux et à la réalité du terrain est un facteur d'émulation interne et d'amélioration continue.Les pouvoirs publics suédois ont fait confiance à l'initiative d'entrepreneurs privés qui, poussés par la nécessité d'un équilibre financier rigoureux et le profit, ne rognent cependant pas sur les moyens mais, au contraire, consacrent leurs efforts à soigner les patients aussi bien et plus vite.En Belgique, près de 40% des institutions hospitalières sont privées et l'accessibilité aux urgences reste une des meilleures d'Europe. Comme à Saint Göran, ceci réfute le mythe selon lequel impliquer le secteur privé dans la prestation des soins mettrait en péril l'accès et la qualité, au détriment des patients. L'expérience de Saint Göran confirme que ce n'est tout simplement pas vrai et qu'il n'y a rien à craindre d'une décentralisation de la gestion des réseaux de soins.En France, pour réduire le temps d'attente, des hôpitaux privés[3] affichent en ligne les délais de prise en charge pour que les patients puissent adapter leur arrivée aux urgences et " lissent " ainsi les pics d'activité. La même information est affichée en salle d'accueil, réduisant sans doute la fréquence des agressions et incivilités, courantes lors des longues attentes. Le délai moyen avoisine les 15 minutes, grâce aussi à une meilleure coordination avec les autres services. Ces hôpitaux ont également instauré une gestion des départements par des binômes médecin-infirmier.Dr Michel Libert[1] Etude des Mutualités Socialistes - avril 2011[2] Pr Franck Verschuren et Frédéric Thys : communiqué de presse en réponse à la publication de l'étude citée en (1)[3] Le Parisien, 16 janvier 2014