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Le médecin généraliste voit quotidiennement des dizaines de lésions présentes sur la peau des patients lorsqu'il les examine. La plupart d'entre elles sont inoffensives mais laissent souvent perplexes. Savons-nous faire le tri ?Le mélanome tue 300 belges par an. Pour l'instant et jusqu'à preuve du contraire, notre seule action pour diminuer sa mortalité est de le diagnostiquer précocement. La dermoscopie a été validée comme un outil permettant à un examinateur formé d'améliorer le diagnostic différentiel des lésions cutanées pigmentées et d'évaluer plus précisément leur malignité. Cet intérêt a également été démontré pour les médecins généralistes.La dermoscopie, un outil utile et praticable en médecine générale ?Le travail a débuté par une recherche de littérature sur l'état de la question du diagnostic du mélanome et l'intérêt de la dermoscopie principalement en médecine générale. En parallèle, j'ai acquis une expérience en dermoscopie pour pouvoir la pratiquer au cabinet en participant à plusieurs formations théoriques et pratiques.A la suite de cela, une " étude pilote " a été réalisée au cabinet " Bleeckx-Aujoulat ". Durant six mois, nous avons testé la faisabilité et l'apport de la dermoscopie au quotidien du généraliste. En consultation, les lésions pigmentées évaluées comme " atypiques " à l'oeil nu étaient examinées au dermoscope. Les patients présentant de nombreux nævus se voyaient proposer une consultation différée pour un examen complet de la peau avec dermoscopie de leurs lésions " atypiques ".Au terme de ces six mois, nous avons demandé l'avis de septante-sept médecins généralistes pour trente lésions douteuses à l'oeil nu que nous avions examinées en dermoscopie. Le but étant de comparer l'apport du dermoscope dans notre prise en charge par rapport à l'examen clinique à l'oeil nu seul du médecin généraliste.Le dermoscope a été un outil facile d'utilisation en consultation. De la taille d'un otoscope, il s'utilise rapidement. Examiner une lésion nous prenait environ moins d'une minute.Durant six mois, nous estimons avoir examiné 366 lésions au dermoscope.Nous avons pu rassurer le patient sur le caractère bénin de sa lésion dans 75 % des cas. Nous avons demandé de suivre leur évolution après 3 mois pour 20 % des lésions. Nous avons décidé d'enlever d'emblée 5 % des lésions soit un nombre de 18. 15 de ces 18 lésions ont effectivement été enlevées. Trois patients n'ont pas pris rendez-vous pour l'exérèse. Parmi ces 15 lésions, 53 % étaient " malignes " dont 3 étaient des mélanomes.L'étude comparative avec l'analyse à l'oeil nu de médecins généralistes montre que nous avons pu rassurer le patient pour 60 % des trente lésions douteuses soit presque quatre fois plus que les médecins généralistes interrogés. L'examen à l'oeil nu a permis aux généralistes de donner le " bon diagnostic " pour un tiers des lésions. Les lésions non-mélanocytaires (kératoses, carcinomes basocellulaires, lésions vasculaires, etc.) ressortent comme étant plus difficiles à diagnostiquer. La dermoscopie est effectivement décrite dans la littérature comme apportant un meilleur diagnostic différentiel de ces lésions.Le dermoscope nous a permis d'identifier avec plus de précision ces lésions cutanées qui nous posaient question et nous a aidés à prendre une décision thérapeutique plus facilement qu'à l'oeil nu. Nous avions plus d'arguments pour rassurer le patient ou pour enlever une lésion. Cet outil nous a donné plus de certitude dans le diagnostic différentiel des lésions cutanées pigmentées et une plus grande aptitude à évaluer leur malignité.Augmentant notre confiance, la dermoscopie a avivé notre attention pour la peau des patients nous permettant d'accorder plus d'importance à certains détails et à y répondre.De plus, grâce au dermoscope, nous avons augmenté notre champ de possibilités au sein du cabinet. Permettant d'aller plus loin dans nos diagnostics dermatologiques et de faire de la petite chirurgie, la dermoscopie enrichit la diversité de la médecine générale qui fait la joie de notre métier.Néanmoins, le généraliste ne pourra négliger la formation théorique et surtout pratique que l'usage de la dermoscopie implique.