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Les Belges sont globalement satisfaits de leurs soins de santé, et notamment de leur grande accessibilité : une offre étoffée, peu de listes d'attente, et une large couverture par l'assurance maladie. Bien sûr, les indicateurs montrent que notre santé et nos soins de santé peuvent encore être améliorés. Mais mener une politique de santé énergique n'est pas chose aisée quand cette politique est surtout basée sur une concertation entre groupes d'intérêts. En effet, chez nous plus que dans les autres pays européens, cette politique se joue à travers d'innombrables commissions où les autorités et les mutualités négocient avec les syndicats de médecins et d'autres prestataires de soins, les associations coupoles des hôpitaux et les lobbyistes de l'industrie médico-pharmaceutique. Plus que dans les autres pays, nous avons donc besoin d'instances qui, en parallèle, peuvent fournir aux décideurs des informations indépendantes et scientifiquement fondées.Heureusement, nous avons deux instances officielles de ce type. La plus vénérable est le Conseil Supérieur de la Santé (CSS) qui existe depuis plus de cent ans et qui livre aux autorités des avis d'experts sur un large éventail de sujets liés à la santé. C'est lui qui, en 2016, avait publié un avis mettant en garde contre les risques du fipronil. L'autre instance d'avis est le Centre fédéral d'Expertise des Soins de Santé (KCE), créé en 2002, à l'exemple des centres d'expertise existant dans d'autres pays. Le rôle du KCE est de mener des études approfondies sur l'organisation des soins de santé et les technologies médicales. Avec ses presque 300 publications, la qualité scientifique et l'indépendance du KCE sont aujourd'hui largement reconnues tant à l'échelle nationale qu'internationale. Ces deux instances, malgré leur taille limitée - ensemble, elles comptent moins d'une centaine de collaborateurs - sont particulièrement productives, chacune publiant en moyenne toutes les deux à trois semaines un nouvel avis, une nouvelle étude.Le gouvernement actuel a décidé de fusionner l'Institut scientifique de Santé publique (ISP, anciennement Institut d'Hygiène et d'Épidémiologie et Institut Pasteur) avec le Centre d'Étude et de Recherches Vétérinaires et Agrochimiques (CERVA) pour former une nouvelle institution scientifique qui reçoit le nom de Sciensano. Les deux institutions avaient en effet des missions et des méthodes de travail fort similaires. La nouvelle institution est placée sous la tutelle d'un conseil d'administration où les représentants du SPF Santé publique et de l'Inami siègent avec ceux de l'Agence pour la Sécurité de la chaîne alimentaire (AFSCA), dont on a largement souligné ces derniers temps qu'ils dépendent du ministre de l'Agriculture. Il est à présent question d'élargir cette méga-fusion au CSS et au KCE, les deux derniers organes d'avis indépendants.Cela ne nous semble pas opportun. Ce que jadis la crise de la dioxine et maintenant la crise des oeufs nous ont appris - mais qui avait aussi été récemment mis en lumière lors du scandale sur la falsification des études sur la toxicité du glyphosate (Roundup R) - est que la protection de la santé des citoyens ne doit pas être amalgamée avec la défense des intérêts du secteur de l'agriculture et de l'industrie agro-alimentaire. La recherche scientifique, qu'elle soit académique ou qu'elle émane des autorités publiques, exige un minimum d'indépendance pour être crédible. Les instances d'avis scientifiques en matière de santé et de soins de santé doivent pouvoir travailler sans liens de dépendance directs vis-à-vis des groupes d'intérêt, des lobbys industriels et des influences politiques. C'est ainsi que cela se passe dans la majorité des pays européens. Sinon, qui osera mettre les pieds dans le plat à la prochaine menace de contamination de notre chaîne alimentaire, au prochain incident avec un médicament ou un vaccin qui s'avérera plus nuisible que prévu ? Ne répétons pas une troisième fois les erreurs du passé, et continuons à garantir au KCE et au CSS cette indépendance, absolument essentielle pour le rôle qu'ils ont à jouer. C'est la seule manière de regagner la confiance du citoyen, pour qui la protection de sa santé et de celle de ses enfants reste la priorité absolue.Bert Aertgeerts (KULeuven), Sophie Alexander (ULB), Frédéric Amant (KULeuven), Sibyl Anthierens (UA), Martine Antoine (ULB), Martine Berliere (UCL), Anne Berquin (UCL), Guy Beuken (UCL), Philippe Beutels (UA), Trinh Xuan Bich (UA), Marc Bogaert (UGent), Jan Bosteels (KULeuven, Editor CGFG Cochrane Collaboration), Roger Bouillon (KULeuven), Ronny Bruffaerts (KULeuven), Frank Buntinx (KULeuven), Michel Candeur (CCREF), Jean-Jacques Cassiman (KULeuven), Marie-Rose Christiaens (KULeuven), Bart Criel (ITG), Jean-François Daisne (UCL), Emmanuel de Becker (UCL), Jan De Maeseneer (UGent), Marc De Meyere (UGent), Myriam De Spiegelaere (ULB), Petra De Sutter (UGent), Philippe de Timary (UCL), Bruno Flamion (FUNDP), Paul Gemmel (UGent), Els Goetghebeur (UGent), Vincent Gregoire (UCL), Piet Hoebeke (Ugent), Eric Legius (KULeuven), Toni Lerut (KULeuven), Alain Leveque (ULB), Liesbeth Lewi (KULeuven), Fabienne Liebens , Yolande Lievens (UGent), Vincent Lorant (UCL), Catharina Mathei (KULeuven), Olivier Michel (ULB), Geert Molenberghs (Uhasselt), Gustave Moonen (ULG), Patrick Neven (KULeuven), Henri Nielens (UCL), Jozef Pacolet (KULeuven), Freddy Penninckx (KULeuven), Dominique Pestiaux (UCL), Bruce Poppe (UGent), Marika Rasschaert (UA), Roy Remmen (UA), Michel Roland (ULB), Pierre Scalliet (UCL), Erik Schokkaert (KULeuven), Jean-Paul Sculier (Bordet), Walter Sermeus (KULeuven), Anne Spinewine (UCL), Guy Storme (VUB), Wiebren Tjalma (UA), Bertrand Tombal (UCL), Anne Uyttebroeck (KULeuven), Peter van Dam (UA), Ann Van de Velde (UA), Anne Van den Bruel (PHC Oxford), Guido Van Hal (UA), Emmy Van Kerkhove (Uhasselt), Carl Van Laer (UA), Alain Van Meerhaeghe (ULB), Jean-Louis Van Overschelde (UCL), Anne Vandenbroucke (CCREF), Christiane Vermeylen (UCL), Hans Wildiers (KULeuven), Sara Willems (UGent), Dirk Ysebaert (UA).