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"L'informatisation n'apporte rien en médecine générale", considère Thierry Marchal, trésorier de cette association. "L'informatique n'est jamais qu'un outil de mémorisation. Nous, les généralistes, avons tous la mémoire de nos patients. Contrairement aux spécialistes, les généralistes voient moins de patients différents. Les spécialistes doivent avoir un support mémoire parce qu'ils rencontrent 5.000 patients différents par an, les généralistes eux voient 500 patients différents dix fois par an."À l'heure des échanges électroniques entre les hôpitaux et les généralistes via les différents réseaux (Abrumet et Réseau santé wallon) n'est-il pas indispensable d'informatiser sa pratique de médecine générale, entre autres, pour recevoir rapidement les rapports des médecins spécialistes? "Je reçois 4 courriers privés par jour, y compris le samedi", répond le Dr Marchal. "Je vois que mes collègues qui sont informatisés reçoivent le même nombre de courriers "papier" et qu'ils doivent engager une secrétaire pour les classer parce qu'ils sont trop occupés à découvrir les messages qu'ils ont reçus dans leurs dossiers électroniques. Le courrier "papier" présente un avantage : le médecin est obligé d'ouvrir les enveloppes et de les lire avant de les classer dans les dossiers. Il est dès lors directement au courant des résultats. À l'inverse, si on ne consulte pas le courrier électronique du patient, on n'est pas au courant." Le généraliste ne perçoit aucune pression de la part de ses confrères spécialistes ou des hôpitaux pour qu'il s'informatise. "Au contraire, j'ai l'impression que tout le monde fait le gros dos en attentant que cela passe. Par rapport à l'e-prescription, certains confrères vont se réveiller fin décembre à la veille de devoir utiliser ce système." Le Dr Marchal ne cache pas que la pression exercée par les autorités pour imposer l'e-prescription au 1er janvier 2018 et, par la force des choses, le DMI l'angoisse. "J'en dors mal... Depuis 40 ans, la médecine générale c'est ma vie. Je suis menacé de ne plus pouvoir l'exercer dans quelques mois parce que je ne veux pas informatiser mes dossiers médicaux Commencer à 60 ans à informatiser à partir de zéro mes dossiers est une mission impossible. Le coup de Jarnac de l'e-prescription c'est pire que tout !"La SSMG avait déjà tiré la sonnette d'alarme dans notre journal (jdM 2479) en craignant "l'exclusion définitive d'une série de médecins du circuit". Et de lister des victimes potentielles de la "marche forcée vers la prescription électronique": les médecins non-informatisés (lire ci-dessus), les retraités ayant diminué mais pas stoppé leurs pratiques, les spécialistes qui prescrivent traditionnellement peu, les prestataires exerçant en institutions publiques ou privées... Les Drs Orban et Van der Schueren, vice-président et secrétaire général de la SSMG, ont d'ailleurs proposé aux autorités de prévoir des solutions techniques (de petits logiciels de prescription) qui soient indépendants d'un logiciel métier labélisé. Une façon de ne pas mettre hors-jeu les médecins qui n'ont pas de DMI. Pour la SSMG, les manoeuvres que nécessite l'e-prescription ont ceci de particulièrement toxique pour la sérénité du médecin généraliste qu'elles se jouent "en live", face au patient et pendant que la salle d'attente se remplit, en devant recourir à des outils d'e-santé encore non aboutis sur lesquels il a peu de prise, ou ne tournant pas aussi rapidement que les démos officielles le laissent penser. "Le fait de perdre du temps, perdre son calme, revenir à ses moutons médicaux après s'être arraché les cheveux sur une application... peut difficilement être considéré comme favorisant la qualité de la prestation. Ce qui est supposé aider le médecin ne peut devenir source d'énervement et de déconcentration et ce, dans l'intérêt même de la sécurité des soins aux patients."