La déclaration reprend différents constats qui se veulent issus du rapport de l'audit des pratiques forfaitaires et qui placent, selon l'auteur, ces pratiques en défaut par rapport au reste de la profession, non auditée, elle. Je ne reprendrais que trois caractéristiques soulevées mais qui sont porteuses de sens quand on s'intéresse à la qualité de soins.

Tout d'abord l'accessibilité des soins. Ainsi, les pratiques forfaitaires, par leurs horaires étroits (" 9 to 5 ") et leurs refus de prendre de nouveaux patients, démontrent une carence d'accessibilité pour les patients. Il faudrait cependant pouvoir s'intéresser à d'autres dimensions de l'accessibilité que celle de la disponibilité horaire : accessibilité culturelle, accessibilité financière, accessibilité d'un paquet de soins minimal de soins pertinent, etc. Pour pouvoir soutenir la comparaison, il serait utile de disposer de l'évaluation actuelle de l'accessibilité de la médecine générale dans ses autres déclinaisons : en milieu urbain, à l'acte, en pratique soliste ou en situation de pénurie de médecin généraliste, etc.

Et enfin, avoir une référence. Avoir la définition de l'accessibilité souhaitable de la médecine générale pour des notions comme la continuité relationnelle (voir le même soignant) ou la continuité informationnelle (mettre à disposition des autres soignants les données significatives du dossier). En regard du vécu et de l'expérience des patients. Et dans une approche globale du système de santé, dans ses différentes composantes pensées comme complémentaire (on sait l'importance déterminante de l'accessibilité de la médecine générale, entre autres, dans le recours à des services des urgences sans lien évident avec la densité de pratique forfaitaire). A l'heure actuelle, les jeunes recrues de la médecine générale ont clairement opté pour un nouvel équilibre entre vie privée et vie professionnelle, différent des standards des années passées et il faudra aussi tenir compte de leur avis dans cette définition.

Il faut sortir de l'opposition clivante entre le médecin solo qui travaille 70 h/s et celui en maison médicale paresseux.

Ensuite le faible nombre de patient attribués par médecin de maison médicale serait une seconde aberration de ce système, en comparaison de pays européens où le nombre de patients attribués par médecin est bien plus élevé. De nouveau sans avoir la donnée comparative dans la population non étudiée. Et sans non plus pouvoir définir de référence, c-à-d le nombre adéquat de patient par médecin pour lequel ce dernier devra assurer des soins de première ligne de qualité, dépassant les soins uniquement curatifs et reprenant la prévention, l'éducation et la promotion à la santé dans un but d'autonomisation du patient face à ses problèmes de santé et sa manière d'y faire face. Des recommandations internationales conseillent ainsi de considérer davantage de temps pour des situations rendues complexes par la multimorbidité ou la précarité socio-économique.

Qualité de l'encadrement

Enfin, la qualité de la formation des jeunes médecins qui est dispensée dans les pratiques forfaitaires atteindrait un niveau bas dangereux. Ce constat se base sur la déduction d'une faible exposition à des patients suite au faible nombre de patient attribués à ces médecins (et non à la pratique de groupe) et d'un manque d'encadrement suffisant suite à la concentration des assistants dans certaines pratiques. Ici encore, les liens entre les données et les conclusions qui en sont faites méritent davantage de prudence. Au-delà de la généralisation de pratique bien réelles (et à encadrer activement), il faut oser questionner l'association entre quantité (de contacts patients) et qualité (de l'apprentissage). La qualité d'un encadrement et d'un apprentissage dépend aussi de la possibilité pour l'assistant de pouvoir discuter avec son maître de stage, de disposer de temps pour échanger, réfléchir, approfondir, digérer, etc. Et ici encore, dans l'audit, nous ne disposons pas de données concernant l'encadrement des assistants dans les autres modalités de pratique de la médecine générale. Au sein des universités, ce type de conclusions et de généralisations sur les conditions d'encadrement sont loin d'être partagées et davantage nuancées.

Sortir d'une vision clivante

En langage scientifique, nous pourrions résumer les défauts de raisonnement par l'absence de groupe contrôle pour pouvoir mener correctement une comparaison et par le fait que les critères de jugement choisis sont intermédiaires et assez éloignés de ce à quoi on veut les rattacher.

Dans cette réflexion, il faut probablement sortir d'une vision clivante et réductrice qui opposerait le spectre du médecin de maison médicale bureaucrate et fainéant au mythe du médecin généraliste à l'ancienne, dévoué 70 h par semaine à ces patients et enseignant, par la force de l'exemple, son art de soigner aux futurs médecins. Comme souvent, la réalité est bien plus nuancée. Les jugements proposés sont ceux d'un autre temps, d'autres vieux combats. Ce débat devrait avoir comme effet secondaire, désirable et nécessaire, de regarder en face le visage réel de la médecine générale sous ces différentes modalités, en osant regarder en face les carences de l'une ou de l'autre et reconnaître les forces de chacune. Car aucune modalité ne peut se targuer d'être exempte de défauts.

Ce qui est nécessaire c'est une référence. C-à-d une définition claire, réfléchie, commune, des fonctions et du rôle que l'on souhaite attribuer à la médecine générale et, mieux, à la 1ère ligne de soins dans notre système de santé. Cela est d'autant plus nécessaire aujourd'hui, face aux défis représentés par le vieillissement de la population, la précarisation croissante et les difficultés d'accès aux soins, le virage ambulatoire et la piste de l'intégration de soins. Et pour cela, nous avons besoin de tout le potentiel créatif et d'ouverture de la médecine générale, et de la 1ère ligne de soins.

PS : Pour être complet, je dois nécessairement déclarer mes conflits d'intérêts : je suis médecin généraliste à temps partiel dans une de ces pratiques forfaitaires auditées, maître de stage et enseignant de médecine générale à l'Université de Liège. Je laisse au lecteur la liberté de juger de l'impact potentiel sur ces lignes.

La déclaration reprend différents constats qui se veulent issus du rapport de l'audit des pratiques forfaitaires et qui placent, selon l'auteur, ces pratiques en défaut par rapport au reste de la profession, non auditée, elle. Je ne reprendrais que trois caractéristiques soulevées mais qui sont porteuses de sens quand on s'intéresse à la qualité de soins.Tout d'abord l'accessibilité des soins. Ainsi, les pratiques forfaitaires, par leurs horaires étroits (" 9 to 5 ") et leurs refus de prendre de nouveaux patients, démontrent une carence d'accessibilité pour les patients. Il faudrait cependant pouvoir s'intéresser à d'autres dimensions de l'accessibilité que celle de la disponibilité horaire : accessibilité culturelle, accessibilité financière, accessibilité d'un paquet de soins minimal de soins pertinent, etc. Pour pouvoir soutenir la comparaison, il serait utile de disposer de l'évaluation actuelle de l'accessibilité de la médecine générale dans ses autres déclinaisons : en milieu urbain, à l'acte, en pratique soliste ou en situation de pénurie de médecin généraliste, etc.Et enfin, avoir une référence. Avoir la définition de l'accessibilité souhaitable de la médecine générale pour des notions comme la continuité relationnelle (voir le même soignant) ou la continuité informationnelle (mettre à disposition des autres soignants les données significatives du dossier). En regard du vécu et de l'expérience des patients. Et dans une approche globale du système de santé, dans ses différentes composantes pensées comme complémentaire (on sait l'importance déterminante de l'accessibilité de la médecine générale, entre autres, dans le recours à des services des urgences sans lien évident avec la densité de pratique forfaitaire). A l'heure actuelle, les jeunes recrues de la médecine générale ont clairement opté pour un nouvel équilibre entre vie privée et vie professionnelle, différent des standards des années passées et il faudra aussi tenir compte de leur avis dans cette définition.Ensuite le faible nombre de patient attribués par médecin de maison médicale serait une seconde aberration de ce système, en comparaison de pays européens où le nombre de patients attribués par médecin est bien plus élevé. De nouveau sans avoir la donnée comparative dans la population non étudiée. Et sans non plus pouvoir définir de référence, c-à-d le nombre adéquat de patient par médecin pour lequel ce dernier devra assurer des soins de première ligne de qualité, dépassant les soins uniquement curatifs et reprenant la prévention, l'éducation et la promotion à la santé dans un but d'autonomisation du patient face à ses problèmes de santé et sa manière d'y faire face. Des recommandations internationales conseillent ainsi de considérer davantage de temps pour des situations rendues complexes par la multimorbidité ou la précarité socio-économique.Enfin, la qualité de la formation des jeunes médecins qui est dispensée dans les pratiques forfaitaires atteindrait un niveau bas dangereux. Ce constat se base sur la déduction d'une faible exposition à des patients suite au faible nombre de patient attribués à ces médecins (et non à la pratique de groupe) et d'un manque d'encadrement suffisant suite à la concentration des assistants dans certaines pratiques. Ici encore, les liens entre les données et les conclusions qui en sont faites méritent davantage de prudence. Au-delà de la généralisation de pratique bien réelles (et à encadrer activement), il faut oser questionner l'association entre quantité (de contacts patients) et qualité (de l'apprentissage). La qualité d'un encadrement et d'un apprentissage dépend aussi de la possibilité pour l'assistant de pouvoir discuter avec son maître de stage, de disposer de temps pour échanger, réfléchir, approfondir, digérer, etc. Et ici encore, dans l'audit, nous ne disposons pas de données concernant l'encadrement des assistants dans les autres modalités de pratique de la médecine générale. Au sein des universités, ce type de conclusions et de généralisations sur les conditions d'encadrement sont loin d'être partagées et davantage nuancées.En langage scientifique, nous pourrions résumer les défauts de raisonnement par l'absence de groupe contrôle pour pouvoir mener correctement une comparaison et par le fait que les critères de jugement choisis sont intermédiaires et assez éloignés de ce à quoi on veut les rattacher.Dans cette réflexion, il faut probablement sortir d'une vision clivante et réductrice qui opposerait le spectre du médecin de maison médicale bureaucrate et fainéant au mythe du médecin généraliste à l'ancienne, dévoué 70 h par semaine à ces patients et enseignant, par la force de l'exemple, son art de soigner aux futurs médecins. Comme souvent, la réalité est bien plus nuancée. Les jugements proposés sont ceux d'un autre temps, d'autres vieux combats. Ce débat devrait avoir comme effet secondaire, désirable et nécessaire, de regarder en face le visage réel de la médecine générale sous ces différentes modalités, en osant regarder en face les carences de l'une ou de l'autre et reconnaître les forces de chacune. Car aucune modalité ne peut se targuer d'être exempte de défauts.Ce qui est nécessaire c'est une référence. C-à-d une définition claire, réfléchie, commune, des fonctions et du rôle que l'on souhaite attribuer à la médecine générale et, mieux, à la 1ère ligne de soins dans notre système de santé. Cela est d'autant plus nécessaire aujourd'hui, face aux défis représentés par le vieillissement de la population, la précarisation croissante et les difficultés d'accès aux soins, le virage ambulatoire et la piste de l'intégration de soins. Et pour cela, nous avons besoin de tout le potentiel créatif et d'ouverture de la médecine générale, et de la 1ère ligne de soins.PS : Pour être complet, je dois nécessairement déclarer mes conflits d'intérêts : je suis médecin généraliste à temps partiel dans une de ces pratiques forfaitaires auditées, maître de stage et enseignant de médecine générale à l'Université de Liège. Je laisse au lecteur la liberté de juger de l'impact potentiel sur ces lignes.