Actualité

Le journal du Médecin : Monsieur le ministre, l'actualité pour commencer, avec l' "affaire Fernelmont". Le Dr Bolly, à l'instar de ses confrères fernelmontois, se demande quelles sont les possibilités de prévention, d'expliquer le risque qu'encourent les femmes et les enfants concernant les pesticides ? L'Aviq est-il capable de rédiger une brochure ? Est-ce son rôle ou celui du Fédéral ?

Maxime Prévot : C'est la compétence de la Wallonie. Il n'y a pas de doute là-dessus. D'autant que les accords de la Sainte-Émilie et la sixième Réforme de l'État confient intégralement les compétences de prévention et de promotion de la Santé à la Région wallonne. C'est bien à nous de la faire. Maintenant, est-ce à l'Aviq ou à la Cellule environnement-santé de le faire ? Ça doit encore être clarifié.

Mais ça me donne l'occasion de vous dire, en écho aux propos du Dr Bolly, combien il a raison, dans ses interpellations, de mettre le focus sur la prévention. Je travaille, depuis plusieurs mois déjà, au grand Plan wallon de prévention et de promotion de la santé, plan que j'aurais souhaité, pour être transparent avec vous, déjà boucler début de cette année-ci. J'ai accumulé un peu de retard parce que les équipes ont été mobilisées notamment sur l'assurance autonomie. Mais je compte le boucler fin de cette année pour présenter au gouvernement les grands axes stratégiques des actions publiques de prévention et de promotion de la santé. Il est évident que parmi ces axes, il y aura tout ce qui concerne les interactions avec l'environnement immédiat.

Avoir un public cible tel que la femme enceinte comme il le suggère, avec l'aide d'une brochure plus spécifique, me paraît certainement être utile. Pas seulement pour les questions relatives aux pesticides, mais aussi pour d'autres éléments connexes qui concernent la santé du foetus ou le développement de celui-ci et qui concerne la santé de la femme enceinte elle-même. Ces informations pourraient être compilées dans une seule et même brochure plus utile, plutôt qu'avoir une information, qui, reconnaissons-le, si elle existe, est encore disparate.

Je voudrais vous faire part de deux chiffres, dont vous avez certainement eu vent via les lettres ouvertes des médecins fernelmontois : une étude de la Société des endocrinologues européens estime le coût des perturbateurs endocriniens à 157 milliards d'euros par an en Europe. Deuxième chiffre : l'Agence nationale française de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) estime que la mauvaise qualité de l'air intérieur coûte de 19 milliards d'euros par an en France. Si l'on applique une règle de 3, cela fait 3,3 milliards par an en Belgique. Alors que, je le rappelle, le Fédéral est à la recherche de 4,2 milliards d'euros pour boucler son budget. La mise en place d'une stratégie de promotion de la santé amènerait donc un pourcentage non négligeable d'économies.

D'où ma question : est-ce que le monde politique a réellement conscience que les expositions environnementales, et surtout les perturbateurs endocriniens, représentent probablement le défi majeur de ces prochaines années? Est-ce qu'ils sont conscients du coût des externalités négatives que cela génère ?

Pour vous répondre en transparence, je n'ai pas la conviction aujourd'hui que le monde politique en général en est conscient. Les femmes et les hommes politiques qui sont sensibles aux questions de santé, de par les documentations parcourues, de par les échanges de terrain, mesurent combien cela devient un élément problématique.

D'autres sont parfois plus sensibles à un phénomène lorsqu'il est monétisé que quand il ne l'est pas. Bien qu'en soi, le problème mérite d'être traité pour des questions de Santé publique.

Le fait de pouvoir y accoler des chiffres comme vous le faites est une manière de mesurer l'ampleur du phénomène et surtout l'importance de pouvoir investir dans ces enjeux de prévention et de promotion de la santé. C'est un axe clé, sur lequel, comme je l'ai dit, je prépare un plan stratégique et je pense que c'est une opportunité qui doit être renforcée à la faveur de la mise sur pied de l'Aviq, qui doit avoir désormais une approche beaucoup plus transversale, poreuse entre les différentes thématiques plutôt qu'une approche en silos, chacun se regardant en chiens de faïence et n'étant attentif qu'au spectre de ses compétences directes. C'est la raison pour laquelle, au sein de l'Aviq, j'ai veillé à créer une commission spécifique, transversale, dédicacée aux questions de prévention et de promotion de la santé.

eSanté

J'ai débloqué 300.000 euros en sus des 210.000 euros de l'Inami pour permettre cette formation des professionnels de la santé, au premier rang desquels, d'abord et avant tout les médecins généralistes.

J'ai remarqué que vous étiez titulaire d'un D.E.S. en droit et gestion des nouvelles technologies de l'information et de la communication à l'Université de Namur. Est-ce pour ça que vous apportez une attention particulière au Réseau santé wallon (RSW) ?

Il y a sans doute effectivement de cela. Le fait d'avoir fait une spécialisation dans le domaine des nouvelles technologies d'une part, et d'autre part d'avoir travaillé dans un bureau américain de consultance où ces enjeux de développement technologique étaient fort présents. Je me souviens qu'à l'époque, c'était la démarche européenne des eSociety et le développement du On demand. Je pense que ça m'a marqué dans mon cursus.

Et donc, en matière de santé publique, j'ai la conviction que l'on a aussi des opportunités à devoir saisir grâce à ce développement technologique, au service de la cause ultime qu'est la santé publique.

C'est une opportunité économique pour une série de nos PME. On voit effectivement des start-up, en Wallonie, qui ont l'occasion de se profiler sur les questions de l'eSanté et de pouvoir réellement en tirer des plus-values, être dans la démarche de l'innovation, de la créativité, de la création d'emploi. J'ai beau être ministre de la Santé, je suis très sensible à l'essor socio-économique global de la Wallonie.

Quand on a mis sur pied le plan Marshall 4.0, j'ai expressement poussé pour qu'on intègre une dimension et une réflexion liées au numérique dans le secteur de la santé. Quand il s'est agit de mettre sur pied le Plan numérique wallon, j'ai obtenu de mes collègues, singulièrement de mon collègue Jean-Claude Marcourt, qui y est également sensible, qu'il y ait également des crédits qui puissent être dédicacés au volet eSanté.

J'ai veillé rapidement, dès le début de mon mandat, à faire voter par le parlement le décret relatif au Réseau santé wallon pour permettre les interconnexions de tuyauterie. Il faut maintenant que l'on poursuive la démarche de formation. J'ai débloqué 300.000 euros en sus des 210.000 euros de l'Inami pour permettre cette formation des professionnels de la santé, au premier rang desquels, d'abord et avant tout les médecins généralistes parce que tous n'ont pas encore la même porosité par rapport à ces défis-là.

Je rebondis sur le volet économique. Pourriez-vous nous parler de cette nouvelle initiative de pôle santé dédié à l'innovation à Bouge ?

Sur le plan technologique, j'ai veillé à ce que le secteur de la Santé soit un secteur dans lequel investir, et pas un secteur marginal auquel on donne de temps en temps un sucre pour dire que... Non ! C'est un secteur stratégique pour le développement d'opportunités. C'est un pôle dans lequel on peut être très compétitif sur le plan socio-économique et où l'on a certainement la capacité de faire émerger de l'innovation sociale et sanitaire. Et ça, c'est l'élément auquel je tiens.

J'ai la double casquette de ministre des Zones d'activités économiques et de la Santé. Dans le cadre de la réforme du financement et du développement des zones d'activités économiques que j'ai faite valider par le gouvernement et qui va arriver dans les toutes prochaines semaines sur la table du parlement, il est expressément prévu demain que les futurs zonings devront être thématisés afin d'avoir une masse critique de spécialisations et d'interactions entre les PME qui crée de la valeur ajoutée plutôt que d'avoir de manière éparse et éclectique des entreprises au sein d'un zoning qui n'ont aucune interaction entre elles, ce qui ne favorise d'ailleurs pas l'économie circulaire dans certains cas.

Donc, on a eu une réflexion, avec le Bureau économique de la province (BEP), avec la ville (où Maxime Prévot est bourgmestre, pour rappel, ndla), on a eu l'occasion de considérer qu'au vu du pôle santé qui se développe, avec le pôle académique de Namur et les spin-off qui existent déjà sur le terrain namurois, il y avait un réel sens, à la fois dans la finalité, de pouvoir travailler sur ces questions de santé et de vieillissement de la population, et à la fois sur ses capacités, puisqu'il y a déjà en terres namuroises, un pôle en matière santé qui se structure et qui a le know how pour pouvoir être efficace et crédible dans le secteur.

Je reviens sur cette notion de porosité du médecin généraliste par rapport à l'informatique. Une enquête menée par la Fédération des associations de médecins généralistes de Charleroi (FAGC) révèle qu'un médecin carolo sur quatre - donc de la première agglomération wallonne - a besoin d'une formation de base en informatique.

Cela ne me surprend hélas pas. Pourquoi ? Parce que quand on regarde les statistiques, on a non seulement une pénurie de médecins généralistes en Wallonie, mais ceux qui sont aujourd'hui actifs ont une moyenne d'âge assez élevée.

Inévitablement, quand vous avez plus de soixante ans, vous avez un cursus qui vous a moins amenés à frayer avec les questions des nouvelles technologies. D'où la nécessité d'investir dans toute cette démarche de formation. À la fois sur l'axe de la conviction, pour ne pas rester dans un conservatisme inopportun. Et à la fois pour permettre à ces médecins de maîtriser les outils.

Il ne faut pas non plus stigmatiser le médecin âgé de plus de 60 ans en considérant qu'il est par nature réfractaire à tous ces éléments-là. Mais il a besoin d'être coaché.

Santé mentale

D'où vient votre sensibilité pour cette matière particulière ?

Elle est née lors de mon mandat d'échevin de la politique sociale à Namur. Et singulièrement de la question de la gestion de la grande précarité et des abris de nuit. Lorsque j'étais échevin à Namur, j'ai souhaité créé un tout nouvel abri de nuit pour les SDF beaucoup plus fonctionnel, qui permettait d'éviter la mixité des logements (parce qu'il y avait pas mal d'agressions). J'ai été très sensible à la grande précarité professionnelle dans laquelle les éducateurs se trouvaient face aux personnes de la rue qui souvent ont des histoires personnelles dramatiques mais qui souffrent toutes, dans des intensités variables, de troubles de la santé mentale.

J'ai remarqué la grande détresse des éducateurs qui ne sont pas informés au nom du secret médical des troubles de leurs interlocuteurs, qu'ils hébergent toute la nuit, qui parfois les violentent.

Ça m'a toujours interpellé et j'ai contribué à la mise sur pied du Réseau namurois en santé mentale. J'ai toujours été quelque part choqué du manque de réseautage des opérateurs de la santé mentale, avec un côté 'on se refille la patate chaude', avec des gens qui arrivent à l'abri de nuit, venant d'un institut psychiatrique, qui leur a glissé dans leurs poches les coordonnées de l'abri de nuit, sans qu'on ait des éducateurs qui soient habilités à prendre en charge quelqu'un qui, outre le besoin urgent d'un logement, suit une médication pour un trouble de santé mentale.

Je dois bien reconnaitre qu'aujourd'hui, les troubles de la santé mentale constituent un élément problématique de la gestion du vivre ensemble dans une unité territoriale. C'est toute cette approche de la question de la prise en charge de la grande précarité, de l'insatisfaction par rapport aux réponses et aux solutions, apportées notamment par tout ce qui est psychiatrique, de l'insuffisance à mon estime des capacités de prise en charge dans une démarche ambulatoire qui m'ont amené à être sensible à cette thématique.

Et donc, je sais, aujourd'hui, que l'on doit plus que jamais continuer de soutenir les réseaux en santé mentale parce que c'est la seule manière de permettre à une série d'acteurs de continuer à se parler et à développer ensemble des solutions créatives dans la prise en charge, dans les trajets de soins, au niveau des personnes qui souffrent de troubles en santé mentale.

On va d'ailleurs travailler à une modification de financement des services en soins ambulatoires et en assuétude afin de les pérenniser, les consolider et les inscrire dans une perspective de financement pluriannuel pour éviter la perpétuelle épée de Damoclès qui pèse sur les épaules de ces services.

Madame Kampopole expliquait justement ses craintes quant aux conséquences régionales de la réforme fédérale en santé mentale, notamment au niveau des équipes mobiles qui focalisent pour le moment l'attention du budget alloué aux réseaux santé mentale.

Je reste convaincu que sur le terrain, c'est une des premières urgences. Cela ne signifie pas que c'est la seule, que les autres pôles sont moins pertinents : il y a une nécessité de travailler sur les cinq aspects de la réforme. Mais c'est vrai que beaucoup de mandataires locaux m'expriment combien ils se sentent parfois démunis, et c'est enjeu du renforcement de l'ambulatoire, du contact direct notamment à l'égard de celles et ceux qui ont un trouble de santé mentale. C'est vraiment un élément qui relève de l'urgence sociale.

Volet première ligne

Je peux vous annoncer que dans le cadre de l'épure budgétaire 2017, on a dégagé un million d'euros supplémentaire pour poursuivre le développement des projets qui sont dans cette note cadre de la première ligne de soins.

Au niveau de la coordination de la 1ière ligne de soins : avez-vous pris connaissance de la thèse de Jean-Luc Belche sur l'intégration des lignes de soins, qui est l'une des rares thèses en médecine générale ? Que pensez-vous de la fonction de modérateur pour renforcer l'intégration entre les lignes, et favoriser in fine la prise en charge du patient ? Serait-il possible de l'institutionnaliser ?

Je ne connais pas le contenu de sa thèse, donc je me renseignerai parce que, comme vous le dites, c'est un sujet qui est trop peu traité et qui a trop rarement l'occasion d'être approfondi. Ce qui a forgé ma conviction de présenter au gouvernement ma note-cadre sur la première ligne de soins, c'est d'abord la conviction forte que l'on doit faire un travail de proximité, d'accessibilité, et de qualité dans les soins qui sont prodigués.

Le renforcement du travail en réseau de la première est devenu une sorte de palliatif à l'absence de médecins généralistes dans une série d'endroits, et donc la démarche mutualisée de prodiguer des soins, le fait d'avoir des lieux partagés pour éviter que la trop lourde charge des gardes ne soient portée que dans un seul sac à dos, ce qui est un frein à l'installation...

...Et un élément sur lequel vous n'avez pas de prise.

Exactement! On a beau mettre en selle une série d'incitants: c'est nécessaire mais ce n'est pas suffisant. Parce qu'aujourd'hui, les médecins qui sortent des études sont légitimement attentifs à leur qualité de vie, et n'ont pas envie de s'installer à un endroit où ils seront les seuls médecins à 25 kilomètres à la ronde et où ils n'auront pas le temps de souffler. C'est un vrai problème auquel la solution financière n'apporte pas toutes les solutions.

Je ne dispose pas de tous les leviers dans le cadre de la réforme de l'Etat. C'est d'ailleurs un élément qui m'a souvent contrarié. On est un peu au milieu du gué avec des Flamands qui ont voulu appuyer sur le champignon, des francophones qui tiraient le frein à main, et donc on se retrouve mitan del voye comme on dit en wallon, avec la satisfaction d'avoir aujourd'hui plus d'outils qu'hier pour mener une politique cohérente, mais en ne disposant pas non plus de tous les leviers utiles pour nous permettre d'aller de l'avant.

D'où la note-cadre sur la première ligne de soins qui explique ce sur quoi je veux, je peux agir. Mais qui ne cache pas que pour pouvoir avoir une action efficace, il faut aussi que du côté fédéral, on travaille sur tel aspect et tel autre si on veut converger vers un résultat maximal. Ces enjeux de développement d'Assisteo, les projets pilotes en matière de prise en charge des maladies chroniques, le fait de développer les maisons médicales, la concertation qui doit être renforcée entre les médecins, kinés, pharmaciens, tout le secteur des aides à domicile qui ne doit pas être négligé : ça c'est un enjeu fondamental sur lequel on doit travailler. Je peux vous annoncer que dans le cadre de l'épure budgétaire 2017, on a dégagé un million d'euros supplémentaire pour poursuivre le développement des projets qui sont dans cette note-cadre de la première ligne de soins.

Vous craignez le budget 2017 ?

Je ne le crains plus puisque tous les arbitrages ont été faits. Je suis par contre interrogatif sur les décisions que le Fédéral pourrait prendre. Je suis inquiet d'entendre, dans certains secteurs, des demandes en matière de prise en charge, du coût de la médication et de soins qui explosent, alors que le laïus fédéral tend plutôt à vouloir diminuer ces prises en charge.

Vous savez, je rencontre dans le secteur du handicap, par exemple, des parents d'enfants autistes. Ils viennent me parler des actions que je dois prendre au niveau de la Région, ou des mesures que mes collègues doivent prendre en matière scolaire au niveau de la Communauté française. Mais quasi tous les parents me parlent également du fait qu'ils sont financièrement étranglés par les coûts de la logopédie et de l'insuffisance de prise en charge. Ils sont obligé de faire des soupers, de mobiliser des fonds par des initiatives locales, via des ASBL locales crées uniquement pour permettre à leur enfant de pouvoir parler correctement, ou à parler tout court. C'est vrai que là, il y a quelque chose de choquant !

Je n'arrête pas de plaider pour qu'au niveau du fédéral, Maggie De Block soit sensible à ça et intervienne davantage pour soulager les familles sur le plan économique. D'autant plus que lorsque vous avez un enfant autiste, il n'est pas rare qu'au moins un des deux parents soit obligé de restreindre son temps de travail pour s'en occuper adéquatement, ce qui impacte les finances, ce qui permet alors encore moins une prise en charge adéquate des frais de logopédie. Ce sont des matières comme celles-là où il devrait y avoir plus d'interactions entre le Fédéral et les Régions. Et à l'heure des choix politiques, ce n'est pas sur ce type d'interventions de remboursement, de prise en charge, que l'on doit faire saigner la bête.

Question plus délicate : où en est le cadastre wallon des médecins généralistes, prévu, je le rappelle à la base en 2016 ? L'Observatoire wallon de la santé, qui est en charge de le réaliser, est amené à être avalé par l'Aviq et des derniers échos que j'en ai, les employées ne savent pas très bien que deviendront leurs fonctions.

Ce cadastre a déjà trop tardé, soyons clairs. Mais il ne faut pas tirer prétexte de l'absorption de l'Observatoire wallon de la santé dans le Conseil de stratégie et de prospective de l'Aviq pour le retarder davantage. L'observatoire va intégrer l'outil qui, demain, est destiné à faire tout ce travail réflexif, prospectif, d'analyse et d'avis sur les questions de santé, sur les questions sociales, au service de la Wallonie, de ses acteurs institutionnels, associatifs et privés.

Le Conseil de stratégie et de prospective va être mis sur pied fin de ce mois et son ADN, tel que prévu par le décret, c' expressément d'amplifier le travail fait par l'Observatoire wallon de la Santé, de le compléter et d'en faire une vraie locomotive plus qu'un wagon. Il va pouvoir s'adjoindre un réseau d'experts très dense et très varié. Il va pouvoir remettre des avis d'autorités, faire un travail sur le long terme et orienter ce que doivent être les choix politiques en matière de santé pour la décennie à venir et les nourrir.

Cela pourrait donc accélérer la mise en place du cadastre ?

On ne peut que l'espérer, mais on n'ose plus faire de pari sur le timing.

Volet hospitalier

Petite réaction sur l'affaire Vivalia. Il y aura bien un financement dès lors, pas de soubresauts de dernière minute ?

D'abord, il était temps. Parce que, qu'on le veuille ou non, je constate que la Wallonie est un confetti territorial qui doit probablement avoir sur son sol le plus haut niveau de densité d'hôpitaux par kilomètre carré.

On a aujourd'hui des structures hospitalières qui se regardent en chiens de faïence, parfois d'un côté et de l'autre d'une même rue. En matière de soins et de Santé publique, on doit quitter ces clivages. Ce sont des options qu'ont déjà choisies une série de structures hospitalières ces 15 dernières années. Je n'ai pas la prétention d'inventer les choses. On voit des structures qui ont fusionné entre public et associatif, impliquant parfois même les mutuelles, et avec succès.

Il faut de la proximité, de la qualité dans les soins. Pour ce faire, il faut une masse critique d'actes de soins, et donc une consolidation. D'autant que le prix des équipements de pointe est tellement lourd que mutualiser est une nécessité. Il faut donc ventiler de manière adéquate les outils sur le territoire. Je pense aux RMN notamment qui sont devenus indispensables.

Je me réjouis que Vivalia ait enfin pu converger vers un modèle. Cela va leur permettre de proposer un projet dans le cadre du premier programme quinquennal de financement. Il a de bonnes chances d'être retenu. Je ne peux pas encore affirmer qu'il le sera définitivement tant que le gouvernement n'aura pas été saisi du dossier officiellement. La certitude, c'est que si Vivalia n'avait pas pu converger, il était acquis qu'il aurait été hors du coup. C'est sûr.

Le plan infrastructures favorise la fusion des hôpitaux et on connait les chantiers en cours : le Mont Légia, Vivalia,... Mais est-il encore possible, financièrement, de restructurer le paysage hospitalier wallon, compte tenu du fait que plusieurs hôpitaux sont dans le rouge, comme le montre la dernière étude Maha, et que la méthode de financement est amenée à changer vers du 100% hospitalier ?

Votre question, c'est "est-il encore possible". Je dis qu'il est indispensable! Et l'étude Maha démontre une dégradation lente mais régulière des finances des structures hospitalières. Donc on doit être dans un processus de rationalisation. Les balises budgétaires et financières des hôpitaux, à la lumière de l'étude Maha, plaident pour accélérer le mouvement en la matière.

J'ai connu des conseils médicaux arcboutés sur leurs convictions - parfois davantage arcboutés sur leurs avantages que sur leurs convictions d'ailleurs - qui pensaient, tous seuls en restant sur leur île, consolider leur offre de soins, rencontrer les normes d'agréments...Je pense que c'est illusoire! Aujourd'hui, on doit travailler en réseaux, en collaboration renforcée, en synergie et parfois fusionner pour atteindre cette masse critique qui garantit la qualité des soins.

Pour ce faire, la coopération avec votre homologue fédérale est nécessaire, mais est-elle bonne ?

Toutes les collaborations peuvent être améliorées, mais aujourd'hui, à titre personnel, je ne me plains pas des collaborations que mon cabinet peut entretenir avec celui de Maggie. On ne mesure pas combien en politique, c'est aussi une affaire de qualité relationnelle entre les hommes et les femmes.

J'ai eu la chance de fréquenter Maggie De Block lorsque j'étais député fédéral. Nous étions ensemble en Commission de la Santé. Ça peut paraître marginal, mais le simple fait de s'être fréquenté et apprécié à l'époque facilite le contact. Aujourd'hui, j'ai un excellent contact personnel avec elle, même si je ne cautionne pas toutes les orientations qu'elle prend. C'est autre chose.

Je ferais un mauvais procès à Maggie De Block de donner le sentiment que je ne suis pas en capacité de nourrir une collaboration positive en matière de Santé publique avec elle. Ce n'est pas le cas. Les choses se passent bien depuis le début de la législature. Gageons qu'il en soit de même jusqu'à la fin de la législature.

Volet personnel

J'ai besoin intellectuellement de me nourrir de vrais dossiers de fond en matière de politique publique

Qu'avez-vous à répondre aux acteurs de la santé qui estiment que vous jouez un rôle de figurant ?

D'abord, c'est que ce sont des gens qui connaissent très mal la sixième réforme de l'État et les leviers qui sont désormais dans les Régions pour agir.

Maintenant, il est certain que si ces fameux acteurs de la Santé sont issus du milieu hospitalier et qu'ils sont peu intéressés par les questions liées à l'infrastructure et à l'équipement, ils auront tendance à considérer que le seul véritable interlocuteur qui subsiste est Maggie De Block. À ce sujet, ils ont raison: les questions de financement restent une compétence fédérale.

Pour le reste, je trouve que c'est un propos gratuitement agressif qui n'est fondé sur aucune réalité factuelle. Interrogez ces gens sur le niveau de pouvoir qui s'occupe de ceci et de cela. Je ne suis pas sûr qu'ils le sachent nécessairement. Ils seraient peut être très surpris qu'en Wallonie, on fait tout sauf de la figuration en matière de Santé.

Vous avez 46% du budget wallon dans vos différents portefeuilles. Comment gère-t-on ça ?

D'abord, pour pouvoir bien faire son job, j'ai toujours dit qu'il faut deux choses : être bien organisé, et bien entouré. J'essaye d'être bien organisé et je veille à être bien entouré. On ne sait pas faire tout, tout seul, mais je tire bénéfice de la large palette de compétences.

Quand j'ai des travaux publics et que je finance, à coup de plusieurs centaines de millions d'euros, des routes de l'emploi qui mènent vers des milieux hospitaliers, je fais en sorte que ma compétence en Travaux publics soit au service de ma compétence en Santé.

On tire avantage de ce large horizon pour pouvoir, quand c'est nécessaire, venir en renfort caisse. Il m'arrive, en fin d'année de me rendre compte qu'il y a des besoins qui font défaut. S'il me manque un ou deux millions d'euros en matière de santé, c'est plus facile pour moi de les prendre dans un large portefeuille qui me permet d'aller reprendre du non-consommé en travaux publics au bénéfice du social et de la santé.

Vous êtes le 1er ministre wallon de la Santé depuis la sixième réforme de l'état : vous essuyez les plâtres, notamment au niveau de la transition entre les modèles de gestion.

Oui, et en même temps, c'est un magnifique défi, parce que j'aurai pu être dans un contexte où je gérais l'habitude, c'est-à-dire une législature où il n'y avait pas de réforme de l'État particulière et où je gérais l'existant.

J'ai la chance, même si ça c'est challeging, même si j'essuie les plâtres, même si ça accentue les critiques, intellectuellement de pouvoir déterminer des politiques majeures en Santé et dans les matières sociales grâce à cette sixième réforme de l'État que je dois maintenant mettre en oeuvre.

Les enjeux de l'assurance autonomie, des allocations familiales, la réforme hospitalière, la réforme des maisons de repos...intellectuellement, c'est extrêmement stimulant, comme c'est extrêmement exigeant. C'est aussi parfois contrariant, mais ça permet de donner toute sa noblesse à la fonction publique.

Que vous apporte, après six mois de collaboration, le Dr Boucquiau ?

Certainement une sensibilité accrue sur les enjeux de la promotion et de la prévention de la Santé. Elle vient de la Fondation contre le cancer. Elle a également le regard d'une praticienne et de quelqu'un qui, avec sa fonction de médecin généraliste, a aussi un regard différent que celui de ma précédente cheffe de cabinet, qui avait pourtant également un champ d'expertise très fort dans toute une série de secteurs. Ce sont des profils différents mais qui apportent une grande plus-value dans la capacité de mettre en oeuvre cette sixième réforme de l'État. Et au-delà de l'apport professionnel, je dois dire que c'est quelqu'un d'extrêmement agréable sur le plan humain.

Reprendriez-vous le portefeuille de la Santé si c'était à refaire ? Pourquoi ?

Sans hésiter. Pour le challenge intellectuel que ça représente. J'ai besoin intellectuellement de me nourrir de vrais dossiers de fond en matière de politique publique, et tous ceux qui sont sur la table, qui sont encore comme de la terre glaise, qui doivent être reconfigurés à la lumière de la mise en oeuvre de la sixième réforme de l'État, c'est un challenge extraordinaire. Mais ça va permettre de façonner durablement les impulsions en matière de Santé au niveau de la Région, qui vont durer au-delà de la législature et au-delà de moi-même.

Le journal du Médecin : Monsieur le ministre, l'actualité pour commencer, avec l' "affaire Fernelmont". Le Dr Bolly, à l'instar de ses confrères fernelmontois, se demande quelles sont les possibilités de prévention, d'expliquer le risque qu'encourent les femmes et les enfants concernant les pesticides ? L'Aviq est-il capable de rédiger une brochure ? Est-ce son rôle ou celui du Fédéral ?Maxime Prévot : C'est la compétence de la Wallonie. Il n'y a pas de doute là-dessus. D'autant que les accords de la Sainte-Émilie et la sixième Réforme de l'État confient intégralement les compétences de prévention et de promotion de la Santé à la Région wallonne. C'est bien à nous de la faire. Maintenant, est-ce à l'Aviq ou à la Cellule environnement-santé de le faire ? Ça doit encore être clarifié.Mais ça me donne l'occasion de vous dire, en écho aux propos du Dr Bolly, combien il a raison, dans ses interpellations, de mettre le focus sur la prévention. Je travaille, depuis plusieurs mois déjà, au grand Plan wallon de prévention et de promotion de la santé, plan que j'aurais souhaité, pour être transparent avec vous, déjà boucler début de cette année-ci. J'ai accumulé un peu de retard parce que les équipes ont été mobilisées notamment sur l'assurance autonomie. Mais je compte le boucler fin de cette année pour présenter au gouvernement les grands axes stratégiques des actions publiques de prévention et de promotion de la santé. Il est évident que parmi ces axes, il y aura tout ce qui concerne les interactions avec l'environnement immédiat.Avoir un public cible tel que la femme enceinte comme il le suggère, avec l'aide d'une brochure plus spécifique, me paraît certainement être utile. Pas seulement pour les questions relatives aux pesticides, mais aussi pour d'autres éléments connexes qui concernent la santé du foetus ou le développement de celui-ci et qui concerne la santé de la femme enceinte elle-même. Ces informations pourraient être compilées dans une seule et même brochure plus utile, plutôt qu'avoir une information, qui, reconnaissons-le, si elle existe, est encore disparate.Je voudrais vous faire part de deux chiffres, dont vous avez certainement eu vent via les lettres ouvertes des médecins fernelmontois : une étude de la Société des endocrinologues européens estime le coût des perturbateurs endocriniens à 157 milliards d'euros par an en Europe. Deuxième chiffre : l'Agence nationale française de sécurité sanitaire, de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses) estime que la mauvaise qualité de l'air intérieur coûte de 19 milliards d'euros par an en France. Si l'on applique une règle de 3, cela fait 3,3 milliards par an en Belgique. Alors que, je le rappelle, le Fédéral est à la recherche de 4,2 milliards d'euros pour boucler son budget. La mise en place d'une stratégie de promotion de la santé amènerait donc un pourcentage non négligeable d'économies.D'où ma question : est-ce que le monde politique a réellement conscience que les expositions environnementales, et surtout les perturbateurs endocriniens, représentent probablement le défi majeur de ces prochaines années? Est-ce qu'ils sont conscients du coût des externalités négatives que cela génère ?Pour vous répondre en transparence, je n'ai pas la conviction aujourd'hui que le monde politique en général en est conscient. Les femmes et les hommes politiques qui sont sensibles aux questions de santé, de par les documentations parcourues, de par les échanges de terrain, mesurent combien cela devient un élément problématique. D'autres sont parfois plus sensibles à un phénomène lorsqu'il est monétisé que quand il ne l'est pas. Bien qu'en soi, le problème mérite d'être traité pour des questions de Santé publique.Le fait de pouvoir y accoler des chiffres comme vous le faites est une manière de mesurer l'ampleur du phénomène et surtout l'importance de pouvoir investir dans ces enjeux de prévention et de promotion de la santé. C'est un axe clé, sur lequel, comme je l'ai dit, je prépare un plan stratégique et je pense que c'est une opportunité qui doit être renforcée à la faveur de la mise sur pied de l'Aviq, qui doit avoir désormais une approche beaucoup plus transversale, poreuse entre les différentes thématiques plutôt qu'une approche en silos, chacun se regardant en chiens de faïence et n'étant attentif qu'au spectre de ses compétences directes. C'est la raison pour laquelle, au sein de l'Aviq, j'ai veillé à créer une commission spécifique, transversale, dédicacée aux questions de prévention et de promotion de la santé.eSantéJ'ai remarqué que vous étiez titulaire d'un D.E.S. en droit et gestion des nouvelles technologies de l'information et de la communication à l'Université de Namur. Est-ce pour ça que vous apportez une attention particulière au Réseau santé wallon (RSW) ?Il y a sans doute effectivement de cela. Le fait d'avoir fait une spécialisation dans le domaine des nouvelles technologies d'une part, et d'autre part d'avoir travaillé dans un bureau américain de consultance où ces enjeux de développement technologique étaient fort présents. Je me souviens qu'à l'époque, c'était la démarche européenne des eSociety et le développement du On demand. Je pense que ça m'a marqué dans mon cursus. Et donc, en matière de santé publique, j'ai la conviction que l'on a aussi des opportunités à devoir saisir grâce à ce développement technologique, au service de la cause ultime qu'est la santé publique. C'est une opportunité économique pour une série de nos PME. On voit effectivement des start-up, en Wallonie, qui ont l'occasion de se profiler sur les questions de l'eSanté et de pouvoir réellement en tirer des plus-values, être dans la démarche de l'innovation, de la créativité, de la création d'emploi. J'ai beau être ministre de la Santé, je suis très sensible à l'essor socio-économique global de la Wallonie.Quand on a mis sur pied le plan Marshall 4.0, j'ai expressement poussé pour qu'on intègre une dimension et une réflexion liées au numérique dans le secteur de la santé. Quand il s'est agit de mettre sur pied le Plan numérique wallon, j'ai obtenu de mes collègues, singulièrement de mon collègue Jean-Claude Marcourt, qui y est également sensible, qu'il y ait également des crédits qui puissent être dédicacés au volet eSanté. J'ai veillé rapidement, dès le début de mon mandat, à faire voter par le parlement le décret relatif au Réseau santé wallon pour permettre les interconnexions de tuyauterie. Il faut maintenant que l'on poursuive la démarche de formation. J'ai débloqué 300.000 euros en sus des 210.000 euros de l'Inami pour permettre cette formation des professionnels de la santé, au premier rang desquels, d'abord et avant tout les médecins généralistes parce que tous n'ont pas encore la même porosité par rapport à ces défis-là. Je rebondis sur le volet économique. Pourriez-vous nous parler de cette nouvelle initiative de pôle santé dédié à l'innovation à Bouge ?Sur le plan technologique, j'ai veillé à ce que le secteur de la Santé soit un secteur dans lequel investir, et pas un secteur marginal auquel on donne de temps en temps un sucre pour dire que... Non ! C'est un secteur stratégique pour le développement d'opportunités. C'est un pôle dans lequel on peut être très compétitif sur le plan socio-économique et où l'on a certainement la capacité de faire émerger de l'innovation sociale et sanitaire. Et ça, c'est l'élément auquel je tiens. J'ai la double casquette de ministre des Zones d'activités économiques et de la Santé. Dans le cadre de la réforme du financement et du développement des zones d'activités économiques que j'ai faite valider par le gouvernement et qui va arriver dans les toutes prochaines semaines sur la table du parlement, il est expressément prévu demain que les futurs zonings devront être thématisés afin d'avoir une masse critique de spécialisations et d'interactions entre les PME qui crée de la valeur ajoutée plutôt que d'avoir de manière éparse et éclectique des entreprises au sein d'un zoning qui n'ont aucune interaction entre elles, ce qui ne favorise d'ailleurs pas l'économie circulaire dans certains cas. Donc, on a eu une réflexion, avec le Bureau économique de la province (BEP), avec la ville (où Maxime Prévot est bourgmestre, pour rappel, ndla), on a eu l'occasion de considérer qu'au vu du pôle santé qui se développe, avec le pôle académique de Namur et les spin-off qui existent déjà sur le terrain namurois, il y avait un réel sens, à la fois dans la finalité, de pouvoir travailler sur ces questions de santé et de vieillissement de la population, et à la fois sur ses capacités, puisqu'il y a déjà en terres namuroises, un pôle en matière santé qui se structure et qui a le know how pour pouvoir être efficace et crédible dans le secteur.Je reviens sur cette notion de porosité du médecin généraliste par rapport à l'informatique. Une enquête menée par la Fédération des associations de médecins généralistes de Charleroi (FAGC) révèle qu'un médecin carolo sur quatre - donc de la première agglomération wallonne - a besoin d'une formation de base en informatique.Cela ne me surprend hélas pas. Pourquoi ? Parce que quand on regarde les statistiques, on a non seulement une pénurie de médecins généralistes en Wallonie, mais ceux qui sont aujourd'hui actifs ont une moyenne d'âge assez élevée. Inévitablement, quand vous avez plus de soixante ans, vous avez un cursus qui vous a moins amenés à frayer avec les questions des nouvelles technologies. D'où la nécessité d'investir dans toute cette démarche de formation. À la fois sur l'axe de la conviction, pour ne pas rester dans un conservatisme inopportun. Et à la fois pour permettre à ces médecins de maîtriser les outils. Il ne faut pas non plus stigmatiser le médecin âgé de plus de 60 ans en considérant qu'il est par nature réfractaire à tous ces éléments-là. Mais il a besoin d'être coaché.D'où vient votre sensibilité pour cette matière particulière ?Elle est née lors de mon mandat d'échevin de la politique sociale à Namur. Et singulièrement de la question de la gestion de la grande précarité et des abris de nuit. Lorsque j'étais échevin à Namur, j'ai souhaité créé un tout nouvel abri de nuit pour les SDF beaucoup plus fonctionnel, qui permettait d'éviter la mixité des logements (parce qu'il y avait pas mal d'agressions). J'ai été très sensible à la grande précarité professionnelle dans laquelle les éducateurs se trouvaient face aux personnes de la rue qui souvent ont des histoires personnelles dramatiques mais qui souffrent toutes, dans des intensités variables, de troubles de la santé mentale. J'ai remarqué la grande détresse des éducateurs qui ne sont pas informés au nom du secret médical des troubles de leurs interlocuteurs, qu'ils hébergent toute la nuit, qui parfois les violentent.Ça m'a toujours interpellé et j'ai contribué à la mise sur pied du Réseau namurois en santé mentale. J'ai toujours été quelque part choqué du manque de réseautage des opérateurs de la santé mentale, avec un côté 'on se refille la patate chaude', avec des gens qui arrivent à l'abri de nuit, venant d'un institut psychiatrique, qui leur a glissé dans leurs poches les coordonnées de l'abri de nuit, sans qu'on ait des éducateurs qui soient habilités à prendre en charge quelqu'un qui, outre le besoin urgent d'un logement, suit une médication pour un trouble de santé mentale.Je dois bien reconnaitre qu'aujourd'hui, les troubles de la santé mentale constituent un élément problématique de la gestion du vivre ensemble dans une unité territoriale. C'est toute cette approche de la question de la prise en charge de la grande précarité, de l'insatisfaction par rapport aux réponses et aux solutions, apportées notamment par tout ce qui est psychiatrique, de l'insuffisance à mon estime des capacités de prise en charge dans une démarche ambulatoire qui m'ont amené à être sensible à cette thématique.Et donc, je sais, aujourd'hui, que l'on doit plus que jamais continuer de soutenir les réseaux en santé mentale parce que c'est la seule manière de permettre à une série d'acteurs de continuer à se parler et à développer ensemble des solutions créatives dans la prise en charge, dans les trajets de soins, au niveau des personnes qui souffrent de troubles en santé mentale. On va d'ailleurs travailler à une modification de financement des services en soins ambulatoires et en assuétude afin de les pérenniser, les consolider et les inscrire dans une perspective de financement pluriannuel pour éviter la perpétuelle épée de Damoclès qui pèse sur les épaules de ces services.Madame Kampopole expliquait justement ses craintes quant aux conséquences régionales de la réforme fédérale en santé mentale, notamment au niveau des équipes mobiles qui focalisent pour le moment l'attention du budget alloué aux réseaux santé mentale.Je reste convaincu que sur le terrain, c'est une des premières urgences. Cela ne signifie pas que c'est la seule, que les autres pôles sont moins pertinents : il y a une nécessité de travailler sur les cinq aspects de la réforme. Mais c'est vrai que beaucoup de mandataires locaux m'expriment combien ils se sentent parfois démunis, et c'est enjeu du renforcement de l'ambulatoire, du contact direct notamment à l'égard de celles et ceux qui ont un trouble de santé mentale. C'est vraiment un élément qui relève de l'urgence sociale. Au niveau de la coordination de la 1ière ligne de soins : avez-vous pris connaissance de la thèse de Jean-Luc Belche sur l'intégration des lignes de soins, qui est l'une des rares thèses en médecine générale ? Que pensez-vous de la fonction de modérateur pour renforcer l'intégration entre les lignes, et favoriser in fine la prise en charge du patient ? Serait-il possible de l'institutionnaliser ? Je ne connais pas le contenu de sa thèse, donc je me renseignerai parce que, comme vous le dites, c'est un sujet qui est trop peu traité et qui a trop rarement l'occasion d'être approfondi. Ce qui a forgé ma conviction de présenter au gouvernement ma note-cadre sur la première ligne de soins, c'est d'abord la conviction forte que l'on doit faire un travail de proximité, d'accessibilité, et de qualité dans les soins qui sont prodigués. Le renforcement du travail en réseau de la première est devenu une sorte de palliatif à l'absence de médecins généralistes dans une série d'endroits, et donc la démarche mutualisée de prodiguer des soins, le fait d'avoir des lieux partagés pour éviter que la trop lourde charge des gardes ne soient portée que dans un seul sac à dos, ce qui est un frein à l'installation... ...Et un élément sur lequel vous n'avez pas de prise.Exactement! On a beau mettre en selle une série d'incitants: c'est nécessaire mais ce n'est pas suffisant. Parce qu'aujourd'hui, les médecins qui sortent des études sont légitimement attentifs à leur qualité de vie, et n'ont pas envie de s'installer à un endroit où ils seront les seuls médecins à 25 kilomètres à la ronde et où ils n'auront pas le temps de souffler. C'est un vrai problème auquel la solution financière n'apporte pas toutes les solutions. Je ne dispose pas de tous les leviers dans le cadre de la réforme de l'Etat. C'est d'ailleurs un élément qui m'a souvent contrarié. On est un peu au milieu du gué avec des Flamands qui ont voulu appuyer sur le champignon, des francophones qui tiraient le frein à main, et donc on se retrouve mitan del voye comme on dit en wallon, avec la satisfaction d'avoir aujourd'hui plus d'outils qu'hier pour mener une politique cohérente, mais en ne disposant pas non plus de tous les leviers utiles pour nous permettre d'aller de l'avant. D'où la note-cadre sur la première ligne de soins qui explique ce sur quoi je veux, je peux agir. Mais qui ne cache pas que pour pouvoir avoir une action efficace, il faut aussi que du côté fédéral, on travaille sur tel aspect et tel autre si on veut converger vers un résultat maximal. Ces enjeux de développement d'Assisteo, les projets pilotes en matière de prise en charge des maladies chroniques, le fait de développer les maisons médicales, la concertation qui doit être renforcée entre les médecins, kinés, pharmaciens, tout le secteur des aides à domicile qui ne doit pas être négligé : ça c'est un enjeu fondamental sur lequel on doit travailler. Je peux vous annoncer que dans le cadre de l'épure budgétaire 2017, on a dégagé un million d'euros supplémentaire pour poursuivre le développement des projets qui sont dans cette note-cadre de la première ligne de soins.Vous craignez le budget 2017 ?Je ne le crains plus puisque tous les arbitrages ont été faits. Je suis par contre interrogatif sur les décisions que le Fédéral pourrait prendre. Je suis inquiet d'entendre, dans certains secteurs, des demandes en matière de prise en charge, du coût de la médication et de soins qui explosent, alors que le laïus fédéral tend plutôt à vouloir diminuer ces prises en charge. Vous savez, je rencontre dans le secteur du handicap, par exemple, des parents d'enfants autistes. Ils viennent me parler des actions que je dois prendre au niveau de la Région, ou des mesures que mes collègues doivent prendre en matière scolaire au niveau de la Communauté française. Mais quasi tous les parents me parlent également du fait qu'ils sont financièrement étranglés par les coûts de la logopédie et de l'insuffisance de prise en charge. Ils sont obligé de faire des soupers, de mobiliser des fonds par des initiatives locales, via des ASBL locales crées uniquement pour permettre à leur enfant de pouvoir parler correctement, ou à parler tout court. C'est vrai que là, il y a quelque chose de choquant ! Je n'arrête pas de plaider pour qu'au niveau du fédéral, Maggie De Block soit sensible à ça et intervienne davantage pour soulager les familles sur le plan économique. D'autant plus que lorsque vous avez un enfant autiste, il n'est pas rare qu'au moins un des deux parents soit obligé de restreindre son temps de travail pour s'en occuper adéquatement, ce qui impacte les finances, ce qui permet alors encore moins une prise en charge adéquate des frais de logopédie. Ce sont des matières comme celles-là où il devrait y avoir plus d'interactions entre le Fédéral et les Régions. Et à l'heure des choix politiques, ce n'est pas sur ce type d'interventions de remboursement, de prise en charge, que l'on doit faire saigner la bête.Question plus délicate : où en est le cadastre wallon des médecins généralistes, prévu, je le rappelle à la base en 2016 ? L'Observatoire wallon de la santé, qui est en charge de le réaliser, est amené à être avalé par l'Aviq et des derniers échos que j'en ai, les employées ne savent pas très bien que deviendront leurs fonctions.Ce cadastre a déjà trop tardé, soyons clairs. Mais il ne faut pas tirer prétexte de l'absorption de l'Observatoire wallon de la santé dans le Conseil de stratégie et de prospective de l'Aviq pour le retarder davantage. L'observatoire va intégrer l'outil qui, demain, est destiné à faire tout ce travail réflexif, prospectif, d'analyse et d'avis sur les questions de santé, sur les questions sociales, au service de la Wallonie, de ses acteurs institutionnels, associatifs et privés.Le Conseil de stratégie et de prospective va être mis sur pied fin de ce mois et son ADN, tel que prévu par le décret, c' expressément d'amplifier le travail fait par l'Observatoire wallon de la Santé, de le compléter et d'en faire une vraie locomotive plus qu'un wagon. Il va pouvoir s'adjoindre un réseau d'experts très dense et très varié. Il va pouvoir remettre des avis d'autorités, faire un travail sur le long terme et orienter ce que doivent être les choix politiques en matière de santé pour la décennie à venir et les nourrir. Cela pourrait donc accélérer la mise en place du cadastre ?On ne peut que l'espérer, mais on n'ose plus faire de pari sur le timing. Petite réaction sur l'affaire Vivalia. Il y aura bien un financement dès lors, pas de soubresauts de dernière minute ?D'abord, il était temps. Parce que, qu'on le veuille ou non, je constate que la Wallonie est un confetti territorial qui doit probablement avoir sur son sol le plus haut niveau de densité d'hôpitaux par kilomètre carré. On a aujourd'hui des structures hospitalières qui se regardent en chiens de faïence, parfois d'un côté et de l'autre d'une même rue. En matière de soins et de Santé publique, on doit quitter ces clivages. Ce sont des options qu'ont déjà choisies une série de structures hospitalières ces 15 dernières années. Je n'ai pas la prétention d'inventer les choses. On voit des structures qui ont fusionné entre public et associatif, impliquant parfois même les mutuelles, et avec succès. Il faut de la proximité, de la qualité dans les soins. Pour ce faire, il faut une masse critique d'actes de soins, et donc une consolidation. D'autant que le prix des équipements de pointe est tellement lourd que mutualiser est une nécessité. Il faut donc ventiler de manière adéquate les outils sur le territoire. Je pense aux RMN notamment qui sont devenus indispensables. Je me réjouis que Vivalia ait enfin pu converger vers un modèle. Cela va leur permettre de proposer un projet dans le cadre du premier programme quinquennal de financement. Il a de bonnes chances d'être retenu. Je ne peux pas encore affirmer qu'il le sera définitivement tant que le gouvernement n'aura pas été saisi du dossier officiellement. La certitude, c'est que si Vivalia n'avait pas pu converger, il était acquis qu'il aurait été hors du coup. C'est sûr.Le plan infrastructures favorise la fusion des hôpitaux et on connait les chantiers en cours : le Mont Légia, Vivalia,... Mais est-il encore possible, financièrement, de restructurer le paysage hospitalier wallon, compte tenu du fait que plusieurs hôpitaux sont dans le rouge, comme le montre la dernière étude Maha, et que la méthode de financement est amenée à changer vers du 100% hospitalier ?Votre question, c'est "est-il encore possible". Je dis qu'il est indispensable! Et l'étude Maha démontre une dégradation lente mais régulière des finances des structures hospitalières. Donc on doit être dans un processus de rationalisation. Les balises budgétaires et financières des hôpitaux, à la lumière de l'étude Maha, plaident pour accélérer le mouvement en la matière. J'ai connu des conseils médicaux arcboutés sur leurs convictions - parfois davantage arcboutés sur leurs avantages que sur leurs convictions d'ailleurs - qui pensaient, tous seuls en restant sur leur île, consolider leur offre de soins, rencontrer les normes d'agréments...Je pense que c'est illusoire! Aujourd'hui, on doit travailler en réseaux, en collaboration renforcée, en synergie et parfois fusionner pour atteindre cette masse critique qui garantit la qualité des soins.Pour ce faire, la coopération avec votre homologue fédérale est nécessaire, mais est-elle bonne ?Toutes les collaborations peuvent être améliorées, mais aujourd'hui, à titre personnel, je ne me plains pas des collaborations que mon cabinet peut entretenir avec celui de Maggie. On ne mesure pas combien en politique, c'est aussi une affaire de qualité relationnelle entre les hommes et les femmes. J'ai eu la chance de fréquenter Maggie De Block lorsque j'étais député fédéral. Nous étions ensemble en Commission de la Santé. Ça peut paraître marginal, mais le simple fait de s'être fréquenté et apprécié à l'époque facilite le contact. Aujourd'hui, j'ai un excellent contact personnel avec elle, même si je ne cautionne pas toutes les orientations qu'elle prend. C'est autre chose. Je ferais un mauvais procès à Maggie De Block de donner le sentiment que je ne suis pas en capacité de nourrir une collaboration positive en matière de Santé publique avec elle. Ce n'est pas le cas. Les choses se passent bien depuis le début de la législature. Gageons qu'il en soit de même jusqu'à la fin de la législature.Qu'avez-vous à répondre aux acteurs de la santé qui estiment que vous jouez un rôle de figurant ?D'abord, c'est que ce sont des gens qui connaissent très mal la sixième réforme de l'État et les leviers qui sont désormais dans les Régions pour agir. Maintenant, il est certain que si ces fameux acteurs de la Santé sont issus du milieu hospitalier et qu'ils sont peu intéressés par les questions liées à l'infrastructure et à l'équipement, ils auront tendance à considérer que le seul véritable interlocuteur qui subsiste est Maggie De Block. À ce sujet, ils ont raison: les questions de financement restent une compétence fédérale. Pour le reste, je trouve que c'est un propos gratuitement agressif qui n'est fondé sur aucune réalité factuelle. Interrogez ces gens sur le niveau de pouvoir qui s'occupe de ceci et de cela. Je ne suis pas sûr qu'ils le sachent nécessairement. Ils seraient peut être très surpris qu'en Wallonie, on fait tout sauf de la figuration en matière de Santé. Vous avez 46% du budget wallon dans vos différents portefeuilles. Comment gère-t-on ça ?D'abord, pour pouvoir bien faire son job, j'ai toujours dit qu'il faut deux choses : être bien organisé, et bien entouré. J'essaye d'être bien organisé et je veille à être bien entouré. On ne sait pas faire tout, tout seul, mais je tire bénéfice de la large palette de compétences. Quand j'ai des travaux publics et que je finance, à coup de plusieurs centaines de millions d'euros, des routes de l'emploi qui mènent vers des milieux hospitaliers, je fais en sorte que ma compétence en Travaux publics soit au service de ma compétence en Santé. On tire avantage de ce large horizon pour pouvoir, quand c'est nécessaire, venir en renfort caisse. Il m'arrive, en fin d'année de me rendre compte qu'il y a des besoins qui font défaut. S'il me manque un ou deux millions d'euros en matière de santé, c'est plus facile pour moi de les prendre dans un large portefeuille qui me permet d'aller reprendre du non-consommé en travaux publics au bénéfice du social et de la santé.Vous êtes le 1er ministre wallon de la Santé depuis la sixième réforme de l'état : vous essuyez les plâtres, notamment au niveau de la transition entre les modèles de gestion.Oui, et en même temps, c'est un magnifique défi, parce que j'aurai pu être dans un contexte où je gérais l'habitude, c'est-à-dire une législature où il n'y avait pas de réforme de l'État particulière et où je gérais l'existant. J'ai la chance, même si ça c'est challeging, même si j'essuie les plâtres, même si ça accentue les critiques, intellectuellement de pouvoir déterminer des politiques majeures en Santé et dans les matières sociales grâce à cette sixième réforme de l'État que je dois maintenant mettre en oeuvre. Les enjeux de l'assurance autonomie, des allocations familiales, la réforme hospitalière, la réforme des maisons de repos...intellectuellement, c'est extrêmement stimulant, comme c'est extrêmement exigeant. C'est aussi parfois contrariant, mais ça permet de donner toute sa noblesse à la fonction publique. Que vous apporte, après six mois de collaboration, le Dr Boucquiau ?Certainement une sensibilité accrue sur les enjeux de la promotion et de la prévention de la Santé. Elle vient de la Fondation contre le cancer. Elle a également le regard d'une praticienne et de quelqu'un qui, avec sa fonction de médecin généraliste, a aussi un regard différent que celui de ma précédente cheffe de cabinet, qui avait pourtant également un champ d'expertise très fort dans toute une série de secteurs. Ce sont des profils différents mais qui apportent une grande plus-value dans la capacité de mettre en oeuvre cette sixième réforme de l'État. Et au-delà de l'apport professionnel, je dois dire que c'est quelqu'un d'extrêmement agréable sur le plan humain.Reprendriez-vous le portefeuille de la Santé si c'était à refaire ? Pourquoi ?Sans hésiter. Pour le challenge intellectuel que ça représente. J'ai besoin intellectuellement de me nourrir de vrais dossiers de fond en matière de politique publique, et tous ceux qui sont sur la table, qui sont encore comme de la terre glaise, qui doivent être reconfigurés à la lumière de la mise en oeuvre de la sixième réforme de l'État, c'est un challenge extraordinaire. Mais ça va permettre de façonner durablement les impulsions en matière de Santé au niveau de la Région, qui vont durer au-delà de la législature et au-delà de moi-même.