Les annexes psychiatriques des prisons accueillent essentiellement des malades psychiatriques dits infractionnels, c'est-à-dire qu'ils ont été déclarés irresponsables de leurs actes par décision judiciaire. L'annexe psychiatrique de la prison de Saint-Gilles accueille environ 90 de ces patients délictueux, encadrés par 3 psychiatres mais qui travaillent environ 90 heures par mois. Chacun ayant une activité médicale en dehors de la prison. Cet encadrement est proche de celui qui prévaut dans les hôpitaux psychiatriques, étant donné qu'il s'agit de pathologies chroniques et non pas aigues. "Le manque de moyens qui est souligné sans cesse relève essentiellement d'une décision politique,, explique le Dr Johan Kalonji. Les détenus incarcérés, qui plus est quand ce sont des patients psychiatriques internés, ne constituent pas forcément une priorité électorale en ces temps de politique sécuritaire. Par ailleurs, n'oublions pas que la raison d'être de l'univers carcéral est en première intention l'enfermement et pas le soin. Le ministère de la Justice, ministère à vocation répressive et malheureusement sous-financé, ce qui est un fait, ne peut donc pas se voir décemment confier l'élaboration d'une politique de santé adéquate pour la population carcérale puisqu'il n'en a ni l'idéologie, ni les moyens."

Remises de peine

L'arsenal thérapeutique est-il suffisant en prison? Nonobstant le manque de moyens, la réalité est très différente de celle décrite par les journalistes qui parlent de "distribution de bonbons", et correspond aux besoins des patients. Le Dr Kalonji affirme qu'il n'y a pas de "camisoles chimiques" dans son annexe psychiatrique.

Comme n'importe quel détenu, le détenu pour raisons psychiatriques bénéficie d'une sorte de remise de peine. Ces libérations conditionnelles sont désormais gérées par la Chambre de protection sociale du Tribunal d'application des peines. "Il n'y a pas techniquement de remise de peine car il n'y a pas de peine. L'internement est en effet une mesure de protection sociale et de protection de l'individu jugé irresponsable de ses actes", précise toutefois le psychiatre.

Depuis octobre 2016, les internés peuvent notamment bénéficier d'un bracelet électronique parmi les différentes modalités de libération. Une part substantielle des détenus en bénéficient d'ailleurs (d'une libération sous modalité), la condition étant de ne pas représenter une menace pour l'ordre public. "La plupart des détenus internés vont en effet pouvoir bénéficier d'une libération à l'essai dans un centre et avec des conditions jugées adéquates à leur pathologie. Seuls les plus dangereux, les plus gravement malades et les internés ne bénéficiant pas d'un droit de séjour seront en définitive obligatoirement dirigés vers un établissement de défense sociale."

Les annexes, une nécessité ?

Faut-il supprimer les annexes psychiatriques? Il faudrait d'abord avoir suffisamment d'institutions pour accueillir des détenus particuliers. "Ces annexes sont nées au début du siècle passé suite au développement de la psychologie et de la psychiatrie criminologique, développement notamment influencé par l'ouvrage du Pr Cesare Lombroso, l'Uomo criminel publié en 1876 qui aura eu comme mérite, de déplacer l'attention du crime vers l'étude de son auteur. Début du 20e siècle, sous l'égide du ministre de la Justice de l'époque Emile Vandervelde (entre 1920 et 1924, ndlr), il a été décidé de mettre en place pour ceux qui avaient à rendre justice ou exécuter les décisions judiciaires, des modes d'intervention plus adéquats et des procédures au plus près des particularités individuelles des individus incarcérés. C'est ainsi qu'après la création des services d'anthropologie pénitentiaire et des annexes psychiatriques dans les grandes prisons du royaume, une loi de 1930, dite de défense sociale, a retiré les délinquants souffrant de maladie mentale du processus judiciaire classique en les rendant, du fait de leur incapacité à contrôler leurs actions du fait de leur pathologie, inaccessibles à toute peine."

En 1972, en créant l'établissement de défense sociale (EDS) de Paifve, l'Etat, déjà sensibilisé à la question de l'exécution de la mesure d'internement pour l'essentiel en annexe psychiatrique, espérait résoudre ce problème. "Malheureusement, les décisions d'internement allant crescendo, l'EDS de Paifve fut rapidement dépassé par la demande, ce qui organisa une certaine rétention des patients dans les différentes annexes psychiatriques. C'est d'ailleurs précisément cette difficulté de saturation des lieus extra-carcéraux qui persiste et cause pour beaucoup leur présence en prison."

En parallèle, près de 40% des détenus "ordinaires" souffrent de troubles psychiatriques mais la Justice les considère comme responsables de leurs actes. "Par décision médicale, on peut décider de les transférer en annexe psychiatrique lorsqu'on estime qu'ils méritent des soins appropriés", ajoute le Dr Kalonji. Mais les annexes psychiatriques ne sont plus prévues pour ces cas-là...

"Un reportage biaisé"

Le Dr Johan Kalonji revient également sur le reportage télévisé La Nef des fous diffusé par la RTBf. Dans notre édition du 23 décembre, nous indiquions que ce reportage avait été mal reçu par les autorités pénitentiaires parce qu'elles ne voulaient pas voir la vérité en face. "En réalité, le reportage contrevenait à la déontologie médicale la plus élémentaire. Les journalistes n'avaient pas obtenu le consentement éclairé des patients, filmés sans leur accord et diffusés sans floutage. Plusieurs familles de patients ont d'ailleurs porté plainte pour atteinte à leur intégrité et ont obtenu gain de cause." Lorsqu'on filme des détenus souffrant de troubles mentaux, il est compliqué de s'assurer de leur consentement éclairé. A aucun moment, les journalistes n'auraient cherché réellement à obtenir ce consentement, affirme le Dr Kalonji. Ils sont été filmés en l'absence de tout accord médical quant au contenu. "Or si la déontologie médicale ne peut pas s'appliquer dans une annexe psychiatrique, qu'est-ce qui la distingue de la prison normale ?"

Les annexes psychiatriques des prisons accueillent essentiellement des malades psychiatriques dits infractionnels, c'est-à-dire qu'ils ont été déclarés irresponsables de leurs actes par décision judiciaire. L'annexe psychiatrique de la prison de Saint-Gilles accueille environ 90 de ces patients délictueux, encadrés par 3 psychiatres mais qui travaillent environ 90 heures par mois. Chacun ayant une activité médicale en dehors de la prison. Cet encadrement est proche de celui qui prévaut dans les hôpitaux psychiatriques, étant donné qu'il s'agit de pathologies chroniques et non pas aigues. "Le manque de moyens qui est souligné sans cesse relève essentiellement d'une décision politique,, explique le Dr Johan Kalonji. Les détenus incarcérés, qui plus est quand ce sont des patients psychiatriques internés, ne constituent pas forcément une priorité électorale en ces temps de politique sécuritaire. Par ailleurs, n'oublions pas que la raison d'être de l'univers carcéral est en première intention l'enfermement et pas le soin. Le ministère de la Justice, ministère à vocation répressive et malheureusement sous-financé, ce qui est un fait, ne peut donc pas se voir décemment confier l'élaboration d'une politique de santé adéquate pour la population carcérale puisqu'il n'en a ni l'idéologie, ni les moyens."L'arsenal thérapeutique est-il suffisant en prison? Nonobstant le manque de moyens, la réalité est très différente de celle décrite par les journalistes qui parlent de "distribution de bonbons", et correspond aux besoins des patients. Le Dr Kalonji affirme qu'il n'y a pas de "camisoles chimiques" dans son annexe psychiatrique.Comme n'importe quel détenu, le détenu pour raisons psychiatriques bénéficie d'une sorte de remise de peine. Ces libérations conditionnelles sont désormais gérées par la Chambre de protection sociale du Tribunal d'application des peines. "Il n'y a pas techniquement de remise de peine car il n'y a pas de peine. L'internement est en effet une mesure de protection sociale et de protection de l'individu jugé irresponsable de ses actes", précise toutefois le psychiatre.Depuis octobre 2016, les internés peuvent notamment bénéficier d'un bracelet électronique parmi les différentes modalités de libération. Une part substantielle des détenus en bénéficient d'ailleurs (d'une libération sous modalité), la condition étant de ne pas représenter une menace pour l'ordre public. "La plupart des détenus internés vont en effet pouvoir bénéficier d'une libération à l'essai dans un centre et avec des conditions jugées adéquates à leur pathologie. Seuls les plus dangereux, les plus gravement malades et les internés ne bénéficiant pas d'un droit de séjour seront en définitive obligatoirement dirigés vers un établissement de défense sociale."Faut-il supprimer les annexes psychiatriques? Il faudrait d'abord avoir suffisamment d'institutions pour accueillir des détenus particuliers. "Ces annexes sont nées au début du siècle passé suite au développement de la psychologie et de la psychiatrie criminologique, développement notamment influencé par l'ouvrage du Pr Cesare Lombroso, l'Uomo criminel publié en 1876 qui aura eu comme mérite, de déplacer l'attention du crime vers l'étude de son auteur. Début du 20e siècle, sous l'égide du ministre de la Justice de l'époque Emile Vandervelde (entre 1920 et 1924, ndlr), il a été décidé de mettre en place pour ceux qui avaient à rendre justice ou exécuter les décisions judiciaires, des modes d'intervention plus adéquats et des procédures au plus près des particularités individuelles des individus incarcérés. C'est ainsi qu'après la création des services d'anthropologie pénitentiaire et des annexes psychiatriques dans les grandes prisons du royaume, une loi de 1930, dite de défense sociale, a retiré les délinquants souffrant de maladie mentale du processus judiciaire classique en les rendant, du fait de leur incapacité à contrôler leurs actions du fait de leur pathologie, inaccessibles à toute peine." En 1972, en créant l'établissement de défense sociale (EDS) de Paifve, l'Etat, déjà sensibilisé à la question de l'exécution de la mesure d'internement pour l'essentiel en annexe psychiatrique, espérait résoudre ce problème. "Malheureusement, les décisions d'internement allant crescendo, l'EDS de Paifve fut rapidement dépassé par la demande, ce qui organisa une certaine rétention des patients dans les différentes annexes psychiatriques. C'est d'ailleurs précisément cette difficulté de saturation des lieus extra-carcéraux qui persiste et cause pour beaucoup leur présence en prison."En parallèle, près de 40% des détenus "ordinaires" souffrent de troubles psychiatriques mais la Justice les considère comme responsables de leurs actes. "Par décision médicale, on peut décider de les transférer en annexe psychiatrique lorsqu'on estime qu'ils méritent des soins appropriés", ajoute le Dr Kalonji. Mais les annexes psychiatriques ne sont plus prévues pour ces cas-là..."Un reportage biaisé"Le Dr Johan Kalonji revient également sur le reportage télévisé La Nef des fous diffusé par la RTBf. Dans notre édition du 23 décembre, nous indiquions que ce reportage avait été mal reçu par les autorités pénitentiaires parce qu'elles ne voulaient pas voir la vérité en face. "En réalité, le reportage contrevenait à la déontologie médicale la plus élémentaire. Les journalistes n'avaient pas obtenu le consentement éclairé des patients, filmés sans leur accord et diffusés sans floutage. Plusieurs familles de patients ont d'ailleurs porté plainte pour atteinte à leur intégrité et ont obtenu gain de cause." Lorsqu'on filme des détenus souffrant de troubles mentaux, il est compliqué de s'assurer de leur consentement éclairé. A aucun moment, les journalistes n'auraient cherché réellement à obtenir ce consentement, affirme le Dr Kalonji. Ils sont été filmés en l'absence de tout accord médical quant au contenu. "Or si la déontologie médicale ne peut pas s'appliquer dans une annexe psychiatrique, qu'est-ce qui la distingue de la prison normale ?"