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Le Cadre pluriannuel qui dessine l'avenir des pharmaciens n'a plus de secret pour vous (lire jdm n°2488). Au programme : l'officialisation de la notion de pharmacien référent (PhR), les gardes plus accessibles, les préparations magistrales mieux encadrées et les prestations de soins et de services en ligne. En un mot : la reconnaissance du pharmacien comme prestataire de première ligne aux côté du médecin traitant.Lieven Zwaenepoel a souligné derechef que la réforme De Block n'est pas un cadeau pour le pharmacien mais bien pour le patient/client. Dans un contexte où les soins de santé sont sous pression, donner à chacun le rôle qui lui revient est une manière d'augmenter l'efficacité. Au surplus, l'approche contenue dans le plan s'échelonne sur plusieurs années. Le plan inscrit encore davantage l'accessibilité aux TIC (technologie de l'information) dans le paysage pharmaceutique, surenchérit Marc-Henri Cornély.Mais quelle différence y a-t-il au fond entre le PhR (sorte de pharmacien de famille) et le pharmacien ordinaire qui peu ou prou remplissait déjà ce rôle ? Sans doute était-il nécessaire d'inscrire ce nouveau concept dans un texte législatif, assure Hilde Deneyer. De l'officialiser. Et aussi de mieux le payer pour ses nouvelles missions.Pour Alain Chaspierre, le pharmacien est le seul prestataire qui a une réelle vision d'ensemble de ce que le patient consomme en matière de médications. Deux plaintes sur trois atterrissent en officine contre une plainte sur trois chez le médecin. Le PhR est donc l'élément moteur d'une politique de prévention en faveur de l'observance thérapeutique. Toutefois, les problèmes liés aux médicaments délivrés aux patients chroniques autonomes ou semi-autonomes ne peuvent être réglés sans le suivi thérapeutique du médecin traitant.Il a été démontré que l'entretien d'accompagnement du patient réalisé par le pharmacien est EBM (efficace) mais aussi EBPolicy (efficient et coût/efficacité), notamment une étude sur l'asthme menée par l'Université de Gand, assure Ph. Zwaenepoel. Le problème, rétorque Chaspierre, c'est que ce n'est pas encore entré dans l'esprit des patients de prendre rendez-vous chez le pharmacien. Ce type d'approche doit être limité à un groupe-cible pour limiter les dépenses. Des freins existent.Pour M. Cornély, ce rendez-vous doit être l'occasion de démarrer une histoire avec le patient et le pharmacien est le plus à même de le faire.Toutefois, consacrer des heures à cela peut amener le pharmacien à une certaine démotivation. Dans les petites officines, encore nombreuses, le pharmacien est encore souvent seul. Il ne peut abandonner la " file " de clients qui se presse pour se procurer le médicament. Chaspierre propose d'y consacrer une demi-journée par semaine. La pharmacie est alors fermée. Mais comment assurer le continuum de la délivrance des médicaments ? Il n'est pas exclu d'envisager des systèmes automatisés. Il faut aussi prévoir un local séparé pour assurer la confidentialité. Dans la plupart des pharmacies, c'est parfaitement possible. Il faut éviter de parler de " consultation " pour ne pas froisser les médecins. Mme Deneyer prévient que tout cela doit se faire progressivement. Il ne faut pas forcément formaliser trop le rendez-vous. Le PhR doit être avant tout à la disposition du patient. C'est pourquoi des incitants financiers (honoraires de conseil) sont prévus dans le Pacte pluriannuel.Si le pharmacien n'a pas le temps pour un entretien, il peut délivrer le médicament et postposer le rendez-vous ensuite sous forme de service supplémentaire. Souvent, le patient reçoit le diagnostic du médecin en pleine figure et arrive à la pharmacie un peu marri. Le pharmacien a pour rôle aussi de le rassurer sur l'emploi du médicament. Pour Cornély, il n'est pas inutile, à la lecture de la prescription, de faire sortir le patient " problématique " de la file pour s'entretenir avec lui posément. Conseiller de retourner voir le médecin si la plainte est d'importance doit être un réflexe de la part du pharmacien.Chaspierre souligne l'enthousiasme des jeunes pharmaciens sortis de l'école en faveur de cette évolution du vulgaire " vendeur de boîtes " (voire vendeur de soupe) à " conseiller santé ". C'est un engagement personnel fort. Une sorte de service après-vente. Le rôle du PhR est de fournir au patient un schéma de médication complet et cohérent tenant compte de l'automédication laquelle n'est pas forcément une mauvaise chose. A chaque modification de la médication, le PhR ajuste ledit schéma. Il faut un socle futur qui n'existe pas actuellement et qui engage la responsabilité du pharmacien.Zwaenepoel souligne l'importance de la concertation médico-pharmaceutique entre médecins et pharmaciens pour laquelle un budget Inami est prévu. Le pharmacien est le premier contact, il est le spécialiste du médicament mais l'information médicamenteuse doit être communiquée au médecin. Le pharmacien n'est pas dans sa tour d'ivoire. D'où l'importance du dossier patient électronique.M. Zwaenepoel fait également allusion au pan des suppléments alimentaires. Le débat évolue alors vers l'aspect commercial quand on sait que 80% des produits proposés en officine ne sont pas des médicaments remboursables (ceux-ci pesant tout de même 80% du total des délivrances). Evoluer vers une approche coût-efficacité fait partie aussi du plan pluriannuel. Il faut éviter que les pharmacies deviennent des souks, prévient Cornély. La Société scientifique de pharmacie doit y pourvoir aussi. Elle compte désormais 2.500 membres assure Chaspierre qui en a assuré la présidence.Et il y a également le problème des self-tests (sida et autres) pour lesquels les médecins sont très critiques, assure Mme Deneyer. L'initiative n'en revient toutefois pas au pharmacien, souligne Cornély. Les tests sont toutefois assez simples à réaliser donc il ne faut pas les dénigrer. Pour Chaspierre, les auto-tests doivent viser un public-cible. Ce ne sont pas des diagnostics mais un signal pour le patient.Une certaine Claire André, "patiente professionnelle" très remontée, rappelle l'importance de faire appel aux associations de patients qui en savent un rayon sur les maladies, les thérapies et le suivi thérapeutique. A Lille, il y a une université des patients. La littéracie en santé est encore trop peu développée en Belgique, pointe-t-elle.Enfin, concernant la densité trop importante des officines, Chaspierre fait allusion à la possibilité de fusionner les petites entités en une seule. Les besoins grandissants du pharmacien en tant que coach santé nécessiteront de toute façon des pharmaciens en nombre substantiel.Le pharmacien du futur, nolens volens, ressemblera de plus en plus à un pasteur d'antan, témoigne un pharmacien dans la salle, citant le Standaard.A moins, comme me le glisse un ponte de l'industrie pharma, que, comme en Australie, on commande ses médicaments sur internet et que des drones les déposent devant la porte. La Belgique n'est pas l'Australie mais la pharmacie en ligne prend une ampleur considérable. Or Maggie De Block comme les associations de pharmaciens ne souhaitent pas la considérer seulement comme une menace...Nicolas de PapeEn Australie, on commande ses médicaments sur internet et un drone les dépose devant la porte...Il faut évoluer vers une notice simplifiée pour le patient et qui évite les avertissements du type " dans les quinze jours de la prise de ce médicament, il peut provoquer un suicide ".