Le journal du Médecin : Les violences obstétricales correspondent-elles à la réalité ?

Dr Julie Belhomme : Je pense que cela correspond à une certaine réalité et qu'il est bon d'en parler. Le mérite de Marie-Hélène Lahaye est d'avoir ouvert un espace de parole pour ces plaintes qui sont réelles. Maintenant, nous ne l'avons pas attendue pour nous interroger sur nos pratiques et sur ce qui peut être mal vécu par nos patientes. Cela fait quinze ans que je pratique. Implémenter de bonnes pratiques guide ma vie de médecin depuis le début.

Par exemple, l'utilisation de la pince de Pozzi n'est plus systématique pour la pose des stérilets. Dans ma pratique, je demande toujours l'autorisation des patientes pour les examiner, et en particulier pour les touchers vaginaux. Ce qui veut dire, techniquement, que la patiente garde le contrôle du geste technique que je pose. Cela se généralise de plus en plus.

Y-a-t-il, dans votre domaine, une résistance aux changements et une incapacité à prendre en compte les résultats de l'ensemble des recherches médicales ?

Bien sûr que non. Prenons l'épisiotomie par exemple. Ce geste qui doit être banni de la pratique systématique. On n'a pas le droit de l'infliger aux femmes s'il n'y a pas d'indication médicale. Dans notre hôpital, on pratique moins de 10 % d'épisiotomies. Le mérite de Mme Lahaye est de remettre en question les services qui pratiquent plus de 50 % d'épisiotomies. Il y a là certainement des changements qui doivent s'opérer.

Est-ce qu'il y a un dogme du protocole, ou peut-on s'écarter des protocoles pour plus d'empathie, plus d'écoute à l'égard des parturientes ? La violence obstétricale est-elle liée au suivi de ces protocoles ?

C'est une bonne question. Il est vrai qu'en matière d'accouchement, je suis d'accord avec Marie-Hélène Lahaye lorsqu'elle dit que la " protocolisation " est parfois délétère. Mais il faut toujours se demander dans quel but un protocole est réalisé. Il faut pouvoir remettre en question les protocoles qui n'ont pas pour but le bien-être et la sécurité de la patiente et de son bébé.

Nous ne sommes plus dans une conception paternaliste de la médecine. Ce qui est une bonne évolution. La relation thérapeutique est donc une discussion d'égal à égal où le praticien donne conseil et où la patiente choisit l'option qui lui convient le mieux.

Le souci, c'est la responsabilité juridique qui n'a pas évolué. Quand un choix thérapeutique est posé, la responsabilité incombe au médecin. Si l'on suit l'évolution de la relation thérapeutique, on doit également voir cette évolution dans la responsabilité. Tant que ce pas ne sera pas franchi, le médecin restera confronté à une situation stressante : d'un côté, il essaye d'écouter et d'honorer le choix de ses patients, d'un autre côté, s'il y a problème, il va être pleinement responsable.

Votre métier est-il plus complexe aujourd'hui qu'hier ?

Oui. Il est aussi plus riche et je le préfère maintenant. Je ne regrette absolument pas les temps anciens.

La vision de Marie-Hélène Lahaye sur la gynécologie-obstétrique est peut-être plus française que belge ?

Vous avez raison. C'est vrai que l'obstétrique en France est beaucoup plus hiérarchisée. Si on se place dans une réalité française, je peux comprendre la parole pamphlétaire, peut-être est-elle nécessaire. Mais en Belgique, pays du compromis et de la nuance, c'est contre productif. Il faut collaborer avec les patientes pour évoluer encore sur les bonnes pratiques. C'est dans le dialogue partagé que l'on peut progresser, certainement pas dans la mise au banc des gynécologues et dans le gynéco-bashing actuel.

J'ajouterai que Marie-Hélène Lahaye veut sortir l'accouchement du monde médical et de l'hôpital. Mais il faut prendre en compte le nivellement social. Les plus démunis ont encore confiance en l'hôpital et n'ont pas toujours les moyens de s'assurer les services d'une sage-femme, d'avoir un bon suivi. Finalement, ce débat récent du retour à la nature, de l'accouchement à domicile est l'apanage d'une toute petite partie de la population, qui a le plus généralement les moyens de ses ambitions.

Faire vaciller la confiance que l'on peut avoir en l'hôpital, en particulier dans les milieux les plus populaires, me questionne. Je pense vraiment que si ces personnes n'ont plus confiance en l'hôpital, il pourrait y avoir des catastrophes.

La réforme du financement des hôpitaux, avec ses implications sur la durée de séjour, sur le budget des services, a-t-elle des répercussions sur la qualité des soins prodigués aux parturientes ?

Incontestablement, ces réformes font du tort à la qualité des soins. Cela fait partie du paradoxe dans lequel nous sommes placés : d'un côté, il y a une pression - légitime - des patients pour plus d'écoute et d'humanisation et de l'autre, honorer ces choix demandent du temps, et la restriction des budgets fait qu'on en a de moins en moins.

Est-ce une fausse économie ?

Sûrement. On sait quand même bien que la prévention primaire et la qualité première des soins ont un coût, mais en termes d'efficience à long terme, c'est bénéfique en termes de qualité et rentable, même d'un point de vue économique. Bien soigner quelqu'un tout de suite, c'est peut-être du personnel en plus, mais cela veut également dire moins de complications et donc moins de retours à l'hôpital. Quand les politiciens auront compris cela, ce sera un grand pas en avant.

Comment évoluent les relations entre médecins et sages-femmes ? Est-ce que la collaboration est optimale ?

De mon point de vue, la collaboration est excellente. Les deux professions sont totalement complémentaires. Ce qui est riche pour les patientes, c'est cet échange.

De manière générale, les soins évoluent. Il faudrait aboutir à un stade où le patient ne court plus après le médecin, mais où les soins tournent autour de lui, dans un processus interdisciplinaire, avec des échanges entre professionnels de la santé.

Pour conclure, je vous dirais que pour moi, l'excellence devrait tendre à établir des plans de soins individualisés où les choix des patientes doivent être honorés, pour peu que la sécurité de la mère et de l'enfant soient garantis.

Le journal du Médecin : Les violences obstétricales correspondent-elles à la réalité ?Dr Julie Belhomme : Je pense que cela correspond à une certaine réalité et qu'il est bon d'en parler. Le mérite de Marie-Hélène Lahaye est d'avoir ouvert un espace de parole pour ces plaintes qui sont réelles. Maintenant, nous ne l'avons pas attendue pour nous interroger sur nos pratiques et sur ce qui peut être mal vécu par nos patientes. Cela fait quinze ans que je pratique. Implémenter de bonnes pratiques guide ma vie de médecin depuis le début.Par exemple, l'utilisation de la pince de Pozzi n'est plus systématique pour la pose des stérilets. Dans ma pratique, je demande toujours l'autorisation des patientes pour les examiner, et en particulier pour les touchers vaginaux. Ce qui veut dire, techniquement, que la patiente garde le contrôle du geste technique que je pose. Cela se généralise de plus en plus.Y-a-t-il, dans votre domaine, une résistance aux changements et une incapacité à prendre en compte les résultats de l'ensemble des recherches médicales ?Bien sûr que non. Prenons l'épisiotomie par exemple. Ce geste qui doit être banni de la pratique systématique. On n'a pas le droit de l'infliger aux femmes s'il n'y a pas d'indication médicale. Dans notre hôpital, on pratique moins de 10 % d'épisiotomies. Le mérite de Mme Lahaye est de remettre en question les services qui pratiquent plus de 50 % d'épisiotomies. Il y a là certainement des changements qui doivent s'opérer.Est-ce qu'il y a un dogme du protocole, ou peut-on s'écarter des protocoles pour plus d'empathie, plus d'écoute à l'égard des parturientes ? La violence obstétricale est-elle liée au suivi de ces protocoles ?C'est une bonne question. Il est vrai qu'en matière d'accouchement, je suis d'accord avec Marie-Hélène Lahaye lorsqu'elle dit que la " protocolisation " est parfois délétère. Mais il faut toujours se demander dans quel but un protocole est réalisé. Il faut pouvoir remettre en question les protocoles qui n'ont pas pour but le bien-être et la sécurité de la patiente et de son bébé.Nous ne sommes plus dans une conception paternaliste de la médecine. Ce qui est une bonne évolution. La relation thérapeutique est donc une discussion d'égal à égal où le praticien donne conseil et où la patiente choisit l'option qui lui convient le mieux.Le souci, c'est la responsabilité juridique qui n'a pas évolué. Quand un choix thérapeutique est posé, la responsabilité incombe au médecin. Si l'on suit l'évolution de la relation thérapeutique, on doit également voir cette évolution dans la responsabilité. Tant que ce pas ne sera pas franchi, le médecin restera confronté à une situation stressante : d'un côté, il essaye d'écouter et d'honorer le choix de ses patients, d'un autre côté, s'il y a problème, il va être pleinement responsable.Votre métier est-il plus complexe aujourd'hui qu'hier ?Oui. Il est aussi plus riche et je le préfère maintenant. Je ne regrette absolument pas les temps anciens.La vision de Marie-Hélène Lahaye sur la gynécologie-obstétrique est peut-être plus française que belge ?Vous avez raison. C'est vrai que l'obstétrique en France est beaucoup plus hiérarchisée. Si on se place dans une réalité française, je peux comprendre la parole pamphlétaire, peut-être est-elle nécessaire. Mais en Belgique, pays du compromis et de la nuance, c'est contre productif. Il faut collaborer avec les patientes pour évoluer encore sur les bonnes pratiques. C'est dans le dialogue partagé que l'on peut progresser, certainement pas dans la mise au banc des gynécologues et dans le gynéco-bashing actuel.J'ajouterai que Marie-Hélène Lahaye veut sortir l'accouchement du monde médical et de l'hôpital. Mais il faut prendre en compte le nivellement social. Les plus démunis ont encore confiance en l'hôpital et n'ont pas toujours les moyens de s'assurer les services d'une sage-femme, d'avoir un bon suivi. Finalement, ce débat récent du retour à la nature, de l'accouchement à domicile est l'apanage d'une toute petite partie de la population, qui a le plus généralement les moyens de ses ambitions.Faire vaciller la confiance que l'on peut avoir en l'hôpital, en particulier dans les milieux les plus populaires, me questionne. Je pense vraiment que si ces personnes n'ont plus confiance en l'hôpital, il pourrait y avoir des catastrophes.La réforme du financement des hôpitaux, avec ses implications sur la durée de séjour, sur le budget des services, a-t-elle des répercussions sur la qualité des soins prodigués aux parturientes ?Incontestablement, ces réformes font du tort à la qualité des soins. Cela fait partie du paradoxe dans lequel nous sommes placés : d'un côté, il y a une pression - légitime - des patients pour plus d'écoute et d'humanisation et de l'autre, honorer ces choix demandent du temps, et la restriction des budgets fait qu'on en a de moins en moins.Est-ce une fausse économie ?Sûrement. On sait quand même bien que la prévention primaire et la qualité première des soins ont un coût, mais en termes d'efficience à long terme, c'est bénéfique en termes de qualité et rentable, même d'un point de vue économique. Bien soigner quelqu'un tout de suite, c'est peut-être du personnel en plus, mais cela veut également dire moins de complications et donc moins de retours à l'hôpital. Quand les politiciens auront compris cela, ce sera un grand pas en avant.Comment évoluent les relations entre médecins et sages-femmes ? Est-ce que la collaboration est optimale ?De mon point de vue, la collaboration est excellente. Les deux professions sont totalement complémentaires. Ce qui est riche pour les patientes, c'est cet échange.De manière générale, les soins évoluent. Il faudrait aboutir à un stade où le patient ne court plus après le médecin, mais où les soins tournent autour de lui, dans un processus interdisciplinaire, avec des échanges entre professionnels de la santé.Pour conclure, je vous dirais que pour moi, l'excellence devrait tendre à établir des plans de soins individualisés où les choix des patientes doivent être honorés, pour peu que la sécurité de la mère et de l'enfant soient garantis.