Ils ne sont que quinze. Huit néerlandophones et sept francophones sommés de parcourir l'ensemble du territoire belge. Tout au long de l'année, les visiteurs médicaux indépendants de Farmaka écument les cabinets des médecins généralistes. Leur but ? Promouvoir l'utilisation et la prescription rationnelles de médicaments, tout en se démarquant, par leur indépendance, des traditionnels délégués commerciaux, qui représentent des firmes pharmaceutiques. "On promeut l'evidence-based medecine. On essaye de fournir les informations les plus neutres, les plus récentes et les plus scientifiques possible à propos de différentes thématiques", commence Sophie Vanderdonck, coordinatrice du projet depuis deux ans.

Reste que l'effectif, composé de médecins généralistes (un peu) et de pharmaciens (beaucoup), est trop limité pour rendre visite à l'ensemble des généralistes du Royaume. "On a progressé ces dernières années, mais on ne touche qu'environ 40% des médecins", précise-t-elle. Par manque de temps, donc, et à cause des réticences de certains généralistes. "On ne dispose que d'un seul coup de fil pour les convaincre de nous recevoir et certains sont impossibles à contacter parce que leurs coordonnées ne sont pas à jour", ajoute Annick Nonneman, pharmacienne et visiteuse médicale à Bruxelles et dans "deux, trois communes du Brabant wallon".

Farmaka ne se satisfait pas de ce quota de visites et cherche, par plusieurs moyens, à rencontrer de plus en plus de médecins. "Notre nouveau site et des flyers assurent notre publicité. On donne aussi des séminaires à l'Université libre de Bruxelles, à l'UGent et à la KULeuven. On promeut les pratiques de groupe, ce qui favorise l'interactivité, explique la pharmacienne. Il faut simplement éviter que les groupes ne soient trop nombreux, sinon l'attention de nos auditeurs se perd."

Des sujets qui intéressent les médecins

En 2010, le centre fédéral d'expertise (KCE) avait émis quelques réserves quant à l'efficacité du projet des visiteurs médicaux indépendants. Notamment au niveau du choix des sujets, qu'il jugeait trop peu "en harmonie avec les centres d'intérêt des médecins". "Le rapport du KCE avait été vertement contesté, répliquent Sophie et Annick. Les sujets sont choisis selon plusieurs critères : leur pertinence pour la pratique des généralistes et leur actualité, notamment. On va, par exemple, aborder le thème de l'obésité. Difficile de faire plus actuel et plus pertinent. La meilleure preuve que les sujets intéressent les médecins c'est qu'une fois qu'on arrive à les convaincre de nous recevoir une première fois, ils réclament notre retour pour les sujets à venir."

Chaque année, trois sujets sont traités. Pour chacun d'entre eux, les visiteurs médicaux indépendants assistent à une formation de quatre jours, donnée par un collaborateur scientifique. "C'est ce qui garantit leur expertise, et permet aux médecins d'ajuster ou de renforcer leurs connaissances, si nécessaire", explique la coordinatrice du projet. "Parfois, les généralistes pensent maîtriser les sujets communs, mais les données évoluent, renchérit Annick. Les éléments de preuve de 2016 ne sont pas les mêmes que ceux de 2012. On actualise leurs savoirs."

"Maintenant, il faut des actions !"

Pour poursuivre son initiative ou l'étendre, Farmaka a besoin d'actions politiques. "Nous voulons plus de continuité, de stabilité, explique Didier Martens, directeur de l'asbl. Le projet a fait ses preuves, nous avons dépassé la phase de test. Pourquoi pas un financement sur plusieurs années, par exemple ? Heureusement, Maggie De Block, la ministre de la Santé, ne jure que par l'evidence-based medecine. "On veut bien croire qu'elle est pro EBM, mais on demande à voir ce que ça signifie, niveau budget notamment, commente Sophie. Quand on a lu que l'EBM faisait partie de son programme, on était contents et curieux. Maintenant, il faut des actions !"

Budgétaires, mais pas seulement. "On aimerait collaborer avec d'autres organisations EBM en Belgique, comme on nous conseille de le faire, poursuit-elle. Il faut un cadre général pour nous regrouper, pour éviter qu'il y ait des doublons dans les actions que l'on entreprend. Cela nous permettrait de gagner en efficacité." Et Didier Martens de souligner la position ambigüe de Maggie De Block à l'égard des firmes pharmaceutiques : "Nous avons constaté que des accords avec l'industrie se sont fait très rapidement, mais qu'il n'y a encore toujours pas de cadre concret pour les organisations EBM. Son attitude est difficile à cerner."

Annick abonde dans le même sens : "Le sujet est délicat, mais on aimerait voir des actions. Les paroles, c'est bien, mais la pratique, c'est mieux. Et pour le moment, on ne voit pas grand-chose."

En attendant, les visiteurs médicaux indépendants devront se cantonner à un nombre relativement limité de visites. "C'est frustrant, parce que de plus en plus de médecins adhèrent à notre projet, donc on doit réduire le nombre de sujets que l'on présente à chaque généraliste, faute de moyens. Ça sera le cas tant que notre budget ne changera pas", précise la pharmacienne.

Malgré tout, les choses semblent évoluer petit à petit. Notamment au niveau des mentalités. Signe que le projet de Farmaka n'est pas infructueux. "Il faut juger notre efficacité à plus long terme, estime Annick. L'EBM prend de plus en plus de place au niveau académique. Les étudiants sont sensibilisés à l'esprit critique, à la prescription rationnelle. On verra dans quelques années ce que ça donnera."

Pour le plus grand bonheur de Farmaka et de tous ses membres. Parce que, selon eux, l'evidence-based medecine n'est pas qu'une doctrine théorique parmi d'autres. C'est une science dont profitent, avant tout, les patients des généralistes. À savoir tout le monde.

Farma-quoi ?

Farmaka est une association sans but lucratif fondée en 1972. Depuis sa création, Farmaka tente de promouvoir l'evidence-based medecine, approche revendiquée par de nombreuses organisations médicales et pharmaceutiques, par le truchement de divers projets, dont le plus important est celui des visiteurs médicaux indépendants.

Huit mille généralistes (38%) ont reçu, dans leur cabinet ou lors de pratiques groupées, un employé de Farmaka en 2015. L'autre initiative de grande ampleur est la rédaction d'un formulaire de soins aux personnes âgées, lequel se décrit comme étant un guide pour la prescription rationnelle aux personnes âgées. Récemment, le formulaire a assisté à la naissance de son pendant numérique.

L'association compte une quarantaine de collaborateurs, souvent à temps partiel, parmi lesquels des visiteurs médicaux indépendants, du personnel scientifique, des rédacteurs, des employés administratifs, un gestionnaire de réseau et un coordinateur de projet.

"Ils sont bien documentés"

Charles Berliner est médecin généraliste à Bruxelles. Depuis de nombreuses années, il reçoit, dans son cabinet, les visiteurs médicaux indépendants de Farmaka.

Les informations transmises par les visiteurs médicaux indépendants sont-elles fiables ?

Oui, leurs informations me semblent neutres et fiables. Ils sont particulièrement bien documentés. Cela tranche avec les délégués commerciaux qui, comme leur nom l'indique, poursuivent une motivation mercantile.

Les sujets traités sont-ils, à vos yeux, intéressants ?

Oui, ils le sont, et ils sont pertinents, puisqu'ils me servent dans ma pratique quotidienne de la médecine. J'essaye, dans la mesure du possible, de suivre les conseils qu'ils me prodiguent. Cependant, ils ne viennent pas souvent. Je ne reçois que deux ou trois visites par an.

Ils ne sont que quinze. Huit néerlandophones et sept francophones sommés de parcourir l'ensemble du territoire belge. Tout au long de l'année, les visiteurs médicaux indépendants de Farmaka écument les cabinets des médecins généralistes. Leur but ? Promouvoir l'utilisation et la prescription rationnelles de médicaments, tout en se démarquant, par leur indépendance, des traditionnels délégués commerciaux, qui représentent des firmes pharmaceutiques. "On promeut l'evidence-based medecine. On essaye de fournir les informations les plus neutres, les plus récentes et les plus scientifiques possible à propos de différentes thématiques", commence Sophie Vanderdonck, coordinatrice du projet depuis deux ans.Reste que l'effectif, composé de médecins généralistes (un peu) et de pharmaciens (beaucoup), est trop limité pour rendre visite à l'ensemble des généralistes du Royaume. "On a progressé ces dernières années, mais on ne touche qu'environ 40% des médecins", précise-t-elle. Par manque de temps, donc, et à cause des réticences de certains généralistes. "On ne dispose que d'un seul coup de fil pour les convaincre de nous recevoir et certains sont impossibles à contacter parce que leurs coordonnées ne sont pas à jour", ajoute Annick Nonneman, pharmacienne et visiteuse médicale à Bruxelles et dans "deux, trois communes du Brabant wallon".Farmaka ne se satisfait pas de ce quota de visites et cherche, par plusieurs moyens, à rencontrer de plus en plus de médecins. "Notre nouveau site et des flyers assurent notre publicité. On donne aussi des séminaires à l'Université libre de Bruxelles, à l'UGent et à la KULeuven. On promeut les pratiques de groupe, ce qui favorise l'interactivité, explique la pharmacienne. Il faut simplement éviter que les groupes ne soient trop nombreux, sinon l'attention de nos auditeurs se perd."En 2010, le centre fédéral d'expertise (KCE) avait émis quelques réserves quant à l'efficacité du projet des visiteurs médicaux indépendants. Notamment au niveau du choix des sujets, qu'il jugeait trop peu "en harmonie avec les centres d'intérêt des médecins". "Le rapport du KCE avait été vertement contesté, répliquent Sophie et Annick. Les sujets sont choisis selon plusieurs critères : leur pertinence pour la pratique des généralistes et leur actualité, notamment. On va, par exemple, aborder le thème de l'obésité. Difficile de faire plus actuel et plus pertinent. La meilleure preuve que les sujets intéressent les médecins c'est qu'une fois qu'on arrive à les convaincre de nous recevoir une première fois, ils réclament notre retour pour les sujets à venir."Chaque année, trois sujets sont traités. Pour chacun d'entre eux, les visiteurs médicaux indépendants assistent à une formation de quatre jours, donnée par un collaborateur scientifique. "C'est ce qui garantit leur expertise, et permet aux médecins d'ajuster ou de renforcer leurs connaissances, si nécessaire", explique la coordinatrice du projet. "Parfois, les généralistes pensent maîtriser les sujets communs, mais les données évoluent, renchérit Annick. Les éléments de preuve de 2016 ne sont pas les mêmes que ceux de 2012. On actualise leurs savoirs."Pour poursuivre son initiative ou l'étendre, Farmaka a besoin d'actions politiques. "Nous voulons plus de continuité, de stabilité, explique Didier Martens, directeur de l'asbl. Le projet a fait ses preuves, nous avons dépassé la phase de test. Pourquoi pas un financement sur plusieurs années, par exemple ? Heureusement, Maggie De Block, la ministre de la Santé, ne jure que par l'evidence-based medecine. "On veut bien croire qu'elle est pro EBM, mais on demande à voir ce que ça signifie, niveau budget notamment, commente Sophie. Quand on a lu que l'EBM faisait partie de son programme, on était contents et curieux. Maintenant, il faut des actions !" Budgétaires, mais pas seulement. "On aimerait collaborer avec d'autres organisations EBM en Belgique, comme on nous conseille de le faire, poursuit-elle. Il faut un cadre général pour nous regrouper, pour éviter qu'il y ait des doublons dans les actions que l'on entreprend. Cela nous permettrait de gagner en efficacité." Et Didier Martens de souligner la position ambigüe de Maggie De Block à l'égard des firmes pharmaceutiques : "Nous avons constaté que des accords avec l'industrie se sont fait très rapidement, mais qu'il n'y a encore toujours pas de cadre concret pour les organisations EBM. Son attitude est difficile à cerner."Annick abonde dans le même sens : "Le sujet est délicat, mais on aimerait voir des actions. Les paroles, c'est bien, mais la pratique, c'est mieux. Et pour le moment, on ne voit pas grand-chose."En attendant, les visiteurs médicaux indépendants devront se cantonner à un nombre relativement limité de visites. "C'est frustrant, parce que de plus en plus de médecins adhèrent à notre projet, donc on doit réduire le nombre de sujets que l'on présente à chaque généraliste, faute de moyens. Ça sera le cas tant que notre budget ne changera pas", précise la pharmacienne. Malgré tout, les choses semblent évoluer petit à petit. Notamment au niveau des mentalités. Signe que le projet de Farmaka n'est pas infructueux. "Il faut juger notre efficacité à plus long terme, estime Annick. L'EBM prend de plus en plus de place au niveau académique. Les étudiants sont sensibilisés à l'esprit critique, à la prescription rationnelle. On verra dans quelques années ce que ça donnera."Pour le plus grand bonheur de Farmaka et de tous ses membres. Parce que, selon eux, l'evidence-based medecine n'est pas qu'une doctrine théorique parmi d'autres. C'est une science dont profitent, avant tout, les patients des généralistes. À savoir tout le monde.Farmaka est une association sans but lucratif fondée en 1972. Depuis sa création, Farmaka tente de promouvoir l'evidence-based medecine, approche revendiquée par de nombreuses organisations médicales et pharmaceutiques, par le truchement de divers projets, dont le plus important est celui des visiteurs médicaux indépendants. Huit mille généralistes (38%) ont reçu, dans leur cabinet ou lors de pratiques groupées, un employé de Farmaka en 2015. L'autre initiative de grande ampleur est la rédaction d'un formulaire de soins aux personnes âgées, lequel se décrit comme étant un guide pour la prescription rationnelle aux personnes âgées. Récemment, le formulaire a assisté à la naissance de son pendant numérique.L'association compte une quarantaine de collaborateurs, souvent à temps partiel, parmi lesquels des visiteurs médicaux indépendants, du personnel scientifique, des rédacteurs, des employés administratifs, un gestionnaire de réseau et un coordinateur de projet.Charles Berliner est médecin généraliste à Bruxelles. Depuis de nombreuses années, il reçoit, dans son cabinet, les visiteurs médicaux indépendants de Farmaka.Les informations transmises par les visiteurs médicaux indépendants sont-elles fiables ?Oui, leurs informations me semblent neutres et fiables. Ils sont particulièrement bien documentés. Cela tranche avec les délégués commerciaux qui, comme leur nom l'indique, poursuivent une motivation mercantile.Les sujets traités sont-ils, à vos yeux, intéressants ?Oui, ils le sont, et ils sont pertinents, puisqu'ils me servent dans ma pratique quotidienne de la médecine. J'essaye, dans la mesure du possible, de suivre les conseils qu'ils me prodiguent. Cependant, ils ne viennent pas souvent. Je ne reçois que deux ou trois visites par an.